Education : Ettié Eudoxie opte pour la pédagogie Freinet, un système qui met enfants ordinaires et enfants handicapés ensemble





education-ettie-eudoxie-opte-pour-la-pedagogie-freinet-un-systeme-qui-met-enfants-ordinaires-et-enfants-handicapes-ensemble


Enseignante de formation, Mme Ettié Eudoxie est la directrice fondatrice de « La Madeleine », un établissement scolaire « atypique ». Avec sa pédagogie Freinet, une pédagogie innovante où l’enfant est au centre de son apprentissage, elle a réussi à regrouper, dans une même classe, des enfants dits ordinaires et d’autres présentant un handicap soit psychique, soit psychomoteur. Chose qui jusque-là paraissait invraisemblable. Et pourtant !

Une demi-journée dans cet établissement a permis d’en savoir davantage sur cette pédagogie et celle qui demeure la cheville ouvrière de cette méthodologie en Côte d’Ivoire.

LA PEDAGOGIE FREINET

La pédagogie Freinet est d’origine française. Et cette innovation, selon la fondatrice est « tout simplement de permettre à tous les enfants de venir à l’école avec joie en mettant l’enfant au centre de ses apprentissages par des projets qu’il vote lui-même avec ses pairs. Ces projets sont développés par le maître qui les accompagne par des techniques de prise de parole en public, de préparation de projets personnels.

SA RENCONTRE AVEC CETTE PEDAGOGIE

C’est lorsqu’elle fréquentait les écoles en France que Mme Ettié Eudoxie a rencontré cette pédagogie. Et elle s’est dit qu’il faut qu’elle transporte cette méthodologie sur les bords de la lagune Ebrié.

« Comme l’enseignement était quelque chose que je voulais pratiquer, dès que je suis arrivée en Côte d’Ivoire, je me suis inscrite au Cafop de Dabou pour essayer de voir un peu ce qui m’attendait ici. J’ai suivi la formation et j’ai eu les diplômes qu’il fallait en Côte d’Ivoire. J’ai fait des stages dans des écoles publiques et ce que j’ai remarqué de ma formation, en tant qu’ étudiante, m’a interrogé sur l’éducation en Côte d’Ivoire. Et j’ai vu qu’on avait beaucoup de choses en commun qui sont un peu mal exploitées ».

Elle va dès lors essayer de mettre en pratique ses expériences acquises en France.

« Donc, j’ai continué à être enseignante dans le public et j’ai essayé au mieux, de faire ce que j’avais appris en France et j’ai vu que ça portait du fruit. Et j’ai continué dans ce sens ».

Afin de mieux connaître les rouages de ce type d’enseignement, elle repart en France pour un diplôme d’Education appelé « master d’éducation » et approfondit toutes ses connaissances au cours de ses stages dans les écoles Freinet. « Et là, j’ai été servie », se réjouit-elle et d’ajouter, « j’ai vu tout ce que je voulais apprendre pour m’installer en Côte d’Ivoire ».

LA PERSEVERENCE

Une fois en Côte d’Ivoire, elle met à exécution, son projet et avec le soutien de son époux, elle ouvre « une petite école ». Mais les pesanteurs et autres idées préconçues sur le handicap ne vont pas lui rendre la tâche facile. Cela ne va altérer en rien sa détermination.

« Ça été difficile au début. Les gens avaient peur du handicap et on a eu du mal. Donc, l’école était beaucoup plus petite et on se battait pour montrer notre innovation. On avait du mal à installer notre pédagogie à cause du handicap parce que les gens venaient, attirés par ce que nous faisons. Mais voyant des enfants porteurs de handicap, ils s’en allaient sans revenir », se souvient-elle.

C’est au fil du temps que les parents qui sont restés, parce que ceux-ci avaient soit deux ou trois enfants, lorsqu’ils ont vu que même leur enfant handicapé a fait des progrès et que ces progrès ont aidé aussi leurs frères et sœurs non-porteurs de handicap, que de bouche à oreille, les choses ont grandi.

A lire aussi: Pédagogie Freinet : Le vivre ensemble ou le secret de réunir enfants ordinaires et handicapés dans une salle

Et aussi par le fait que l’école a présenté des enfants à l’examen de l’entrée en 6e. L’école a eu les mêmes résultats que les « bonnes écoles ». L’un mis dans l’autre, cela lui a donné le courage à continuer dans ce choix pédagogique. Aujourd’hui, l’école a 25 ans et compte plus de 250 enfants, se réjouit-elle.

Même si le ministère de l’Education nationale connaît cette pédagogie, Mme Ettié soutient que son établissement est le seul en Côte d’Ivoire à mettre en pratique cette pédagogie dont la mise en place demande beaucoup d’implications, beaucoup de recherches personnelles de l’enseignant lui-même. « C’est un peu fastidieux », reconnaît-elle.

S’agissant des programmes d’enseignement, c’est le programme ivoirien et puis le programme français a-t-elle révélé, faisant savoir que leurs activités de communication demandent par exemple de faire des conférences. Alors qu’en école ivoirienne, les conférences ne se font qu’au collège.

Dans notre pédagogie aussi, il y a la technique de la lecture à haute voix qui est présentée en public comme quelqu’un qui vient donner des informations oralement. Toutes ces techniques font qu’on est obligé de suivre le programme français et de suivre le programme ivoirien.

LA PROGRESSION DES ELEVES

Chaque enfant travaille selon son rythme et selon ses résultats. C’est-à-dire qu’il est impliqué dans la conduite de son évaluation et en fin de compte, il sait en évaluation formative qu’il a acquis telle compétence et que celle-ci est à améliorer, et celle-là n’est pas acquise du tout. Donc il prend part à son évaluation.

Ce mélange ne retarde cependant pas les autres, parce qu’avec cette pédagogie, chaque enfant a son plan de travail. « On ne travaille pas ex cathedra, c’est-à-dire que le maître n’est pas au tableau à expliquer les leçons et tout ».

L’enfant porteur de handicap a le même programme, mais comme le rythme n’est pas le même, lui avance lentement, l’autre progresse à son rythme aussi et en fin de compte, il y a, échange entre enfant dit ordinaire et enfant porteur de handicap qui s’établit naturellement.

Les enfants découvrent que leurs amis porteurs de handicap ne font pas peur.

Au contraire, le mélange donne de l’humanité aux enfants porteurs de handicap comme à ceux non-porteurs de handicap. Il se passe quelque chose de surnaturel qui s’établit entre eux. Ils acceptent leurs amis porteurs de handicap et se portent volontiers à les aider. C’est le tutorat. Il y a le tutorat élève-élève, le tutorat encadreur-enfant et il a le tutorat fondateur-enseignant-enfant.

Dans cette école, l’entraide est tellement développée que ça cache même le handicap des autres.

Après le CM2, l’enfant rejoint le système ivoirien. Mais de par sa formation, son organisation, une fois au collège, il prend le dessus sur les autres. Parce qu’ils vont plus vers les professeurs pour poser des questions et les professeurs les remarquent tout de suite parce qu’ils sont autonomes.

Mais le gros problème se situe au niveau des enfants porteurs de handicap. Il y en a qui sont orientés vers de petits métiers. Ceux qui sont encore jeunes et qui n’ont pas encore eu cette capacité d’aller vers de petits métiers continuent d’apprendre et sont encadrés par des maitres-métiers.

LE CHOIX DES ENSEIGNANTS

Sur le choix des enseignants, la fondatrice exige que les encadreurs aient le BAC, BAC+1 OU BAC+2. Mais une fois sur le terrain, l’enseignant devra apprendre cette pédagogie.

 « Je suis en même temps fondatrice, et formatrice. Cette pédagogie est apprise à tous les enseignants qui viennent et puis sur place, il y a des documents de travail élaborés à cet effet. Disons que c’est une école spécialisée qui forme les enfants dans tous les domaines et qui forme en même temps ses enseignants ».

SON SOUHAIT

Le souhait de la fondatrice, c’est d’avoir un espace un peu plus grand, de bénéficier de soutien matériel. Elle plaide surtout pour avoir une subvention afin de mieux s’occuper des enfants dont elle a la charge.

« Il faut aussi que l’Etat me permette de former certaines personnes qui désir rentrer dans cette pédagogie », a-t-elle dit, insistant sur l’importance de la formation. « Quand on n’est pas formé, on ne peut pas réussir dans cette pédagogie. Ce n’est pas possible », a-t-elle conclu.

SES REGRETS

Sur ce plan, Mme Ettié dit ne pas avoir de regret. Bien au contraire, elle a plutôt des motifs de satisfaction.

« Mon motif de satisfaction, c’est que les enfants sont bien, ils sont heureux, ils apprennent dans la joie, le bonheur. Ils viennent à l’école comme s’ils venaient chez eux. C’est cette ambiance, cette atmosphère de vie qui fait que je n’ai pas de regret ». Et elle se sent tellement collée à ses enfants qu’elle n’imagine même pas un jour se séparer d’eux. « Ça va être difficile », a-t-elle dit priant Dieu de pouvoir vivre au moins 100 ans à leurs côtés.

Elle se satisfait de voir une de ses élèves, porteuse de handicap (autiste) qui au départ n’arrivait pas à parler, qui aujourd’hui gère une pharmacie. « Quand elle a postulé, le pharmacien dit avoir été sous le charme de son écriture », raconte-t-elle, avec un air de satisfaction

 Lambert KOUAME

En lecture en ce moment

Côte d'Ivoire/ l' État gèle les avoirs de 29 personnes

Solidarité : Le Fonds de Prévoyance Militaire(FPM) octroie plus d’1,5 milliards à 324 retraités