"Moi Bacongo, j'aurais pas cassé Adjamé village : une ville à une histoire et une mémoire" (Contribution)





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Les machines ont parlé à Adjamé village donnant ainsi l'air d'un village sinistré. Cette image nous remémore l'apocalypse de Hiroshima et de Nagasaki.  Les machines ont parlé à l'aurore amputant le village d'Adjamé village d'une partie de son passé, une partie de son histoire et une partie de la mémoire d'Abidjan. Quelle tristesse!! 

La route elle arrive et elle doit vaille que vaille passer par là nous dit-on? Qui peut arrêter le progrès disent certains ? Mais le progrès devrait-elle effacer le passé et la mémoire d'une ville comme Abidjan ? L'ancien et le nouveau ne peuvent-ils pas cohabiter ? A vouloir intégrer le passé dans l'espace urbain nous aurait amené à nous interroger sur d'autres possibilités à envisager en pareil circonstance. Une ville vit et se construit. Elle ne doit pas mourir où rester figée dans le temps. Une ville s'adapte à son temps. Une ville avance tout en gardant son parlant. Le passé d'une ville est parlant. Combien sont-ils les Abidjanais qui savent que là où se trouve le marché d'Adjamé était le cimetière d'Abidjan ? Bien peu.  Mais le progrès qui devrait intégrer l'espace urbain ne pouvait-il pas garder un air d'ancien ? Les spécialistes de l'histoire urbaine et de l'histoire de l'art nous répondront par l'affirmative. Le passé aide à expliquer le présent disait Marc Bloch. 

Moi Bacongo ne n'aurait pas détruit Adjamé village j'aurai donné une autre dimension à ce village tout en l'intégrant dans le fait urbain qui est fils de son temps. J'aurai mobilisé les fonds destinés à la voirie d'Adjamé village extension, à la reprise des études techniques et à l'indemnisation des populations ( construction des villas sur le site de Songon et argent frais donné aux ayants droit  ) pour construire un pont surplombant Adjamé village comme c'est le cas sur le VGE afin qu'en plongé il s'étire sur le le boulevard de l'indénié comme le pont surplombant la seine ou comme ce pont chinois défiant tout entendement.  Au demeurant j'aurai demandé qu'on fasse un tunnel en limitant l'impact de ce tunnel sur l'architecture ancienne d'Adjamé village. J'aurai laissé Adjamé village survivre à la modernité tout en la côtoyant quotidiennement. 

Ce qui attire le visiteur à Paris, à Damas ou à Rabat c'est l'architecture ancienne de ces villes. C'est la mémoire de ces villes. Versailles, la tour Eiffel...et les rues étroites et passantes des sous quartiers de Damas, de Rabat ou d'Alger. Ce qui fait la beauté touristique de l'Egypte ce sont ces pyramides : c'est Kops, Kephrème...  J'aurais bien aimé voir Adjamé village défiler sous le regard admiratif des automobilistes en partance pour le quatrième pont dans cinquante ans.  Ces villages ébriés  au coeur d'Abidjan doivent garder leur architecture ancienne. Ce sont eux qui font l'histoire d'Abidjan et sa mémoire. Abidjan doit se moderniser tout en gardant sa mémoire. Les enjeux de la mémoire.

Adjamé village devrait et pouvait survivre au progrès. Il aurait fallu simplement dégager cette économie marchande qui cache l'historicité de ce village et l'intégrer dans le fait urbain tout en faisant cohabiter ancienneté et modernité. On peut penser, on doit penser la ville autrement.

Adjamé village pouvait être un site touristique majeur en l'intégrant dans le prolongement du quatrième pont et le plateau. Être au 50e étage de la tour F avec le regard sur le pont qui surplombe Adjamé village et voir Adjamé village avec ces murs entremêlés et sa promiscuité c'est avoir un regard panoramique sur la ville d'Abidjan. 

Une ville se modernise avec son passé.

Une contribution de Docteur Coulibaly Dognima Lassina, spécialiste de l'histoire moderne à l'université Félix Houphouet-Boigny.

 

 

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