Maître Habiba Touré: «Laurent Gbagbo n'a aucun sentiment de revanche»





maitre-habiba-toure-laurent-gbagbo-na-aucun-sentiment-de-revanche


Laurent Gbagbo, l'ancien président ivoirien, doit rentrer ce jeudi 17 juin dans son pays après dix ans d'exil. Une majeure partie de cet exil s'est déroulée en détention à la CPI où il était jugé pour des crimes contre l'humanité commis pendant la crise postélectorale de 2010-2011. Acquitté définitivement fin mars, il est attendu à Abidjan dans la journée. Son avocate, Maître Habiba Touré est en ligne avec Amélie Tulet.

RFI : Vous êtes proche de Laurent Gbagbo. Quelle émotion l’emporte sur les autres à l’heure du retour en Côte d’Ivoire après dix ans d’exil ?

Maître Habiba Touré : Je dirais qu’il y a beaucoup d’émotions. C’est un personnage assez serein, c’est dans son tempérament. Mais vous vous doutez bien qu’il y a aussi beaucoup d’impatience à l’idée de ressentir l’air de la Côte d’Ivoire.

Est-ce un homme apaisé ou éprouvé qui rentre ce jeudi dans son pays ?

C’est un homme complètement apaisé, puisqu’il était très important pour lui d’être réhabilité et quelque part, même si cela a été très long, même si la phase CPI a été une phase procédurale extrêmement longue, elle aura quand même abouti à blanchir Laurent Gbagbo et à le réhabiliter. Donc, c’est un homme apaisé et réhabilité qui rentre en Côte d’Ivoire et c’est dans cet esprit-là qu’il est.

 

Laurent Gbagbo a passé la majeure partie de ces dix dernières années dans une cellule de la CPI. Comment cette expérience l’a-t-elle changé ?

Elle ne l’a pas changé, mais je pense qu’il en a tiré énormément de leçons. Je pense que cette période lui a permis d’être extrêmement à l’écoute et observateur de tout ce qui a pu se passer et de tout ce qui a pu se dire sur la Côte d’Ivoire.

Est-ce que Laurent Gbagbo est animé par un désir de revanche ou d’amertume ?

Sa plus belle des revanches, c’est d’avoir été réhabilité par la CPI. C’est en soi la plus belle des revanches dans la mesure où on ne peut pas considérer que la CPI soit une justice aux ordres, en tout cas certainement pas soumise au président Laurent Gbagbo. Et c’est une justice qui a fini par dire qu’il n’y avait aucun élément de preuve par rapport à toutes les graves accusations qui ont été portées contre lui. Donc, aujourd’hui, il n’a aucun sentiment de revanche. Ce qu’il veut, c’est participer à la réconciliation en Côte d’Ivoire, puisqu’il est très soucieux de voir les Ivoiriens réconciliés, apaisés et tournés vers l’avenir.

Concernant ce mot de « réconciliation », qu’il y a-t-il derrière ? Quels actes peuvent être posés pour la réconciliation ?

La vérité, la justice, l’Etat de droit, la libération de tous les prisonniers politiques, le retour des exilés, etc., ce sont tous ces éléments qui doivent permettre à la Côte d’Ivoire de se réconcilier avec elle-même, de permettre à tous ses enfants de se retrouver. C’est aujourd’hui, aux yeux du président Laurent Gbagbo, la chose la plus importante à accomplir. Et donc, lui, entend y participer.

Et de quelle façon va-t-il y participer ? Se voit-il comme un acteur majeur de la scène politique ivoirienne ou comme une autorité morale ?

Le président l’a toujours dit, c’est un enfant de la politique. Il respire, il mange, il vit politique. Jusqu’au bout, il fera de la politique. Mais la politique qu’il a toujours voulu menée, c’est dans l’intérêt des Ivoiriens. La sagesse, il l’a acquise avec l’âge, avec ses expériences, mais il demeurera, il entend demeurer un acteur politique quelle que soit la forme que cela prendra, il entend lui d’une manière ou d’une autre pouvoir jouer un rôle qui permettra à tous les Ivoiriens quel que soit leur bord politique de pouvoir se retrouver.

Est-ce que cela veut dire envisager d’être candidat à une prochaine élection présidentielle ?

On en est très loin. Je ne sais pas ce que le président envisage par rapport à cela. Pour l’instant, l’immédiateté pour lui, c’est de retrouver sa chère Côte d’Ivoire et le peuple ivoirien. C’est sa première préoccupation.

Quel est le programme pour les prochains jours ? Qui Laurent Gbagbo ira-t-il voir en premier à son arrivée à Abidjan ?

Vous verrez bien (rires). Je laisserai le président faire la surprise. La première rencontre, c’est la rencontre avec la Côte d’Ivoire, et donc atterrir. C’est la première rencontre et c’est la plus belle. Ensuite, viendront évidement d’autres moments et d’autres rencontres très importantes aussi et il se chargera au bon moment, au moment opportun, d’en faire part.

Comment se sont déroulés ces derniers jours de préparatifs avant le départ ?

Ce sont des journées, comme vous pouvez vous en douter, assez longues, avec un certain nombre de démarches administratives à faire. Mais lui, son état d’esprit par rapport à ça, il est toujours assez serein.

A-t-il eu des contacts téléphoniques directs avec des dirigeants politiques de la Côte d’Ivoire, avec le président Alassane Ouattara par exemple ?

Il n’y a eu aucun échange téléphonique avec monsieur Ouattara.

Est-il vrai qu’il n’y a eu aucun échange direct entre les deux hommes depuis l’élection de 2010 ?

Je vous le confirme : il n’y a eu aucun échange direct.

Comment peut-on envisager la réconciliation si les deux acteurs majeurs de la crise post-électorale d’il y a dix ans ne se parlent pas ?

Mais cela est de la responsabilité du chef de l’Etat, donc de monsieur [Alassane] Ouattara. Le président Laurent Gbagbo, lui, rentre. Donc, la bonne question, c’est plutôt à monsieur Ouattara qu’il faudrait la poser et non pas au président [Laurent] Gbagbo.

Monsieur Laurent Gbagbo serait prêt à dialoguer directement avec le président Alassane Ouattara ?

Je pense que oui et il n’a jamais prétendu le contraire. Tout ce qui est bon à faire pour la réconciliation, pour la paix et pour revenir à un Etat de droit, le président Laurent Gbagbo s’est toujours inscrit sur cette ligne.

Source : rfi.fr

 

Partarger cet article

En lecture en ce moment

Adjoumani répond à Jean Pierre Kutwa, "votre prise de position, pourrait ouvrir la voie à l’exacerbation inutile des tensions"

Maria Dion-Gokan (caféologue ivoirienne) : « On ne fait pas que planter le café et puis vendre les cerises ou les grains alors qu’il y a énormément de métiers qu’on peut développer »