Alexis Brissy Gadou, l'ancien gardien du cimetière de Gagnoa, soutient n'avoir jamais trempé dans le trafic d'organes humains
Dans les archives de la mairie de Gagnoa, figurent les nom et prénoms de "Cacao" à l'état civil Alexis Brissy Gadou, connu dans toute la cité du fromager et les villes environnantes. Il a été durant plusieurs années le responsable du cimetière de la capitale de la région du Goh avant de faire valoir ses droits à la retraite.
Dans une interview accordée à pressecotedivoire.ci, samedi 17 août 2024, celui qui est aussi surnommé « Le monument » a levé un coin de voile sur les réalités de son ancienne activité et sa vie actuelle loin du cimetière municipal de la ville de Gagnoa, taxée comme la localité où l'on célèbre la mort.
"La politique m'a mené au cimetière"
La mutation de Brissy Gadou dans ce milieu inévitable pour tout être humain est partie d'un fait politique. « En tant qu'agent de la mairie de Gagnoa, c'est un matin que j'ai été muté au cimetière contre toute attente de ma part. Le fait d'être vêtu d'un polo à l'effigie du PDCI-RDA avec une image du président de l'époque, feu Henri Konan Bédié, a été une raison pour le maire FPI d'alors, Arsène Sibally, de me muter au cimetière municipal de Gagnoa en tant que manœuvre. J'ai voulu rendre démission mais après j'ai accepté cette mutation », a-t-il expliqué.
Et d'ajouter que c'est plus tard, sous le règne de son successeur le maire Sylvestre Gnohité qu'il a été nommé pleinement surveillant des entrées du cimetière. La saturation de ce cimetière qui constitue une préoccupation pour les locataires de la mairie ne date pas de la dernière pluie. « Avant que je ne sois muté au cimetière municipal qui a été géré par le géniteur de l'ex-président Laurent Gbagbo, il était déjà plein. Pour faire les enterrements, il fallait faire des pieds et des mains dans les justes milieux. Quand il s'agissait de faire les grandes tombes, les maçons et leurs apprentis à la recherche d'espace retirent des ossements humains dans des tombes moyennes pour les mettre dans des trous », a-t-il révélé.
Son refus d'aller exercer au cimetière dès le départ n'était aucunement lié à la peur des morts. « Je n'avais pas peur de gérer le cimetière vu que j'appartiens à une famille de propriétaires terriens ici à Gagnoa. Pour moi, j'étais donc en mission sur la terre de mes parents. Il est à préciser que je n'étais pas seul dans l'exercice de cette fonction. Plusieurs personnes étaient sous ma responsabilité », a-t-il rassuré.
Des opportunités qui lui garantiraient une retraite dorée lui ont été faites mais elles ont été toutes bottées en touche de sa part. « En tant que responsable du cimetière, de nombreuses propositions de vente d'organes de cadavres m'ont été faites mais j'ai opposé un refus catégorique avec les conseils de mon oncle dès ma mutation dans ce lieu », a-t-il coupé court.
Et de continuer : « Aujourd'hui à la retraite, mes détracteurs tentent de me coller une étiquette de dealer d'organes de morts durant ma fonction, mais ce n'est pas vrai au regard de ma condition de vie actuelle difficile. Celui qui vend des organes de cadavres humains ne peut jamais avoir une longue vie comme la mienne ».
Le commerce de vente d'organes de cadavre n'a pas été l'unique opportunité pour lui d'amasser beaucoup d'argent : « Au-delà de la vente des organes de cadavres qui m'a été proposée, un couple à la recherche d'enfant a souhaité que je lui permette de faire l'amour sur une tombe mais je l'ai chassé comme des malpropres alors que je n'avais qu'un salaire de 79000 FCFA », s'est-il souvenu.
Son poste de gérant du cimetière ne l'a pas contraint à tisser des liens avec des agents exerçant dans d'autres démembrements de l'univers de la mort à Gagnoa. « Je n'avais pas de rapport particulier avec les agents des pompes funèbres. Pour faire un enterrement, il suffisait simplement de la présentation du reçu des frais payés à la mairie et c'était chose faite », a-t-il clarifié. Si la loi est formelle que les hommes sur terre sont égaux, ce n'est pas le cas au cimetière. La situation à l'époque au cimetière en est une très belle illustration. « Les prix des espaces pour faire les tombes variaient à mon époque. Il y avait la place des chrétiens qui coûtait 55.000FCFA pour une durée de 99 ans de la dépouille au cimetière municipal, des places coûtaient aussi 30.000FCFA pour 15 ans de durée du corps sur le site. Une modique somme était exigée aux parents des dépouilles inhumées sans cercueil », a-t-il souligné.
Loin des pourboires juteux de l'époque offerts par les parents des défunts suite à des services non-conformes à la morale humaine, « Cacao », rattrapé par le poids de l'âge, vit aujourd'hui de la générosité de certains cadres de la ville de Gagnoa. « Ma pension de retraite n'atteint même pas le Smig. Elle tourne autour de 31000 FCFA. Alors que mon fils de 43 ans est cloué au lit par une maladie pernicieuse. Je m'en sors grâce aux biens immobiliers de mes parents et des personnes de bonne volonté telles que le maire de la commune de Gagnoa et du sénateur Alcide Djédjé », a-t-il conclu.
Touré Boa
Correspondant régional