Éditorial (Maître Roger OUÉGNIN) La FIF au révélateur !





editorial-maitre-roger-ouegnin-la-fif-au-revelateur


Le monde actuel voit se déverser des millions d’informations à chaque instant dans les médias, qu’il s’agisse de la télévision, de la radio, de la presse écrite ou sur les réseaux sociaux. Face à ce déferlement d’information, la plus grande difficulté pour le public est de déterminer le vrai du faux. Ainsi, la plupart des grandes rédactions ont créé en leur sein, un département « fact checking » (qui peut se traduire par « vérification des faits »), dont la mission est d’éclairer le public sur la véracité des déclarations énoncées, en se basant sur des éléments factuels, précis et vérifiables. Quoi de plus facile que d’affirmer une chose, sans aucun élément de preuve et de la diffuser à des millions de personnes ? Cette pratique se répand chaque jour un peu plus et est devenue une véritable stratégie de communication, leurs auteurs étant certains qu’ils toucheront une partie de leur public, notamment leurs plus fidèles soutiens, prêts à croire les yeux fermés tout ce que leur champion énoncera.

Comme nous l’avons déjà fait par le passé en jouant le rôle de lanceur d’alerte (notamment dans le dossier relatif à l’absence de polices d’assurances pour les compétitions organisées par la FIF, à la composition de la Commission de discipline de la FIF ou encore en ce qui concerne le dossier des licences, toujours en papier à ce jour), il est de notre devoir d’éclairer les sportifs ivoiriens sur certaines déclarations (notamment des autorités du football) en se basant sur les faits, rien que sur les faits. 
Lors de la réception en l’honneur des joueurs ayant obtenu la 2nde place de la CAN U23 disputée au Caire en Novembre dernier, synonyme de qualification pour le tournoi masculin des Jeux Olympiques de Tokyo 2020, le Vice-Président de la FIF a fait la déclaration suivante : « Il a fallu avoir une vision que nous avons traduite en action. L’aventure a démarré en 2012  avec  Kamara Ibrahim  comme  Sélectionneur des U17 ». Et d’ajouter : « Nous avons travaillé pendant sept ans  et huit ans maintenant pour préparer la relève. Ceux qui ont  pensé  que nous n’avons pas de vision, se sont lourdement trompés. Parce que nous avons une vision. Et c’est cette vision que nous avons  mise  en place depuis 2012 qui nous  donne  ce résultat.  Il n’y a pas d’improvisation. C’est un travail planifié. On n’arrive pas à ces résultats, si on n’a pas de football de jeunes.  Ils appartiennent aux  clubs  de Côte d’Ivoire. Cette Fédération  est là et elle travaille bien ».
Mettons cette déclaration au révélateur des faits.
Avant toute chose, référons au texte qui régit la Fédération : ses statuts qui définissent ses missions. Ainsi, en son article 6.1.1.g relatif à ses buts, l’une des missions de la FIF est « d'organiser et de contrôler la qualité de la formation dans le domaine du football, notamment par des cours, conférences, stages et examens se rapportant au football ».
La FIFA prévoit que cette mission est confiée à une Direction Technique Nationale dont les missions sont de « proposer, mettre en œuvre et adapter en permanence la politique qui vise à porter le football national à son plus haut niveau de qualité, de compétitivité et de performance, depuis la base jusqu'aux équipes nationales».

Ses missions portent sur «la détection des jeunes talents, la formation des joueurs, la formation des éducateurs à tous les niveaux, le développement de toutes les formes de pratique du football, le perfectionnement de l'élite et la gestion sportive des sélections nationales».

Malgré les recherches effectuées, nous n’avons pas retrouvé de présentation d’une « vision » ni d’une politique technique nationale de la part du Comité Exécutif en place depuis 2012. Aucun document n’étaye les propos de Sory DIABATE et dans la pratique, les acteurs du football ont bien pu remarquer qu’aucune action n’a été menée par la FIF pour que les meilleurs talents ivoiriens soient mieux formés. 
Des compétitions de jeunes joueurs adaptées ont-elles été organisées par la FIF pour permettre aux jeunes joueurs ivoiriens d’être détectés, suivis et de progresser ?
Un cahier des charges des centres de formation a-t-il été mis en place pour permettre aux meilleurs jeunes détectés sur le territoire de s’entraîner dans les meilleurs centres de formation ?
- Aucun cahier des charges n’a été créé pour les centres de formation, tous, quelque soient les moyens qu’ils déploient, étant mis sur un pied d’égalité.
- Le seul cahier des charges mis en place par la FIF concerne les clubs de Ligue 1 qui doivent le respecter pour la saison 2019-2020. La principale obligation pour ces clubs en matière de formation est d’avoir une équipe junior et une équipe cadette ! Quel programme !!! De plus, la FIF organise cette saison une compétition appelée U17 à laquelle certains clubs de Ligue 1, ne disposant pas d’équipes de jeunes, participent en faisant jouer à leur place, des centres de formation de quartier. 
Combien de centres de formation d’élite existent en Côte d’Ivoire disposant d’infrastructures et d’encadrants de haut niveau ? Pourquoi y en a-t-il si peu ?
- Le rôle de la FIF n’est pas de former des joueurs mais de créer un cadre propice à la création de centres de formation d’élites par les clubs, créant ainsi les conditions de l’émergence de bons joueurs. En ne créant pas ce cadre, la FIF est responsable de la moins bonne qualité de la relève de joueurs ivoiriens formés en Côte d’Ivoire.
Le Vice-Président de la FIF se base sur certains résultats sportifs pour faire cette déclaration mais en omettant de revenir  sur d’autres résultats moins glorieux (Absence de la Côte d’Ivoire aux dernières CAN U17, U20, médiocre prestation des Eléphants à la dernière CAN en Egypte …). Comme nous l’avons très souvent écrit, en matière de football et de développement, les résultats sportifs ne peuvent pas être les uniques indicateurs à retenir pour juger de la qualité du travail d’une fédération ou d’un club. Un penalty marqué ou arrêté, un tir sur le poteau entrant ou sortant relèvent de peu de chose et s’en tenir à cela est trop dangereux pour une institution digne de ce nom. Cela arrive malheureusement souvent mais ceux qui connaissent le sport doivent regarder plus loin, avoir une vision déconnectée du résultat immédiat, surtout dans le domaine de la formation qui agit sur le temps long et non pas sur le court terme.
Prenons quelques exemples connus de tous désormais. Sur le continent africain, le travail de fond réalisé par la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF) est salué et celui-ci est félicité par tous les acteurs du football. Il n’y a aucun doute sur les résultats que cela produit déjà et que cela produira sur le moyen terme, même si leurs équipes nationales ne remportent pas toutes les compétitions internationales auxquelles elles participent. Oui, la FRMF a une vision pour le football marocain, elle est clairement énoncée, écrite et mise en pratique. Le cas de la France, championne du Monde, est bien évidemment le plus célèbre et emblématique, avec la mise en œuvre d’une politique depuis les années 1960 et poursuivie depuis 50 ans, sans fanfaronner après une première bonne performance ou s’effondrer en cas de mauvais résultat. Dans ce cas, une vraie DTN a été mise en place avec des prérogatives claires et précises, visant à accompagner les clubs, acteurs principaux dans la formation des jeunes joueurs. Avec les résultats que l’on connait, tant pour le football français … que pour le football ivoirien qui profite de cette formation pour intégrer des joueurs bi-nationaux dans ses équipes nationales.
Pour conclure, aucun élément ne nous permet de voir une quelconque vision de la part du Comité Exécutif de la FIF dans le domaine du développement de la formation de jeunes joueurs, qu’il s’agisse du football de masse comme du football d’élite. Bien au contraire, c’est une très dommageable absence totale de politique technique nationale que nous observons depuis de trop longues années, ce qui n’empêche pas d’obtenir, au petit bonheur la chance, quelques résultats de temps en temps ou de voir l’émergence d’un joueur d’exception, formé souvent ailleurs, qui cachera la misère
Espérons que l’année 2020 qui débute sera celle du changement dans ce domaine comme dans d’autres afin de donner au football ivoirien la place qu’il mérite au regard de l’énorme potentiel de joueurs sous-exploités dont regorge notre nation.

Maître Roger OUÉGNIN

En lecture en ce moment

Gagnoa : le Rhdp remporte les sénatoriales avec 70 % de voix

IXèmes jeux de la francophonie Kinshasa 2022 : Les concurrents ivoiriens du concours culturel connus