Les taxes sur la cigarette échappent aux Etats africains faute d'un système numérique fiable de suivi et de traçabilité
La contrebande, la contrefaçon, la sous-déclaration et les fausses exportations constituent des pratiques commerciales illicites qui privent les Etats de la sous-région ouest africaine de recettes fiscales essentielles.
Selon des médias ivoiriens, les niveaux record de pertes financières enregistrées sont de 96 milliards de FCFA de pertes d’impôts par an pour l’Etat ivoirien. Contre 700 milliards de pertes pour les 15 états de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Il se pose ainsi donc la nécessité pour les autorités ivoiriennes de mettre en application le décret pour mieux aider à contrôler les chaînes d’approvisionnement et de vente des industriels et des importateurs.
Si le décret adopté en Conseil des ministres du 26 janvier 2022, instituant un système de suivi, de traçabilité et de vérification fiscale sur les produits du tabac rentre en application, les recettes fiscalo-douanières pourraient augmenter de 20 % à 30 %.
Il faut faire remarquer que la pandémie actuelle du Covid-19 a encore accéléré le commerce illicite sur divers marchés. Les produits médicaux, par exemple, sont fortement taxés. D’où la nécessité de protéger l’intégrité des chaînes d’approvisionnement et d’en assurer une visibilité totale par les autorités publiques. L’Afrique devrait s’inspirer de l’Union européenne qui a adopté des stratégies de grande envergure visant à intensifier la lutte contre le commerce illicite.
C’est le lieu de souligner que dans le contexte du commerce illicite du tabac, la situation est préoccupante dans l’Union européenne. Les pertes sont estimées à 10 milliards d’euros pour les budgets nationaux. C’est d’ailleurs pourquoi l’UE s’est dotée d’une stratégie de lutte contre le commerce illicite du tabac en ratifiant le protocole de l’OMS de lutte contre le commerce illicite de la CCLAT (Convention-Cadre pour la lutte anti-tabac).
Il faut signaler que l’une des principales mesures énoncées dans le Protocole concerne l’obligation des Parties de sécuriser la chaîne d’approvisionnement du tabac en déployant un système dit de « suivi et de traçabilité ». C’est ainsi qu’en 2016, l’adoption de la nouvelle loi de l’UE sur les produits du tabac a prévu la mise en place d’un système de suivi et de traçabilité à l’échelle de l’UE. Système garantissant que l’UE respecte ses obligations en vertu du protocole CCLAT.
De la nécessité de mettre en place un système numérique de suivi et de traçabilité
Les systèmes numériques de suivi et de traçabilité mis en place au sein de l’UE et au Royaume-Uni peuvent être considérés comme des références utiles pour les dirigeants africains. Vu que la quasi-totalité des pays africains est également partie au Protocole de lutte contre le commerce illicite du tabac de la CCLAT.
Il faut amener les Etats africains à disposer d’un outil efficace, à travers le système numérique de suivi et de traçabilité pour la protection des consommateurs et des entreprises légales. Toute chose qui aidera les gouvernements africains dans leur lutte contre le commerce illicite à améliorer le recouvrement fiscalo-douanier.
En Côte d’Ivoire, l’Etat a donc compris l’ampleur de ce fléau. Des dispositions ont été prises pour la mise en place d’un régime de suivi et de traçabilité des produits du tabac. C’est dans ce sens que les autorités ivoiriennes ont entrepris de lancer un appel d’offres restreint pour retenir un prestataire capable de mettre en place ledit système.
Ainsi, dans le processus de sélection de la structure prestataire, il est important que les autorités ivoiriennes fassent preuve de transparence et d’équité vu les enjeux importants. La prise en compte des critères techniques et financiers doit être de mise, car ce système permettra à la Côte d’Ivoire, rappelons-le, de respecter ses engagements vis-à-vis de l’OMS, dans le cadre de la lutte contre le tabagisme et le commerce illicite.
Cette procédure de sélections fait sur des choix clairs, objectifs, sans affinité, permettra d’identifier les différents intervenants dans la chaîne de production ainsi que le circuit parcouru par les produits du tabac fabriqués ou importés en Côte d’Ivoire. C’est à ce prix que l’on pourrait réduire significativement la visibilité et l’attrait des produits du tabac ainsi que leurs effets nocifs sur les populations.
Modeste KONÉ