Guillaume Soro, ex-président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, après avoir, dans un premier temps, condamné les sanctions prises par la CEDEAO, contre le Mali, appelle aujourd’hui à l'apaisement. Il demande aux chefs d’Etats de la Communauté à reconsidérer leur posture et à donner une "chance au dialogue et à la concertation".
Appel à l'apaisement et au réexamen des sanctions de la Ecowas - Cedeao contre le Mali
Je voudrais, en mes qualités d’ancien Premier ministre, d’ancien Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire ; mais aussi pour avoir participé à plusieurs sommets de la CEDEAO et de l’UEMOA d’une part, en tant que partie prenante à un conflit de 2002 à 2007 et d’autre part en tant que décideur, représentant de l’ancien président de la République de Côte d’Ivoire, M. Laurent Gbagbo, de 2007 à 2010, lancer un appel à l’apaisement suite aux tensions suscitées par les dernières décisions prises le 09 janvier 2022, par les chefs d’État de la CEDEAO.
Lesdites sanctions nous apparaissent extrêmement sévères, voire disproportionnées. Avec une célérité inhabituelle, elles ont failli faire l’objet d’une résolution onusienne pour en accentuer le caractère particulièrement coercitif.
D’emblée, je rappelle que priver un État sans littoral de son droit d’accès à la mer, constitue une violation de plusieurs instruments multilatéraux importants, tels que la Convention et le Statut de Barcelone, ainsi que l’accord d’Almaty entre autres, qui reconnaissent aux pays enclavés, le droit d’utiliser les océans dans les mêmes conditions que les États riverains, en ce compris le droit de traverser le territoire d’un ou de plusieurs pays en vue d’atteindre la mer.
C’est pourquoi, j’en appelle aux Chefs d’État de la CEDEAO, afin qu’ils reconsidèrent leur posture et donnent une chance au dialogue et à la concertation, loin de la surenchère. J'invite également les Autorités de Transition du Mali à ne point céder à la tentation de la rupture du dialogue et à adopter une position conciliante, en dépit des tensions et autres pressions de tous ordres, pour aboutir à un compromis dynamique.
De mon expérience personnelle des sommets de la CEDEAO ou de l’UEMOA auxquels j’ai eu l’honneur et le privilège d’assister et de travailler aux côtés de Chefs d’État tels Mathieu Kérékou, Olusegun Obasanjo, John Kufuor, Amadou Toumani Touré, Blaise Compaoré, Étienne Gnassingbé Eyadema, Abdoulaye Wade, Tandja Mamadou… le leitmotiv a toujours été de privilégier le dialogue, toujours le dialogue et la paix entre Africains, pour trouver des solutions africaines à tous les contentieux, y compris les plus complexes.
C’est au nom de ce principe cher aux pères fondateurs de la CEDEAO, que j’intercède humblement auprès de mon aîné le président Macky Sall du Sénégal et du doyen le Président Muhammadu Buhari du Nigeria, afin qu’ils usent de leur leadership pour renouer le fil du dialogue entre la CEDEAO et la République sœur du Mali. Une solution sous-régionale pacifique, mesurée, qui préserve à la fois la dignité du peuple malien et l’image de la CEDEAO, est toujours possible. J’en appelle également à tous les intellectuels du continent pour qu’ils se joignent à cette initiative pour apaiser la situation et repenser les sanctions prises contre le Mali et imméritées par le peuple malien.
Pour avoir organisé des élections en Côte d’Ivoire en octobre et novembre 2010 dans un contexte particulièrement difficile, cependant incomparable à celui du Mali, il me plaît par acquit de conscience de suggérer aux uns et aux autres, de sortir du fétichisme des dates. De même, il me semble que le recours précipité et intempestif aux résolutions des Nations unies peut, bien souvent apparaître, inopportun, voire contre-productif. Je plaide pour que nous, Africains, puissions explorer notre capacité à puiser dans les valeurs ancestrales de nos coutumes, les ressorts nécessaires pour bâtir la paix et la fraternité entre nos peuples.
Guillaume Kigbafori Soro
Ancien Premier ministre
Ancien Président de l’Assemblée nationale de la République de Côte d’Ivoire.