Le patron de l’Intelligent d’Abidjan a estimé, hier, à l’inauguration des Débats d’Aujourd’hui, à la salle des conférences de la Maison de la presse, qu’il n’y a pas que la menace de l’Etat qui érode la liberté de la presse mais également la posture du journaliste lui-même à servir une cause au nom du combat politique.
Pour autant, il n’élude pas les entraves qui sont multiples en la matière et qui sont le fait des pouvoirs publics, puisque selon Wakili, "les gouvernants et les acteurs sociaux, économiques ou politiques doivent apporter une réponse forte afin de garantir l’existence d’une presse libre et indépendante. Parce que la liberté n’est pas seulement un enjeu de gouvernance démocratique, elle est aussi un enjeu de gouvernance globale qui concerne les droits de l’homme et le « vivre ensemble dans une société moderne".
Le reste du combat concerne les journalistes eux-mêmes. Car pour le conférencier, si "on relève, après le printemps de la presse l’absence d’une presse privée libre et indépendante, y compris dans des pays qui poussent à l’autocensure, (…) c’est aussi parce que journalistes et éditeurs de presse choisissent délibérément de restreindre leurs capacités à être libres", assure Alafé.
C’est pourquoi le conférencier choisit la responsabilisation pour sortir le journaliste du guêpier de l’autocensure. « Pour être crédible, notre profession doit s’engager sur la voie de la responsabilisation. Car dans une Afrique qui se transforme et évolue, et qui est en passe de devenir l’un des vecteurs de la croissance mondiale, les progrès politiques, économiques et sociaux ne peuvent s’accomplir pleinement que dans un environnement qui garantit la liberté de la presse », explique Alafé Wakili qui se défend d’être un journaliste inféodé. "Personne ne peut me faire un tel reproche", a-t-il expliqué ajoutant qu’aucune de ses unes n’est dictée.
Les "Débats d’Aujourd’hui" sont une initiative de Joseph Titi, le patron du journal Aujourd’hui qui les a conçus comme "un cadre de discussion et d’échanges fraternels". Leur ancêtre s’appelait « Les Débats du cinquantenaire » qui ont permis, sur ce même modèle, de "faire le bilan de l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 2010. D’échanger et de débattre sur ce qui avait marché, mais aussi sur ce qui ne l’avait pas été et pourquoi ", a expliqué le promoteur qui s’est dit enthousiasmé de recevoir le patron de l’Intelligent d’Abidjan qui lui avait déjà fait l’honneur d’honorer ces tout premiers débats.
Joseph Titi reste persuadé que la culture du débat peut contribuer à éloigner "un tant soit peu la violence", ajoutant que si "grâce aux réseaux sociaux, les Ivoiriens discutent, s’invectivent souvent mais se parlent et confrontent leurs idées, les réseaux sociaux ne peuvent pas, à eux seuls, structurer la nécessité du débat public dans notre pays, surtout que les dérives, les insultes et parfois les appels au meurtre auxquels l’on assiste sont aussi les inconvénients évidents de sujets mal posés ou élaborés avec des arrière-pensées" et des partis-pris.
Modeste KONE