Le gouvernement ivoirien a maintenu le prix du pain respectivement à 150 FCFA la baguette standard de 174 g et à 200 FCFA la baguette améliorée de 232 g. Il a même menacé de sanctions ceux qui ne respecteraient pas ces prix.
Mais certains boulangers semblent avoir trouvé la parade pour contourner la décision prise par le gouvernement, grugeant par la même occasion les consommateurs.
Il suffit de faire un tour dans des boulangeries pour s'en rendre compte. À notre passage dans certaines d'entre elles, nous avons pu le constater. La baguette de pain de 150 FCFA n’existe pratiquement plus. Seules celles de 200 FCFA ont pignon sur rue.
«Madame, je voudrais une baguette de 150 FCFA», a demandé, en notre présence, un client à une vendeuse dans une boulangerie, un dimanche autour de 20h. «C’est fini», a répondu la vendeuse.
Le lendemain matin, autour de 7 h, au même endroit, un autre client demande également une baguette de 150 FCFA. La réponse est la même. «C’est fini».
«Dites-moi, vous ne faites plus les pains de 150 F ?», interroge-t-il à nouveau. Avec un air agacé, la vendeuse rétorque : « Monsieur, je vous dis que c’est fini ».
Une réponse qui intrigue. Mais surtout, qui suscite plusieurs interrogations. La baguette de 150 FCFA est-elle aussi prisée au point qu'il y ait une pénurie ? Même tôt le matin? Où est-ce simplement une ruse des boulangers pour obliger le consommateur à acheter le pain de 200 FCFA considéré comme plus rentable pour eux ?
Dans une autre boulangerie, en effet, le constat est sensiblement le même. À la différence qu’ici, quelques baguettes de 150 FCFA traînent dans le box qui leur est réservé. Seulement, rien que leur taille et leur volume obligent à faire le choix de la baguette de 200 FCFA.
La ruse des boulangers
Du coup, l’on se demande si ce n’est pas une ruse qui est mise en place pour «contraindre» le consommateur d'opter pour la baguette la plus chère. Car, en fait, les boulangers avaient décidé, en 2022, de procéder à une augmentation du prix du pain.
« Notre secteur traverse une crise qui remonte à très loin. Depuis 2008, tous les facteurs de production ont augmenté, au moins doublé. Le prix de la farine a doublé, la main d’œuvre a doublé, l’électricité, le loyer, tout a doublé alors que le prix du pain n’a pas varié. Et toutes les fois que nous avons tenté de faire augmenter le prix de notre produit, on nous a emmené dans des calculs de coût et de normes jusqu’à ce que la situation de la boulangerie ne soit plus tenable», avait expliqué Amadou Coulibaly, président du Haut patronat de la boulangerie et de la pâtisserie de Côte d’Ivoire (HPBPCI). Pourtant, le gouvernement avait déjà pris des mesures pour maintenir les prix des baguettes de pain. En effet, au cours du Conseil des ministres du 30 mars 2022, le porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, avait annoncé que le Comité technique en charge de la filière blé-farine boulangère a permis, en accord avec tous les acteurs du secteur, de définir désormais pour la Côte d’Ivoire deux poids fixes de la baguette de pain, notamment le pain standard devant garder le prix initial de 150 FCFA pour 174 g et une autre baguette qui tend vers la baguette haute évaluée à 232 g pour 200 FCFA.
Au niveau de l’approvisionnement régulier du marché ivoirien et de la préservation de l’outil de production et le pouvoir d’achat des consommateurs, un ensemble de mesures additionnelles avait été adoptées. Il s'agit de l’exonération des droits de douane sur l’importation du blé à un appui au secteur de la production de la farine blé. Le gouvernement avait prévu de créer une ligne garantie dédiée au secteur de la boulangerie pâtisserie au sein du Fonds de soutien aux petites et moyennes entreprises (FSPME).
Des mesures qui avaient permis de trouver, avec les acteurs du secteur, un accord pour le maintien d'une baguette à 150 FCFA et l'autre à 200 FCFA. Mais, au constat sur le terrain, des boulangers ont apparemment décidé de ruser avec les consommateurs en fabriquant peu ou pas du tout de pain de 150 FCFA, leur «imposant» du coup celle 200 FCFA. Un fait que le gouvernement devrait voir de plus près et prendre les mesures qui s'imposent.
Lambert KOUAME