Pédagogie Freinet : Le vivre ensemble ou le secret de réunir enfants ordinaires et handicapés dans une salle





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En Côte d’Ivoire, l’on connait l’Ecole des sourds, l’Institut des Aveugles et autres écoles spécialisées dédiées aux enfants handicapés psychomoteurs, notamment La Page Blanche. Mais une école mettant ensemble des enfants ordinaires et des enfants souffrant de handicap psycho moteur, non. Et pourtant, à La Madeleine, école située à quelques encablures de l’Eglise Sainte Famille de la Riviera II, on en a le secret. Par « la pédagogie Freinet, une pédagogie innovante », cette école a réussi à regrouper dans une même classe, des enfants dit ordinaires et des enfants porteurs de handicap. Chose très rare.

Dans cette école, le « vivre ensemble », expression empruntée au politique retrouve tout son sens, brisant ainsi les lignes de méfiance qui pourraient exister entre les apprenants.

A l’entrée de cet établissement, où l’on aperçoit l’écriteau « La Madeleine, pédagogie Freinet », une imposante bâtisse de deux étages bien décorée vous prépare à quelque chose de merveilleux. 

Au bureau de la directrice, le décor en dit long sur le talent caché des apprenants de cette école. Des dessins de tout genre vous font penser, d’entrée, à une école d’art plastique.

Une fois à l’intérieur, le visiteur est tout de suite frappé par la parfaite cohabitation entre enfants ordinaires et enfants porteurs de handicap.

Il est environ 10 h, ce mercredi 9 février 2022, lorsqu’ une équipe de pressecotedivoire.ci fait son entrée de cet établissement où l’y attende la direction et l’ensemble du personnel.

Des chants et le son du « Djembé » (tam-tam) laissent croire que l’on est à un moment festif. Que non. Il s’agit d’un atelier, une activité normale où chants, danses et autres représentations sont parfaitement exécutés par les élèves.

Mais avant, des tout-petits de la maternelle, assis à même le sol, écoutent attentivement leur encadreur, une maitresse qui leur parle des bienfaits de l’entraide et du partage. Une leçon apparemment bien comprise par les enfants.

Ici, c’est avec enthousiasme que les enfants retrouvent leur école et apprennent dans la joie. « Ils viennent comme s’ils allaient chez eux », se réjouie la première responsable de l’établissement, Mme Ettié Eudoxie. Contrairement à d’autres établissements où l’enfant a peur d’être en face de son maitre qu’il considère comme un « bourreau ».

Il est 10 h, c’est l’heure du goûter. Les enfants vont tour à tour à la cantine, en commençant par les tout-petits, en ordre et dans une ambiance plus que familiale. La discipline est de mise.

Pendant qu’ils prennent leur repas, les encadreurs veillent toujours afin d’éviter d’éventuel désordre. Mais à moins que ne se déclenche une crise, il est difficile de distinguer un enfant porteur de handicap d’un autre.

Toutefois, quand survient une crise, les encadreurs sont assez outillés pour la gérer. Pendant que nous y sommes, un enfant pique une crise. Très vite, il s’est retrouvé dans les bras de la directrice et en moins d’une minute, elle a réussi à le calmer et tout s’est poursuivi comme si de rien n’était. Pas étonnant pour cette dame expérimentée qui les côtoie depuis 25 ans.

Un personnel dévoué et au service des enfants

A côté d’une direction qui met tout en œuvre pour l’épanouissement des élèves, se trouve un personnel dévoué et au service des enfants.

Témoignages

Maitresse de la maternelle :

Certes, il y a une différence entre les enfants du dehors et ceux d’ici. Mais l’amour que nous avons pour eux est suffisant pour que nous soyons là. De visu, c’est un peu difficile de reconnaitre un enfant souffrant de handicap. Mais le fait d’être avec eux tout le temps, vous vous rendez compte que tel enfant a telles difficultés.

Le plaisir que je tire, c’est la joie de vivre. Car, ces enfants sont porteurs d’amour. Ils nous apportent la joie. Avec ces enfants, on ne s’ennuie pas et on apprend aussi auprès d’eux.

Djedji Célestine, maitresse des enfants en difficulté

Au départ je prenais les élèves de la moyenne section, de la petite et de la grande section. Mais, les maitresses qui venaient encadrer les enfants en difficulté n’arrivaient pas. Elles venaient et repartaient.

Donc la directrice m’a approché pour savoir si je pouvais encadrer ces enfants en difficulté. J’ai dit, je vais essayer. C’est ainsi que je suis resté avec eux jusqu’à présent.

J’arrive à les encadrer. Je les prends comme mes enfants. Je n’ai pas de difficulté avec eux. A un moment, la directrice m’a proposé de changer de classe. Mais j’ai refusé. Ce qui fait que je veux rester avec eux. Ce sont des enfants très gentils, qui n’ont aucun problème avec quelqu’un. Tout ce que tu leur dis de faire, ils le font. Ils ont certes leur caractère mais ils sont très gentils et très intéressants.

M. Kouman Vincent, maitre djembé

Quand je les accompagne dans le chant avec le Djembé (tam-tam), ils sont contents et je sens qu’ils attendaient ça. Chaque fois que j’arrive ici, j’entends partout maitre Djembé, maitre djembé et quand je leur apprends à chanter, tout rentre dans l’ordre.

Quand je m’absente et que je reviens, je sens que les enfants sont heureux de me revoir

Aujourd’hui, les gens ont tendance à dire que c’est à l’école qu’on peut réussir. Je dis non. Il y a la peinture, le chant. Si les gens avaient mis cela en pratique dans les établissements, ils allaient voir que leurs enfants seraient instruits.

Dassi Robert : maitre artistique

J’enseigne les cours d’art plastique aux enfants depuis plus de 20 ans. J’ai fait l’école des beaux-arts. Mais vu la situation des enfants qui avaient besoin d’élever leur niveau, de les aider à sortir de leur handicap, il fallait le dessin. Par compassion, j’ai dû travailler avec ces enfants pour leur évolution. Le dessin est un élément déclencheur. Il déclenche une situation. Il donne l’expérience à l’enfant. Il apprend la patience et la maitrise de soi. Ça lui donne aussi la faculté de bien écrire. Le dessin est un tout. Il réunit tous les éléments qui aident l’enfant dans son développement.

Ce qui me satisfait, c’est que j’ai vu des enfants sortir de cet handicap et évoluer par l’art plastique, par la manière de les tenir. L’art a constitué un déclic.

J’encourage les établissements à engager des maitres d’arts plastiques parce que le dessin c’est l’élément fondamental du monde. Ces professeurs peuvent aider à élever le niveau des enfants. Madame la directrice d’ici a compris très tôt.

Lambert KOUAME

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