Arsène Konan (Coordonnateur des programmes de Indigo Côte d'Ivoire) après la rencontre ADO-Gbagbo : " chacun peut être acteur de paix…"





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La rencontre entre les présidents Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo qui a eu lieu le  27 juillet 2021 à Abidjan, reste l'un des actes majeurs de la vie sociopolitique en Côte d'Ivoire de ces dernières années. Dans une interview, le Coordonnateur des programmes de "Indigo Côte d'Ivoire" Arsène Konan, salue ce geste de haute portée symbolique de ces deux  leaders politiques, les félicite, tout en les encourageant à demeurer dans cette dynamique.

Quelle lecture fait-on de cette rencontre entre les présidents Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo ?

Cette rencontre est pour nous des plus symboliques et importantes. On va dire une rencontre au sommet, entre l’actuel Chef d’Etat, le président Alassane Ouattara et son prédécesseur Laurent Gbagbo est pour nous comme une bouffée d’oxygène qui arrive à point nommé pour continuer la détente de l’atmosphère socio-politique en Côte d’Ivoire, qui rappelons-nous a débuté avec la rencontre des deux grands, le président Alassane Ouattara et le président Henri Konan Bédié en son temps, au lendemain de l’élection présidentielle de 2020. Et nous avons vu tout de suite les résultats ou les conséquences de cette rencontre en son temps, en novembre 2020 et l’organisation dans un climat plus ou moins apaisé des Législatives nous a démontré combien de fois ce genre d’actes symboliques au sommet pouvaient contribuer à créer des conditions de vie pacifiée, apaisée dans notre pays. Nous avons trouvé cela très élégant de leur part de faire preuve de dépassement de soi, de hauteur d’esprit. Accepter de se rencontrer après tous ces passifs que nous avons enregistrés dans notre pays et qui mettaient justement en scènes ces deux poids lourds de la politique ivoirienne. Accepter donc de passer l’étape et de se retrouver avec tant de courtoisies, avec tant de sympathie, personnellement on s’est surpris à rêver, à rêver avec l’ensemble des Ivoiriens, à des lendemains meilleurs pour la Côte d’Ivoire.   

 Selon vous qui êtes habitués à la résolution de conflits, qu'est-ce qui pourrait avoir poussé ces leaders à reprendre langue ?   

A priori, c’est une rencontre qui était improbable mais il faut dire que nous avons affaire à des personnalités, des hommes d’Etat qui là nous ont démontrés que la carrure qui est la leur, faisait d’eux des personnes qui étaient capables de se mettre au-dessus de la mêlée, de voir plus large que peut être des intérêts partisans et de pouvoir regarder l’intérêt de la nation. Et donc pour nous, cela n’était pas impossible bien que très peu probable. Par cette rencontre historique du 27 juillet 2021, l’ancien Chef d’Etat et le nouveau Chef d’Etat viennent de nous montrer qu’à un moment donné il faut pouvoir faire preuve de dépassement de soi et aller à l'essentiel. L’essentiel c’est donc la paix en Côte d'Ivoire, la quiétude et le bien-être des populations ivoiriennes et cela, nous tenons à le saluer. 

 Après une telle rencontre assez historique, à quoi pourrait-on s'attendre, pour espérer être effectivement sur la route de la paix ?

Cette question, elle est belle, parce que c’est une rencontre qui vaut son pesant d’or, mais ne soyons pas dupes. Il y a là un geste fort de part et d’autre. Donc une volonté plus ou moins affichée d’aller de l’avant et selon les dires des deux acteurs importants, la crise est derrière nous. Aujourd’hui, il faut pouvoir regarder de façon zen, de façon saine, tout ce qui était divergences et pouvoir trouver donc les solutions à toutes ces questions qui ont divisé par le passé. C’est seulement à cette condition qu’on arrivera véritablement à aller de l’avant, à passer le cap de la belligérance ou de la conflictualité et puis réussir véritablement à asseoir donc un climat de paix durable pour notre pays. Se faisant, chacun doit quand même impliquer ses partisans dans cette dynamique, parce que vous comprenez avec moi que si une rencontre au sommet a de l’impact sur les partisans, après il faudra faire de la pédagogie dans chacun des camps, de sorte que chaque partisan, là où il se trouve, dans quelque hameau que ce soit, puisse s’inscrire résolument dans cette dynamique de paix, pour le meilleur ou pour le bonheur de tous les citoyens ou de tous les habitants de ce pays.          

Les mésententes entre le président actuel et son prédécesseur ont aussi troublé les rapports entre différentes communautés se reconnaissant en chacun d'eux. Est-ce qu'il faut craindre que les partisans ne suivent pas leur nouvelle posture plutôt conciliante ?

Dans le cadre du programme Transition et Inclusion Politiques, nous avons à charge d’observer l’environnement sociopolitique sur le long terme en Côte d’Ivoire, et nous sommes donc en contact avec les communautés. Pour ce que nous avons l’habitude d’observer, nous avons pu comprendre que tout ce qui était élément positif au niveau du sommet politique en Côte d’Ivoire avait quand même une répercussion positive sur les populations à la base. Et donc nous sommes confiants de ce que, si l’élite politique reste dans cette dynamique bienveillante et élégante, il va s’en dire que les populations à la base suivront la dynamique. Mais, comme je l’ai dit, il faut pouvoir faire suffisamment de pédagogie pour emmener les uns et les autres à vraiment s’inscrire dans cette dynamique. Dans tous les cas, dans chacun des camps, il y a forcément des inconditionnels, des personnes qui veulent toujours en découdre. Mais il faut pouvoir faire cette pédagogie pour que ces personne- là se rendent à l’évidence que la paix est profitable à tous. Seule la paix permettra aux uns et autres de pouvoir vivre en toute quiétude, de pouvoir mener leurs activités, de pouvoir faire prospérer le pays, parce que de part et d’autre on dit aimer la Côte d’Ivoire, il n’y a pas de raison que les uns et les autres ne s’inscrivent pas dans cette dynamique qui sera profitable à la Côte d’Ivoire toute entière. 

Est-ce qu'on devrait s'attendre à d'autres rapprochements sur le plan politique ; au sein du FPI (Front Populaire Ivoirien) par exemple ? ou un rapprochement Ouattara - Soro Guillaume ou même Bédié - Ouattara ?

Nous remarquons tout de suite que depuis novembre 2020, il y a plus ou moins une dynamique assez positive qui est à l’œuvre. L’ancien président Henri Konan Bédié a rencontré son jeune frère, l’actuel président Alassane Ouattara et dans cette même mouvance, l’ancien Chef d’Etat Laurent Gbagbo qui était à l’extérieur du pays, depuis pratiquement dix (10) ans a pu rentrer après son acquittement définitif par la Cour Pénale Internationale et donc pour nous, s’il a pu rentrer et là rencontrer ce 27 juillet, l’actuel Chef d’Etat, c’est parce qu’il y a cette dynamique de rapprochement des acteurs politiques. Après, ne pensons pas que tout va se faire de façon linéaire. Il y aura forcément quelques défis à relever çà et là, mais nous pensons que au vu de l’évènement du 27 juillet déjà, nous comprenons que nos acteurs politiques, quand ils le veulent véritablement, ils sont capables de dépassement de soi, de hauteur d’esprit pour mettre en avant l’intérêt commun, l’intérêt national. 

 Qu'est-ce que les communautés à la base pourraient faire pour renforcer leurs liens, qui ont également été détériorés ces dernières années ?

 Nous on a l’habitude de dire à Indigo Côte d’Ivoire que chacun peut être acteur de paix. Et pour nous, les leaders peuvent faire la paix entre eux. Ils peuvent s’asseoir, manger ensemble, festoyer ensemble, parce que la paix est retrouvée à leur niveau, mais par nos actes au quotidien nous devons nous aussi contribuer à consolider cette paix parce que si au sommet la paix est là et que dans les communautés nous sommes encore en état de belligérance, il va s’agir que nous allons pour fragiliser par nos actions au quotidien cette paix qui est en construction et donc pour nous, les communautés doivent s'inscrire résolument dans cette dynamique en essayant de gérer de façon zen et de façon responsable les défis qui les opposent. Et puis comprendre que tout compte fait, il faut pouvoir tirer les conséquences et aller de l'avant et pour ça nous faisons confiance quand même aux capacités de résilience des populations ivoiriennes, qui malgré tous les soubresauts sociopolitiques qu’on a connus depuis ces dernières décennies arrivent toujours à se retrouver. Après, il nous revient aussi, nous, en tant qu'organisations de la société civile, en tant que membres de programmes comme le programme Transition et Inclusion Politiques, d'accompagner toute cette grande dynamique au niveau communautaire, de sorte que chacun puisse jouer sa partition pour une Côte d’Ivoire véritablement rassemblée et réconciliée avec elle-même. 

 

Indigo Côte d'Ivoire a continué d'observer les dynamiques sociopolitiques, de même que ses actions de dialogue sur le terrain. Qu'est-ce que l'ONG prévoit de faire pour accompagner cette nouvelle ère qui s’ouvre sur la Côte d'Ivoire ?  

Nous n'avons pas attendu cette rencontre historique parce que nous savions que, en tant que des personnes très optimistes pour la paix en Côte d'Ivoire, parce que nous savons que la Côte d'Ivoire a des leviers sur lesquels elle peut rebondir à tout moment pour faire la paix et pour se réconcilier. Nous avons déjà commencé un travail, on va dire, de détermination des raisons profondes des crises sociopolitiques en Côte d'Ivoire et surtout les crises électorales. Ce travail avec les communautés nous permet de nous rendre compte qu'au-delà des questions politiques ou purement électorales, qui enveniment la situation lors des joutes politiques ou électorales,  Il y a dans nos communautés, nombre de défis ou de conflits qui n’ont parfois pas de relents politiques, mais qui  n'ont pas été suffisamment adressés. Et pour nous, en faisant ce monitoring de ces défis communautaires qui n'ont pas été suffisamment adressés et en les reversant par exemple aux dossiers des institutions ou même de l'État ou encore du ministère en charge de la réconciliation nationale, nous contribuerons dans une certaine mesure à accompagner cet élan de pacification de l'environnement sociopolitique et communautaire en Côte d'Ivoire. Nous entendons donc continuer dans cette lancée pour emmener les populations, là où il y a eu des défis de cohésion sociale, à se parler, à se regarder en face et se dire les vérités et puis à pouvoir trouver les solutions endogènes. Parce que tout compte fait, les populations sont suffisamment intelligentes pour comprendre les défis ou les enjeux qui sont les leurs et de pouvoir trouver les pistes d'actions, les pistes de solutions, pour une paix durable dans ces communautés.

 Solange ARALAMON

 

 

 

 

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