Harcèlement en milieu scolaire : un phénomène sournois qui détruit l’avenir des élèves





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Le harcèlement en milieu scolaire pousse l'enfant à se recroqueviller sur lui-même



En Côte d'Ivoire, le harcèlement en milieu scolaire et universitaire est devenu une problématique préoccupante. Des élèves et étudiants, quel que soit l’âge, en sont victimes, ce qui affecte leur santé mentale et leurs performances scolaires. Ce fléau prend diverses formes : insultes, intimidations, moqueries, violences physiques, chantage sexuel, etc. Des victimes des communes d’Abobo et de Cocody, interrogées, ont accepté de témoigner. Préférant rester anonymes, certains étant mineurs, d’autres craignant des représailles, les noms ont été remplacés par des initiales ou des noms d’emprunt.

À Abobo, une commune réputée pour le fort caractère de sa jeunesse, il semble impensable qu’un phénomène aussi discret que le harcèlement y ait cours. C’est pourtant le cas. de S.K., une étudiante rencontrée près de la pharmacie Sainte-Fatima du quartier Dokui, qui partage son expérience. « Dans le passé, j’ai été victime de harcèlement à cause de ma forte poitrine. En classe de CM2, des élèves m’ont hué parce que j’avais porté un soutien-gorge pour faire du sport. Mes seins, trop gros, me gênaient. J’ai alors changé de style vestimentaire et je me courbais pour marcher, tellement j’étais complexée. Aujourd’hui, je marche comme une bossue. Je n’osais pas en parler à mes parents. Nous ne sommes pas en Europe, ici », raconte-t-elle, le regard perdu dans le vide.

Comme elle, de nombreuses jeunes filles sont victimes de harcèlement dans notre société. C’est également le cas d’Audrey, une élève en uniforme scolaire avec qui nous avons échangé. Elle revient sur le calvaire qu’elle a vécu et la manière dont elle a réagi. « J’ai été harcelée par un professeur au lycée A.S. Il me demandait de sortir avec lui, mais je refusais. Chaque fois, il me faisait la même proposition et me menaçait de me pénaliser sur ma moyenne si je continuais à refuser. Je me suis plainte à l’éducateur et il a été renvoyé. Je n’étais pas la seule dans cette situation », explique-t-elle, le visage marqué par la tristesse.

À Cocody où se trouvent certains des établissements les plus prestigieux de la capitale économique, un jeune étudiant, Konan, témoigne de son expérience du harcèlement au lycée.  « Dès que je suis arrivé à l’école, certaines personnes, notamment des filles, se moquaient de moi. Elles me disaient que j’étais vilain et se comportaient avec moi comme si j’avais fait quelque chose de mal. Cela s’est répété à plusieurs reprises. Finalement, je m’y suis habitué. Heureusement, aujourd’hui, je suis à l’université et ça va mieux », confie-t-il.

Ces témoignages révèlent que le harcèlement est une réalité bien ancrée dans les établissements scolaires, et parfois dès l’école primaire. Ce phénomène reste largement ignoré, alors même qu’il peut avoir des conséquences dévastatrices sur la santé mentale des victimes et leur avenir académique.

La communication et l'accompagnement psychologique s'imposent

Pour la psychologue Frédie Doffou, le harcèlement conduit à l’ipséité (le fait pour un enfant de développer un caractère qui lui est propre). Il détruit l’identité propre de l’individu. « Ce phénomène a de nombreuses répercussions sur le bien-être et le développement du potentiel de l’enfant. Il entraîne chez lui l’adoption de comportements nouveaux, souvent négatifs.

L’enfant victime de harcèlement scolaire développe une mauvaise estime de soi, une dévalorisation de ses compétences, ce qui se traduit souvent par de mauvais résultats scolaires. Dans les cas extrêmes, cela peut conduire à des comportements autodestructeurs, voire au suicide », explique-t-elle.

Pour elle, les conséquenes du harcèlement en milieu scolaire sont nombreuses et se remarquent "par un repli sur soi, le désintérêt pour des activités auparavant appréciées, des troubles psychosomatiques liés au stress, des blessures inexplicables, des vêtements ou objets personnels endommagés, et bien d’autres signes. Il est essentiel que les parents et les encadrants montrent à l’enfant qu’il n’est pas seul et qu’il existe des adultes prêts à l’aider. La communication ouverte et un soutien constant sont cruciaux pour l’aider à surmonter cette épreuve. Créer un cadre propice aux échanges, sans jugement, est fondamental », conseille-t-elle.

Le harcèlement scolaire et universitaire en Côte d'Ivoire est donc un problème majeur, souvent minimisé malgré l’intervention de psychologues. Il est exacerbé par des facteurs tels que le harcèlement familial et un manque d’accompagnement psychologique, dans un contexte où la responsabilité parentale et l’éducation émotionnelle font défaut.

Par ailleurs, les victimes peinent à exprimer ce qu’elles vivent, ce qui rend la prise en charge souvent tardive. Il est donc impératif que les parents non seulement échangent davantage avec leurs enfants, mais les orientent aussi vers des spécialistes dès qu’ils constatent des changements de comportement chez leurs enfants. 

DK

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