Au Niger, la CEDEAO se trouve entre mille grands feux





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C’est l’histoire du régime de palmier à huile. L’adage populaire raconte que lorsque tu tombes sur ce régime tu te blesses, quand c’est lui qui te tombe dessus, tu t’en sors avec des blessures. Dans le règlement de la crise nigérienne née le 26 juillet 2023 après le renversement du président en fonction Mohamed Bazoum, la posture du président de la CEDEAO et ses soutiens les met dans la position de quelqu’un qui a affaire à un régime de palmier à huile.

En annonçant très tôt qu’elle irait déloger les putschistes pour réinstaller Bazoum dans son fauteuil présidentiel, l’institution sous-régionale s’est mise inutilement la pression et se place dos au mur. Elle risque de concentrer davantage ses forces à sauver elle-même son honneur en lavant l’affront que lui font subir les militaires au pouvoir à Niamey.

Depuis cette annonce surprenante dès les premiers instants du putsch militaire, le président de la CEDEAO et ses soutiens subissent des critiques les plus sévères. De sorte que s’ils renoncent à intervenir militairement, ils recevront encore, cette fois, les critiques les plus violentes et les moqueries. S’ils font fi de toutes ces interventions pour aller à l’attaque, ce sera pire. Nous nous expliquons.

Selon plusieurs spécialistes des armes et de la guerre, la seule façon la plus rapide d’arriver à bouter les putschistes hors du champ présidentiel nigérien, c’est de faire exactement comme la communauté internationale a procédé en Côte d’Ivoire en 2010 pour vaincre militairement l’armée ivoirienne qui soutenait le président en fonction, Laurent Gbagbo. C’est-à-dire, sous le couvert de l’ONU, mettre une force internationale en place qui descendra dans la capitale Niamey pour pilonner tous les camps militaires et tous les dépôts d’armes nigériens. Le but étant d’anéantir complètement les armées nigériennes et ainsi sortir Bazoum de la caverne pour le réinstaller au pouvoir.

Si en 2010 cette idée a prospéré du fait de la situation de la Côte d’Ivoire, seule hirondelle à faire le printemps, et qui n’était pas sous la menace des jihadistes, les choses ont véritablement changé en 2023. Le Niger a le soutien clairement exprimé de trois pays alentours. Lesquels se sont bien renforcés ces derniers temps en matière d’équipements militaires russes, chinois, turcs et nord-coréens.

Mais à supposer même que la force en attente de la CEDEAO parvienne à faire son coup de maître, a-t-elle conscience des résultats finals catastrophiques auxquels elle s’exposera et exposera toute la zone ouest-africaine ?

Comme on peut le deviner aisément, un Niger sans armes de défense sera semblable à du beurre dans lequel entre le plus facilement du monde un couteau. Un Niger affaibli aujourd’hui est une porte grandement ouverte aux malfaiteurs et autres malfaisants terroristes qui n’attendent que cette belle opportunité pour prendre définitivement pied dans cette zone et chercher à en contrôler la majeure partie. En parlant de contrôle de la majeure partie du Sahel, nous pensons d’abord aux voisins immédiats de ce vaste pays qu’est le Niger mais aussi aux voisins des voisins. C’est une affaire de spirale.

Le déchaînement des terroristes est donc, manifestement, un obstacle infranchissable à l’intervention kamikaze de la CEDEAO dans le pays de Mohamed Bazoum. Mais il n’y a pas que celui-là. Les chefs d’Etat de la sous-région partisans de l’interventionnisme doivent faire face aussi à leurs propres opinions qui ne semblent pas leur être favorables. Les réseaux sociaux, véritables baromètres dans l’orientation des opinions de nos jours, ne paraissent pas suivre Asiwaju Bola Ahmed Adekunle Tinubu, le président de la CEDEAO, et ses amis. Le temps où les opinions se taisaient et se laissaient conduire par des chefs d’Etat pas toujours bien éclairés est vraiment révolu !

Au Niger même, pays concerné au premier chef, la question de la légitimité du coup de force des militaires a été très vite réglée par les populations elles-mêmes. Si au tout début de l’annonce du renversement du pouvoir, la population civile avait décidé de s’opposer aux militaires, elle est rentrée dans les rangs les minutes qui ont suivi quand elle a entendu la France et ses plus hauts responsables proférer des menaces contre « les nouvelles autorités ». Quand en plus de cela, l’armée, toute l’armée qui était attendue pour déloger les putschistes se range aussi derrière ceux-ci, on se trouve en face d’un vrai pronunciamento.

Il ne restait plus aux « nouvelles autorités » qu’à aller chercher la légalité pour asseoir leur autorité. Ce qu’elles ont compris en appelant la société politique, civile et militaire à un dialogue inclusif pour penser le devenir de leur pays. Nul doute qu’elles obtiendront « le permis de circuler » puisque dans le même temps, elles annoncent que la transition qui, dans leur esprit, a commencé le 26 juillet ne devrait pas excéder trois ans.

Tout bien pesé, l’intervention militaire telle qu’annoncée par les responsables de l’institution sous-régionale aura du mal à voir le jour. Elle doit être repensée. Non dans le but de « faire taire les hommes » mais plutôt pour « faire taire les armes », comme plaidait dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, l’ancienne ministre de la Culture malienne, Aminata Traoré.

AVS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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