Relations locataires-bailleurs : quand malgré les lois, des conflits naissent





relations-locataires-bailleurs-quand-malgre-les-lois-des-conflits-naissent

Trouver un logement est devenu un véritable casse-tête pour les populations



Depuis l’adoption de la loi n°2019-576 du 26 juin 2019, qui fixe à deux mois le montant de l’avance et de la caution pour les contrats de location d’habitation (Code de la Construction et de l’Habitat, JO 2019-61), on s’attendait à une amélioration des conditions d’accès au logement pour les locataires. Malheureusement, le constat est que certains bailleurs considèrent cette mesure comme une simple formalité qu’ils ne sont pas obligés de respecter. Pendant ce temps, les démarcheurs aggravent la situation en exigeant un mois de loyer pour leurs services. Incursion dans un secteur où règne l’anarchie malgré les mesures prises pour l’encadrer.

À Yopougon, la commune la plus peuplée de la capitale économique ivoirienne, trouver une maison à louer relève d’un véritable parcours du combattant. Les procédures, parfois complexes, ne sont pas favorables aux demandeurs de logement. Kouassi Valentin, résident et locataire, partage son avis sur cette situation : « Concernant la caution et les relations entre propriétaires et locataires, c'est difficile. L'État a dit que c'est quatre mois. Mais, est-ce que l'État sait ce qui se passe réellement ? Pour le vérifier, il faudrait envoyer des agents ou mettre en place un numéro vert pour ceux qui cherchent à louer. Aujourd'hui, tu ne peux pas te tenir devant quelqu'un qui a investi des sommes considérables pour construire sa maison et lui imposer tes conditions. Je ne dis pas que les propriétaires doivent fixer les prix qu'ils veulent, mais cela doit prendre en compte leurs dépenses. Certains ont contracté des prêts pour construire leurs maisons. S'ils demandent six mois de caution, c'est souvent pour les embourser. L'intervention de l'État est donc nécessaire pour protéger les locataires. Et n'oublions pas le rôle des démarcheurs : pour visiter une maison, tu dois déjà payer 5 000 FCFA. Si tu acceptes, la caution passe à cinq mois, car le démarcheur prend un mois. L'État est-il au courant de tout cela". Cet avis souligne une réalité : les propriétaires fixent le montant des cautions en fonction de leurs dépenses et non des normes établies par l'État. 

Les démarcheurs indexés

À Cocody, notamment à Angré, une zone où les maisons se font rares, les démarcheurs occupent également une place centrale. AFB, un propriétaire que nous avons rencontré sous ce pseudonyme, souligne : « Depuis que je loue des appartements, ce sont les démarcheurs qui m’ont toujours amené des locataires. Je ne discute pas beaucoup avec eux. Il est vrai que l'État a pris une loi, mais je pense qu’ils nous ont mis à l’écart. Souvent, nous demandons au-delà du plafond fixé, car les réalités du gouvernement ne correspondent pas aux nôtres. Tout est devenu cher, et nous devons faire des efforts, alors qu’eux ne font rien. Avec les prêts bancaires, nous sommes souvent obligés de demander plus pour survivre. Les prix actuels des matériaux de construction illustrent bien notre situation. » 

Nous avons également rencontré un démarcheur, Konan Ange, qui explique : « Les propriétaires demandent quatre mois : deux mois de caution, deux mois d'avance. Certains parmi eux nous disent que le reste dépend de nous. Parfois, on négocie notre part. Des personnes viennent vers nous en disant qu’elles ne peuvent pas payer notre part, mais comme nous leur avons montré la maison, elles nous donnent un petit quelque chose. Nous avons aussi des frais de publication, par exemple sur des plateformes comme Coin Afrique. Nos conditions ne sont pas toujours obligatoires. Parfois, c'est le propriétaire qui nous dit : "comme tu as travaillé sur ma maison, prends ça." »

Et pourtant, les textes existent 

La situation reste donc complexe, chaque acteur du marché de la location agissant selon ses propres contraintes économiques. Entre lois peu appliquées, propriétaires endettés, locataires dépassés et démarcheurs incontournables, l'immobilier ivoirien se transforme en un véritable champ de bataille, où les règles semblent dictées par les réalités du terrain plutôt que par celles du législateur. En réalité, les populations manquent souvent d’informations et ignorent leurs droits. 

En effet, lors d’une émission télévisée en 2020 sur la télévision nationale, le ministre Bruno Nabagne Koné, en charge de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme, a averti : « La loi sur le bail à usage d’habitation fixe le loyer à deux mois d’avance et deux mois de caution. Nous travaillons pour le bonheur des Ivoiriens, dont 80 % sont locataires. Le contrôle se fera, et des sanctions s’appliqueront en cas de violation de cette loi. La sanction sera de 300 % du trop-perçu, alors qu’auparavant, elle était de 20 %. » Il avait également révélé un numéro vert (1378) que toute personne se sentant abusée peut utiliser. 

Jean-Louis Lobe, juriste-conseil et expert en droit immobilier, a déclaré lors de la dédicace de son ouvrage « Cas et conseils sur le bail d'habitation » que quiconque exerce le travail de démarcheur est « un candidat pour la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca) ». Ces informations sont précieuses pour les locataires, mais beaucoup les ignorent ou les négligent. Déficit de communication ou laxisme ?

 D. K

En lecture en ce moment

VAR ou pas VAR ?

La station d’eau potable de Bonoua : une infrastructure économique au service du bien-être de 2 millions d’habitants du district d’Abidjan