Insalubrité, manque d’eau et électricité, insécurité … : le calvaire quotidien des populations de Gesco Ayakro





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Une rue de Gesco Ayakro dans la commune de Yopougon



Les populations de Gesco Ayakro, quartier précaire situé dans la commune de Yopougon, sont confrontées à de nombreuses difficultés qui font aujourd’hui partie de leur quotidien. Une balade effectuée dans ce quartier, le mardi 19 septembre 2023, nous a permis de nous imprégner de leur calvaire.

 

Il est 9 heures, ce mardi 19 septembre 2023, lorsque nous débarquons à Gesco Fourrière. C’est un carrefour situé à l’entrée d’Abidjan dans la commune de Yopougon. Et la première chose qui nous frappe à l’œil, c’est l’échangeur qui est en train de sortir de terre. Et oui, très bientôt, un joyau architectural sera visible à l’entrée de la capitale économique ivoirienne, en venant du Nord du pays. S’il est vrai que cet endroit est en train d’être transformé au fur à mesure que les jours passent, force est de constater que ce n’est pas du tout le cas pour ce quartier situé juste en face de cet échangeur en construction. A peine tourne-t-on le dos au chantier qu’on aperçoit une énorme flaque d’eau usée juste à l’entrée du quartier dénommé Gesco Ayakro.Chose qui ne semble déranger personne, puisque la vie se déroule normalement. Les commerçants sont positionnés de part et d’autres de la route, et les passants essaient, tant bien que mal, de se frayer un chemin malgré les nombreuses flaques d’eaux usées.

 

A Gesco Ayakro, les populations vivent avec les eaux usées, les déchets et les odeurs

Nous décidons alors de pénétrer un peu plus à l’intérieur de ce quartier afin d’en savoir un peu plus. La voie que nous empruntons est divisée par une sorte de mini-rivière dans laquelle coulent des eaux usées comportant toutes sortes de déchets. Sachets plastiques, bouteilles d’eaux, vieux torchons, sont entre autre les éléments que l’on aperçoit. Le tout couronné par une odeur nauséabonde qui rend l’air irrespirable. Sur cette voie, il est impossible de faire un pas, sans sauter une flaque d’eau. Sur une voix de plus de 500 mètres, c’est le même décor. En effet, la route que nous arpentons mène à un autre quartier appelé Micao. Et c’est depuis ce quartier que ces eaux usées coulent jusqu’à terminer leur course au niveau du carrefour fourrière. Tout autour de cette voie, se trouvent des habitations, et des commerces.

Dans notre balade, nous nous rendons dans un kiosque à café afin de soutirer quelques informations au gérant. Après les échanges de civilités, nous attirons l’attention de ce dernier sur le fait que son kiosque est situé en face d’une marre d’eaux usées. « Ce que tu vois là, c’est presque partout à Gesco ici. L’eau sale est versée partout, donc on est obligé de faire avec. On ne va pas regarder ça pour dire qu’on ne travaille pas », a-t-il répondu.  

A la suite du gérant du kiosque, un homme d’une quarantaine d'années qui avait en face de lui une tasse de café s’invite dans la discussion. « Mon frère, ici là c’est un quartier précaire. Les gens construisent n’importe comment. Dans presque toutes les cours, il n’y a pas de regards pour évacuer les eaux usées. Donc l’eau de vaisselle, de la lessive, tout se retrouve sur la route. On mange dedans, on vit dedans, les enfants jouent dedans. Mon cher, c’est Dieu qui nous protège ‘’, lâche-t-il. Et pendant que nous étions en pleine discussion, une fillette sortie d’une cour environnante, tenant en main une cuvette contenant de l’eau, s’est dirigée vers la flaque d’eau sur la voie. Elle y a ensuite déversé le contenu de son récipient. Une scène qui n’a fait que corroborer les propos du client. « Qu’est-ce que je t’avais dit ? », ajouta le client, avant de nous faire des confidences assez dégoutantes. « Il y a des cours, dans ce quartier, où les regards des toilettes sont remplis. Il y a des gens qui défèquent dans des sachets qu’ils balancent discrètement sur la route. Il arrive souvent qu’on tombe sur des choses comme ça, parfois sur des sachets contenant des menstrues», a-t-il renchéri. Répondant au nom de Ouedraogo Djibril, notre interlocuteur accepta même de nous guider dans notre petite balade dans le quartier de Gesco Ayakro. Un choix certainement motivé par le fait que nous nous sommes proposés de lui payer son café.

M. Ouedraogo nous conduit dans une cour à l’entrée de laquelle se trouve une sorte de cage entourée de feuilles de tôles. Cet endroit sert de salle de bain aux occupants de la cour. Et les eaux sortant de cet endroit se retrouvent directement sur la route. Aussi, faut-il noter que nous avons aperçu à l’entrée de cette cour des gamins de moins de 5 ans qui, en toute inconscience, couraient dans tous les sens, en sautant les flaques d’eaux. 

M. Ouedraogo nous a ensuite conduit à l’arrière d’un immeuble. Et là, nous avons vu un tuyau par lequel passent les eaux usées rejetés par les habitants de cet immeuble. Et ces dernières se retrouvent sur la route. « L’eau que les habitants de cet immeuble rejettent passe par ce trou, et se retrouvent sur la route ici. C’est aussi derrière la maison des gens. Un jour, il y a un monsieur qui passait, l’eau sale est versée sur lui, c’est devenu une bagarre (…) », a expliqué Monsieur Ouédraogo.

 

Les rares canalisations d’eau à Gesco sont anarchiques

 

A la GESCO Ayakro, la quasi-totalité des rares canalisations d’eau sont anarchiques. Selon les informations reçues, les téméraires fraudeurs font des raccordements parallèles sur les gros tuyaux souterrains de la SODECI. Et des personnes bénéficiant de ces installations anarchiques commercialisent de l’eau dans le quartier. C’est donc dans les conditions d’insalubrité mentionnées plus haut que Nadia, une jeune fille, d’une vingtaine d’années, commercialise de l’eau dans le quartier. Assise sur un bidon, au bord de la route, ce mardi 19 septembre, la jeune dame remplissait d’autres bidons alignés autour d’elle. La grosse flaque d'eau usée juste en face de son lieu de commerce ne constitue, en aucun cas, un frein à son activité. Notre guide, M. Ouédraogo ayant pris le soin d’établir le contact avec cette jeune dame, nous n’hésitions donc pas à attirer son attention sur l’environnement dans lequel elle mène son activité. « Un client va venir dire que comme il y a l’eau sale devant moi, il ne va acheter pas de l’eau, comme si chez lui-même est propre. Faut plus il va acheter », a-t-elle répliqué.

 

Les populations régulièrement privées d’électricité

L’électricité est également un problème dans ce quartier de la commune de Yopougon. Ici, rares sont les personnes qui disposent de façon légale d’un compteur de la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE). Les branchements se font de façon anarchique. Les quelques rares compteurs de la CIE ou encore les poteaux électriques du quartier constituent une source d’alimentation pour les fraudeurs. C’est à partir de ces sources que certaines habitations sont ravitaillées en électricité. « Ici, c’est le courant parallèle que les gens utilisent. On préfère ça parce qu’on peut payer 3000 Fcfa ou 2000 Fcfa par mois, alors qu’avec la CIE, on ne sait jamais. Ils peuvent t’envoyer une facture de 20.000 Fcfa, tu seras obligé de payer », nous rapporte un commerçant.

Cependant un autre habitant du quartier fait savoir qu’il n’a vraiment pas eu le choix « Quand je suis arrivé au quartier, c’est le branchement parallèle que j’ai trouvé dans la maison, On n’a plusieurs fois demandé au propriétaire de la maison de mettre les compteurs de la CIE, mais il ne l’a jamais fait, donc on fait avec, on n’a pas le choix », a-t-il soutenu, tout en indiquant que cette situation occasionne des coupures intempestives d’électricité. « Il est impossible de faire une semaine sans coupure de courant. Souvent, on peut faire deux ou trois jours, voire même une semaine dans le noir », a-t-il indiqué.

 

De nombreux jeunes s’adonnent à l’alcool, à la drogue, et au vol

 

A tous ces problèmes mentionnés ci-avant, s’ajoute le problème d’insécurité. Bon nombre de jeunes sont issus de familles à faible revenu. N’ayant également pas de boulots, ces derniers se retrouvent ainsi exposés à de nombreux vices. Consommations d’alcool et de drogue. C’est en tous cas, ce qu’a confié M. Guédé, un habitant de Gesco Ayako. « Ici la drogue circule en abondance. Il y a même un fumoir dans le quartier. Et les jeunes s’en procurent facilement. Je vois sur les réseaux sociaux qu’on parle de la drogue Kadhafi. Mais ça fait des années que les gens prennent ces comprimés ici», nous a-t-il lancé, tout en estimant que c’est sous l’emprise de ces substances que ces jeunes se livrent au vol. « Il y a toujours des cas de vol dans le quartier, et parfois même des cas d’agressions. Plusieurs jeunes de ce quartier sont actuellement en prison. Certains ont été pris, par la police, dans le fumoir qui est juste à côté, d’autres ont été enfermés pour des cas de vols », a-t-il indiqué.

Après plus de 2 heures de marches dans le quartier Gesco Ayakro, nous nous sommes rendus comptes des conditions d’insalubrités dans lesquelles vivent les populations, au point où elles ont fini par accepter cette situation. A cet environnement malsain, s’ajoutent des problèmes d’électricité et les jeunes se retrouvent exposer à toutes sortes de vices. Et selon les témoignages reçus, c’est quasiment les mêmes réalités partout dans ce vaste sous-quartier de Yopougon où résident des milliers d’habitants.  Contraintes d’y rester en raison de leurs situations financières, ces populations espèrent que les autorités ivoiriennes pourront, un jour, se pencher sur leur situation. « On espère qu’un jour le gouvernement se tournera sur la situation des quartiers précaires, plus précisément notre quartier Gesco Ayakro. On souffre trop. Qu’ils viennent nous aider », a lancé M. Ouedraogo.

 

Cael ZOZORO

Encadré : Le quartier Gesco pris en compte dans le projet de structuration des quartiers précaires annoncé par le gouvernement

Permettre à chaque Ivoirien et chaque Ivoirienne d’accéder à des conditions de vie décente, quel que soit l’endroit où il se trouve sur le territoire national, c’est l’objectif que s’est fixé le gouvernement ivoirien, qui a récemment lancé un projet de restructuration des quartiers précaires dénommé le Projet d’aménagement des quartiers restructurés d’Abidjan (PAQRA). Ce projet piloté par le ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, vise à améliorer la qualité de vie des populations les plus vulnérables. Ce sont 132 quartiers précaires qui ont été répertoriés dans le district d’Abidjan qui devrait bénéficier de ce projet financé par l’Agence française de développement (AFD) à hauteur de plus de 32 milliards de FCFA. Et, selon nos sources, Gesco bénéficiera de 9 km de voies bitumées. Il est prévu également la réhabilitation de 18 salles de classe et la construction d’une école de six classes. Entre autres infrastructures, ce quartier aura deux terrains de sport, des ouvrages de drainage et un centre de transfert des ordures ménagères. Pour l’instant, force est de constater que les travaux n’ont pas encore débuté.  

Gael Zozoro 

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