Affaire de Woubis : une pratique qui heurte la culture et les mœurs africaines





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Voir flotter ce drapeau en Côte d’Ivoire n’est pas demain



L’homosexualité demeure un sujet complexe et tabou dans de nombreuses sociétés africaines. Alors que les questions liées aux droits LGBTQ+ gagnent en visibilité à travers le monde, la perception de cette pratique continue de heurter les mentalités en Côte d’Ivoire, comme ailleurs sur le continent. Elle choque, car elle semble en totale contradiction avec la culture locale. Même si elle devient de plus en plus présente, elle n’est pas acceptée. Les récents événements en Côte d’Ivoire, où les autorités, jusque-là silencieuses, ont été contraintes de se prononcer sur le sujet, en témoignent.

Les traditions ancestrales en Côte d'Ivoire et le woubisme

Dans la soixantaine d’ethnies que compte la Côte d’Ivoire, aucune n’a de terme pour désigner le woubisme, comme on l’appelle dans l’argot ivoirien. Cela prouve qu’aucun peuple du pays n’en avait connaissance dans les temps anciens, et encore moins qu’il la pratiquait. Pour l’Africain, les rapports sexuels se font exclusivement entre une femme et un homme. C’est donc une pratique occidentale qui s’est exportée sur le continent. 

Nianzou Raphaël, porte-parole du chef Ahizi Kablan des N’zimas Kôtôtkô, nous a donné son avis sur le sujet : « D'abord, c'est à proscrire. Quand vous dites que c'est de plus en plus accepté, je précise que ce n'est pas accepté par nos mœurs. Non ! Nos mœurs ne collaborent même pas avec cette pratique. Nous avons une civilisation. Dans nos cultures ancestrales, il n'y a jamais eu cette histoire de woubisme. Donc, en Afrique, et particulièrement en Côte d’Ivoire, c'est une pratique qui ne peut pas exister parce qu'elle n'a jamais existé. Nous, les défenseurs des droits coutumiers, condamnons cette pratique avec la dernière énergie. Dans nos sociétés, nous n'allons jamais l’admettre. »

Dans la commune d'Adjamé, nous avons rencontré Kassoum Adama (nom d’emprunt pour préserver son anonymat), qui a accepté de partager son avis. Selon lui, l’homosexualité est une pratique amorale : « Ces gens-là n’ont pas de raison. Ce qu’ils font est complètement au-dessus de la morale. C’est devenu comme un effet de mode. J’ai l’impression que tout est “woubitisé” dans ce pays. On prend exemple sur un célèbre influenceur woubi ivoirien et on apprécie tous ses contenus sur les réseaux. Même la danse Biama, à la base, c’est du woubi. En tout cas, je suis contre et je n’ose même pas imaginer ce qui se passerait si les députés venaient à voter une loi pour les protéger. »

Non loin de là, au zoo d’Abidjan, nous avons recueilli l’opinion de Ruth, une jeune lycéenne en uniforme. « Pour moi, chacun est libre de faire ce qu’il veut. S’il veut être woubi, c’est son problème. C’est vrai que nous sommes en Afrique, mais les choses évoluent. Aujourd’hui, on nous parle de liberté. Chacun a son problème. En plus, il faut reconnaître qu’ils ont les vrais gars », a-t-elle déclaré.

La dimension historique et culturelle

Pour approfondir notre analyse, nous avons contacté le Dr Coulibaly Yalamoussa, historien et enseignant-chercheur au département d’histoire de l’Université Alassane Ouattara de Bouaké. Voici ses réflexions : « Aujourd’hui, on parle du woubisme. Il y a de nombreuses enquêtes sur le sujet, tant il est passionnant. Certains affirment que cela n'a jamais existé en Afrique traditionnelle et souhaitent le condamner. Mais il faut savoir, premièrement, que dans certaines sociétés africaines, l'homosexualité a existé. Cela pourrait surprendre, mais c'était dans des sociétés fermées, des confréries, lorsque certaines personnes cherchaient des pouvoirs mysthiques. Elles s’adonnaient à cette pratique, mais n’osaient pas en parler. Ce n'est donc pas exact de dire que cela n'a jamais existé. Cela était réservé à une élite, à des sectes traditionnelles. Avec l’évolution des choses, la colonisation a également joué un rôle, comme l’a dit Aimé Césaire : “la colonisation n'a point mis en contact, elle n'a suscité que des rapports d'exploitation.” Finalement, les Africains ont souvent décidé de copier. »

Le Dr Coulibaly souligne aussi l'influence occidentale croissante sur les mentalités africaines : « L’Occident a commencé à préparer les Africains à cela. Même dans les dessins animés, on montre indirectement l'homosexualité. Au début, cela choquait. Mais aujourd'hui, avec le temps, cela choque de moins en moins. »

L’homosexualité, ou le woubisme, est encore loin d’être pleinement acceptée par la majorité des Ivoiriens et des Africains. Bien que le sujet soit moins tabou qu’auparavant, beaucoup hésitent encore à en parler ouvertement. L’idée qu’une loi puisse être votée pour accorder davantage de droits aux homosexuels est perçue par certains comme une atteinte aux valeurs culturelles. La société ivoirienne semble divisée entre le respect des traditions et l’acceptation de cultures importées de l’Occident. La question reste donc ouverte : faut-il accepter cette pratique, au risque de renier nos valeurs ancestrales, ou l’accepter pour s’adapter aux temps modernes ?

D.K

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