Objectivité, journalisme éthique et patriotisme





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Le journalisme est un métier à la fois facile et complexe. Le professionnel de l’information qui le pratique se sent toujours à l’aise tant qu’il s’agit de rendre compte de la réalité. C’est un des objectifs théoriques. Il est vrai qu’au quotidien, ceux-ci sont menacés face à certains intérêts, commerciaux et politiques notamment. Mais bon an mal an, le journaliste fait avec et avance bien, convaincu que son boulot n’est pas de créer un monde meilleur.

La vraie difficulté pour tout professionnel de l’information ne vient que lorsque survient une crise nationale, sociale ou lors d’une guerre ou un conflit régional. Celui qui n’avait pour devise que de «donner l’information», celui qui est «censé établir ce qui est un fait et ce qui ne l’est pas et non pas ce qui devrait l’être», est fortement incité à adopter «un ton patriotique». Mieux, il est invité à refléter la ligne officielle et à se rassembler, comme tous les autres citoyens, autour du drapeau national.

Ici, l’objet de l’invitation est clair comme de l’eau de roche. Le journaliste, au nom de l’intérêt général, est appelé à abandonner son objectivité, c’est-à-dire l’observation neutre. C’est pourtant la raison, l’essence même de son métier. C’est ce qui lui permet de travailler dans l’équité, d’équilibrer son information et d’observer une certaine distance vis-à-vis d’un événement, quel qu’il soit. Et, en la matière, il n’y a pas d’exception. Tous les pays du monde procèdent ainsi. Pourquoi ?

La réponse est simple. Les initiateurs de ces ingérences, principalement des politiques, s’appuient sur le fait que dans ces périodes de conflits régionaux où tout un pays vit un traumatisme, il ne faut pas en rajouter. Parce que rien ne doit être fait qui puisse mettre l’ennemi dans une situation des plus confortables. Peu importe que la fragilité de la sensible théorie d’objectivité du journaliste soit exposée. Car, après tout, on sait le choix à faire devant le dilemme devenu classique qui met en face : dire la vérité du journalisme éthique ou respecter l’harmonie de la communauté.

Devant ces deux valeurs d’importance égale, la balance doit pencher, selon plusieurs spécialistes, du côté de l’intérêt général. De leur avis, le journaliste n’est pas attaché qu’à la seule théorie d’objectivité. Selon un confrère britannique, «comme d’autres citoyens, le journaliste est profondément ancré dans les réalités sociales et politiques des communautés» qu’il sert avec bonheur. Du coup, chaque fois qu’il lui sera donné de mettre en balance deux valeurs conflictuelles de ce type, il doit privilégier l’harmonie de la communauté plutôt que «l’interdiction de mentir et la primauté de la vérité». C’est une question de sécurité nationale pour les communautés pour lesquelles le journaliste se bat jour et nuit afin de leur donner la bonne information.

Toutefois, le journaliste reste le journaliste qui se doit de préserver sa liberté de choix. C’est la raison pour laquelle, son choix doit être fait sans pression. Et la seule façon d’y arriver, c’est d’anticiper pour ne pas avoir à subir. En se mettant dans la tête que, comme les guerres qui finissent toujours par le dialogue, la gestion d’un conflit régional invitera tôt ou tard le journaliste au rassemblement autour du drapeau national.

Tant que le journaliste gardera sa capacité d’anticipation, il choisira librement ses informations, ses angles et ses analyses, même dans des circonstances exceptionnelles comme la guerre et pourra toujours se faire comprendre du grand public. Parce qu’il aura tout mis en œuvre pour ne pas détruire la confiance établie entre lui et le public. Et ainsi, il s’évitera les rappels à l’ordre, les coups de fil du sommet de l’Etat qui, en général, ne lui laissent aucune possibilité de choix.

Abdoulaye Villard Sanogo

 

 

 

 

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