Déboires des anciennes gloires du football ivoirien : le cas des footballeurs de Gagnoa





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L'ex international Brobehi Gbaka (a droite sur le photo) en compagnie de Ory Kpassokro Richard dit regretter être né trop tôt (Photo AIP Gagnoa aout 2024)



Brobéhi Gbaka, 70 ans, ex-international ivoirien, a été champion de Côte d’Ivoire avec le Sporting Club de Gagnoa en 1976. Aux côtés de feu Gbizié Léon et Soumahila Savané, il a marqué l’histoire du football ivoirien des années 70-80. D’autres anciennes gloires comme Zebeyoux Grobli Michel et Ory Kpassokro Richard partagent son sort difficile.

Une vie modeste à Gagnoa

Aujourd’hui, Brobéhi vit avec sa femme et trois de ses six enfants dans un petit deux-pièces au quartier Lotus, une zone marécageuse de Gagnoa. « Je dors pratiquement au salon à cause de nos nombreuses affaires », confie-t-il. Ancien agent municipal à la retraite à Gagnoa, il survit avec sa petite pension, résultat d’un salaire qui n’atteignait guère 100 000 FCFA.

Des souvenirs de gloire et de sacrifices

Doté d’un sens aigu de l’anticipation et d’un dribble déroutant, Brobéhi vit une situation de « pseudo mendicité ». « Par pudeur, je ne tends pas la main, mais mes yeux me trahissent en se perdant dans la poche de mes interlocuteurs », avoue-t-il. En club, il touchait 15 000 FCFA de prime de match en cas de victoire, 5 000 FCFA en cas de match nul et rien en cas de défaite. « C’est comme si on nous abandonnait presque au terrain », dit-il.

Un contraste frappant avec les générations actuelles

La situation financière difficile qu’il vit aujourd’hui contraste avec le sacrifice fait pour le football ivoirien. « Quand je vois la situation financière de nos enfants footballeurs aujourd’hui, j’ai un seul regret, c’est que nous avons eu tort d’être nés trop tôt », lâche Brobéhi avec son éternel sourire. « Ne venez pas faire de gros discours à ma mort. C’est maintenant que j’ai besoin de soutien », insiste-t-il.

Le cas d’Ory Kpassokro Richard

Ory Kpassokro Richard, un autre ex-international, vit dans une maison partiellement achevée à Digbeugnoa, à une dizaine de kilomètres de Gagnoa. « Dieu merci, c’est mon toit, même si c’est ici que je vis ma galère », dit-il tristement. Il a failli être amputé d’une jambe à cause de l’ulcère de Buruli. « C’est Bollou Joachim, un ancien footballeur, qui m’a aidé », raconte-t-il.

Des jours difficiles pour les anciennes gloires

Ces anciennes gloires du football ivoirien, membres de l’Amicale des anciens footballeurs de la région du Gôh (AMAFOG), vivent des jours difficiles, loin des projecteurs qui illuminaient leurs carrières. « C’est Bollou Joachim, un ancien footballeur qui a créé une association des anciens footballeurs de Yopougon, qui m’a sauvé », reconnaît l’ex-international junior.

Un quotidien compliqué

Présélectionné en équipe nationale sénior à la faveur de Côte d’Ivoire 84, Ory Kpassokro a fait face à la rude concurrence des professionnels venus d’Europe, dont Jean-Michel Guédé Akénon, mais aussi face aux métronomes du football ivoirien comme Pascal Miézan et le milieu récupérateur, Gadji Céli Saint Joseph. Aujourd’hui, retranché dans son village et dans l’impossibilité d’effectuer des travaux champêtres à cause d’un handicap au pied, Ory Kpassokro vend du « bandji » (vin de palme) à ses temps perdus.

La mendicité moderne

« Sans vous mentir, je suis dans la mendicité moderne », raconte-t-il, citant des amis et connaissances qui lui viennent en aide avec des billets de 2 000 FCFA ou 5 000 FCFA. « Quand tu as fini de jouer, tu es dans un anonymat sauvage comme si tu n’avais jamais rien apporté à l’humanité », regrette Kpassokro Richard, soutenant « qu’un homme qui naît et qui laisse des traces, l’on doit lui donner une petite considération ».

Un appel à la reconnaissance

L’ancien milieu défensif des Eléphanteaux, qui a terminé sa carrière à l’équipe de l’EECI en 1990, assure que son quotidien est « vraiment compliqué », surtout sans travail et sans revenu depuis plusieurs années et face aux difficultés de la vie à Abobo, une commune d’Abidjan. « Quand on te voit dans la rue, on te salue ‘’grand joueur’’ et c’est fini », soutient-il. Retourné dans son village natal, à Digbeugnoa, il dit vivre au jour le jour, regrettant qu’aucun de ses cinq enfants ne joue au football.

Il raconte que son nom est entré dans la légende grâce aux journalistes sportifs Kanté Boubacar et Jean Louis Farah Touré. « C’est une richesse, mais c’est vrai que nous sommes démunis », lâche-t-il avec une voix gagnée par l’émotion.

« C’est lorsque mes enfants me demandent, mais ‘papa, ballon que tu as joué, tu as quoi dedans’, que je deviens encore plus triste », souligne Ory Kpassokro qui affirme avoir joué par amour sans penser à la fin de sa carrière.

Tous reconnaissent que l’État ne peut pas prendre en charge tous les anciens grands sportifs. Néanmoins, « l’État peut faire quelque chose de grand, avec peu », déclare Grobli Michel.

Pour Zebeyoux Grobli Michel, ancien avant-centre de l’ASEC Mimosas, le gouvernement peut accorder des subventions aux associations régionales. « Ça nous aiderait », dit-il, racontant l’époque où le préfet-maire de Gagnoa d’alors, Albert Gbaï Tagro, avait mis son véhicule à disposition pour le ramener à Abidjan.

Aujourd’hui, dans son village devenu un quartier de Gagnoa, Zebeyoux Grobli souhaite que les autorités aient un regard pour les anciennes gloires, tout en proposant que la Fédération ivoirienne de football (FIF) puisse aider les associations reconnues par l’État, comme l’Amicale des anciens footballeurs de la région du Gôh fondée en 2015.

Secrétaire de cette association, il déplore que nombreux anciens sportifs soient morts dans le dénuement total.

Un reportage de Dogad DOGOUI (AIP)

 


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