Après le décès de la Reine-mère : une grave crise de succession secoue le peuple baoulé





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Le décès de la Reine-mère du peuple baoulé, Nanan Akoua Boni II, a été annoncé, ce mardi 14 mai 2024. Juste après cette annonce officielle, une autre a été faite informant que le successeur de cette dernière est le prince Nanan Kouadio Maxime. Aussitôt après, des voix s’élèvent pour crier à l’imposture, dénonçant le fait que celui qui est déjà le roi, depuis longtemps, Nanan Kassi Anvo, ait été mis à l’écart pour un autre.

Ils y voient des mains obscures. Ils en veulent pour preuve l’empressement avec lequel cette seconde annonce a été faite au moment où le peuple baoulé pleure sa reine. « Jamais chez nous les Baoulés, on annonce un tel décès et ensuite une succession. Jamais ! Respectez notre culture et sa coutume », s’est exclamé un membre de cette communauté, se confiant à Shérif O., journaliste.

Dans nos recherches, nous avons pu nous rendre compte que, en 2021, une forte délégation d’élus et cadres du Grand Centre, et non des moindres, s’étaient rendus à la résidence de Cocody de Mme Marie-Thérèse Houphouët-Boigny, épouse du premier président ivoirien, Félix Houphouët-Boigny, pour présenter leurs civilités à celui qu’on désignait déjà roi des Baoulés, Nanan Kassi Anvo Michel.

Dans la délégation, on pouvait voir le représentant de feu le président Henri Konan Bédié, Rémi Allah Kouadio, Danielle Boni Claverie, plusieurs élus et plusieurs chefs traditionnels Baoulé, dont Nanan Augustin Dahouet-Boigny, chef du canton des Akouè. On enregistrait aussi, selon les écrits que nous avons pu consulter, des représentants des peuples Ashanti du Ghana et Tchokossi du Togo. C’était une manière de faire allégeance au roi, conformément à la coutume.

17 ans après, Nanan Kassi Anvo intronisé

Cette démarche semblait logique d’autant plus que, 2 ans plus tôt, précisément le 28 mars 2019, un communiqué officiel de la cour royale des Baoulés annonçait : « Nanan Kassi Anvo, premier prétendant dans l'ordre de succession de la lignée royale, conformément à la dévolution matrilinéaire, a été intronisé Roi du peuple Baoulé, après plus de 17 ans de vacance de la royauté ».

La même source expliquait que « Depuis le décès en 2002 de sa Majesté Nanan Anoungblé III, la régence a été assurée par la Reine-Mère Nanan Akoua Boni II, jusqu'à ce jour en attendant que le nouveau roi soit préparé aux fins d'assumer comme il se doit, les charges de sa fonction ».

Le même communiqué faisait plusieurs précisions : « L'intronisation de ce jeudi 28 mars 2019, s'est faite dans le strict respect des us et coutumes qui imposent une retraite du Prince dans le bois sacré où seuls les gardiens de la tradition ont accès. A cet égard les membres des notabilités en charge de l'intronisation des Rois dans la pure tradition Baoulé, étaient tous présents. Le cérémonial s'est également déroulé sous le regard bienveillant de la famille paternelle du nouveau Roi, dépêchée à cet effet par sa Majesté Nanan Amon N'Douffou V, Roi de Krindjabo. Le Prince Nanan Kassi Anvo a été installé sur le trône royal au terme de cette cérémonie, avec la plénitude des attributs liées à sa charge. Le couronnement du Roi se fera dans les prochains mois, durant des festivités solennelles à l'occasion desquelles les Rois et Chefs traditionnels alliés, ainsi que les autorités investies dans l'ordre républicain et les populations, seront conviés pour marquer le début d'une nouvelle ère ».

Il était prévu que le nom de règne du dépositaire du patrimoine Baoulé serait officiellement et publiquement annoncé. Mais surtout, le communiqué signé du Collège des Djèffouès pour le compte de la Cour royale, insistait pour dire que, dès ce jour (NDLR : 28 mars 2019), l'autorité et la gouvernance royale qui est de plein effet, auront l'appui et la contribution de la reine-mère, et ce, dans la normalité due et la conservation du patrimoine culturel et ancestral Baoulé.

Au regard donc de tous ces faits, il ne devrait plus logiquement avoir de problème de succession, même après le décès de la reine-mère. C’est donc avec beaucoup de surprise que de nombreux enfants du peuple baoulé ont entendu le nom de Nanan Kouadio Maxime en lieu et place de Nanan Kassi Anvo Michel.

Pour les nombreux membres de cette communauté, c’est purement et simplement un coup d’Etat savamment orchestré par des hommes politiques avec la complicité de cadres du Grand Centre. Leur objectif, selon eux, étant de pouvoir contrôler la royauté à des fins électoralistes. C’est pourquoi, ils veulent coûte que coûte mettre sur le trône quelqu’un qu’ils peuvent manipuler. « Qui veut diviser le royaume baoulé ? Au profit de qui et de quoi ? », s’interroge-t-ils.

Modeste KONE

 

Encadré

La déclaration de l’Association des cadres et ressortissants de Sakassou le 8 avril 2019

Il nous revient ces derniers temps qu’une crise de succession déchire le Royaume Baoulé. Moh N’Gah Tanou Monique présentée comme «Reine-Mère des Baoulés», serait soit disant destituée au profit de son fils Kassi Anvo. Le Royaume est régi par des règles qui se reposent sur le droit coutumier.

Au siège du Royaume Baoulé à Sakassou, voire, dans le peuple Baoulé, il y a beaucoup de sachants des us et coutumes. Parmi ces gardiens de la tradition, de même que nombreux sont morts de même il y a encore heureusement beaucoup de vivants.

En pays Akan, l’histoire d’un royaume comme celui des Baoulés ne s’explique pas sur la place publique. L’explication dans de telles situations est précédée de rituels assortis de l’autorisation de la Cour Royale.

C’est ce qui justifie jusque-là, le silence des sachants et des cadres de Sakassou au moment où on entend des sons de cloche venant d’horizons divers. C’est donc avec cette autorisation que nous pouvons nous adresser à vous maintenant.

Pour éclairer la lanterne de tout un chacun, nous nous permettrons de faire des précisions sur ce qui se passe dans le Royaume Baoulé. Parler de crise nous semble incompréhensible ; puisque nous ne savons pas de quoi parlent exactement « ceux-là » surtout, lorsqu’on se réfère au cadre organique régissant les royaumes des Akans comme celui des Baoulés. Dans tous ces royaumes, il a toujours existé deux (2) Chaises :

* La Chaise Royale (Yassoua Bia), la Première Chaise en termes d’importance, sur laquelle on installe les Rois ; et sur cette chaise ne s’assoit jamais une femme. On n’installe jamais une femme sur cette chaise-là. C’est la chaise de commandement. L’occupant étant perçu comme un chef guerrier (Le Roi). Il est l’autorité suprême du royaume. Il est le gardien des Us et Coutumes. C’est lui qui incarne le peuple de son royaume. Il détient le pouvoir. Il dispose de l’armée du royaume. A ce titre, il a l’obligation de défendre son territoire aussi bien que son peuple. Il dispose de tous les pouvoirs discrétionnaires pouvant garantir la sécurité, et de son territoire et de son effectif gouverné (le peuple).

* La seconde chaise, qui est la chaise de la Reine-Mère (Bla Bia), est celle réservée aux femmes. C’est sur cette chaise que s’assoit la Reine-Mère. Celle qui occupe cette chaise est la Reine-Mère.

Le rôle de la Reine-Mère au sein du Royaume est symbolique. On dit généralement qu’elle a le pouvoir parce que c’est de la femme que provient la légitimité des occupants de la Chaise Royale en application du principe matrilinéaire. Cette Reine-Mère a pour premier rôle la protection du Roi. Comme deuxième rôle, elle est la première conseillère du Roi. Pour cette raison, Le Roi la consulte régulièrement. Son troisième rôle consiste à ordonner et à contrôler toutes les cérémonies de rituels à la Cour Royale. Enfin, son quatrième et dernier rôle consiste à présider la réunion des femmes âgées de la Cour Royale au cours de l’examen de l’arbre généalogique des prétendants au trône. Elle ne commande pas.

Le processus traditionnel porté à son terme le 28 mars 2019, objet du communiqué de la Cour Royale signé par le Collège des Djèffouès ce même jour, n’est rien d’autre que l’intronisation du nouveau Roi, pour la Chaise Royale, le «Yassoua Bia». Il ne concerne en aucun cas le «Bla Bia», la chaise de la Reine-Mère.

Dès lors, les cadres Baoulé se réjouissent de l’avènement d’une nouvelle ère sous le règne de Nanan KASSI ANVO. Ils reconnaissent d’emblée son autorité en attendant de lui faire allégeance dans les meilleurs délais. En effet, son intronisation a été effectuée et officiée en parfaite conformité avec le cérémonial prescrit par les règles, usages et rites traditionnels en la matière.

Que ceux qui ne connaissent pas nos Us et Coutumes arrêtent de créer sur fond de mensonges, consciemment ou inconsciemment, dans les journaux et réseaux sociaux, une situation qui n’existe pas. Il faut arrêter de jouer avec le Trône. Cela peut vous être préjudiciable tôt ou tard.

Nous demandons donc à tous nos frères Baoulés, de quelque région qu’ils proviennent, de continuer d’être Baoulé et fier, et de continuer d’être solidaires autour de leur plus grand symbole, le garant de leur système de valeurs, leur Roi Baoulé.

 

Fait à Abidjan le 8 avril 2019

Pour L’Association des Cadres et Ressortissants de Sakassou

Le Doyen, Paul AKOTO YAO

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