Tonton Etienne est mort, faute de place dans les CHU, témoignage





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Ce n’est pas une fiction. C’est une réalité vécue. Tonton Etienne était un rescapé d’AVC. Cet ancien officier de l’armée ivoirienne qui a son domicile à Yopougon, grand comme Didier Drogba, trainait tout de même son pied gauche et avait le bras gauche collé constamment au corps. Appliquant à la lettre les consignes de son médecin, il faisait des marches pour entretenir son corps et éviter ainsi la sédentarisation.

Au milieu du mois de juillet 2023, il se rend au Nouveau Quartier (Yopougon) où il fait une chute terrible. Il saigne du nez et rejette brutalement par la bouche le contenu de son estomac. Les sapeurs-pompiers appelés au secours arrivent sur les lieux et commence, pour Tonton Etienne et ses sauveurs du jour, sans doute la plus longue marche.

Selon tonton Denis, le frère aîné d’Etienne, ils ont fait ce jour-là tous les centres hospitaliers publics de la capitale économique sans avoir une seule place pour recueillir le malade. Hôpital général de Yopougon, Chu de Cocody, Chu d’Angré, Chu de Treichville, Hôpital militaire d’Abidjan. « Pas de place disponible », ne cessait-on de leur lancer au visage. Pendant ce temps, tonton Etienne continuait de gémir, de saigner et de « vomir ses intestins ».

Las de tourner en rond, ils se décident à revenir sur leur pas et entrent dans une clinique de Yopougon. C’est là que quelques heures plus tard, tonton Etienne rendra l’âme. Au grand désarroi de sa famille qui maudit jusqu’à ce jour cette « place » qui n’a pas pu se libérer pour son parent.

Se pose alors pour cette famille meurtrie et peut-être aussi pour bien d’autres familles, la question de places qui se raréfient dans nos hôpitaux. Et la première question qui vient à l’esprit c’est : « Comment avec autant d’espaces libres sur le territoire abidjanais, il peut se poser un problème d’espaces dans les hôpitaux ? ». Certes, l’occupation des espaces obéit à des critères et demande des finances, mais tout de même ! Il est question ici de la santé publique qui, dit l’adage populaire, n’a pas de prix !

L’autre question qui vient à l’esprit est relative à la fermeture du Chu de Yopougon. Voilà quatre bonnes années que cet hôpital, inauguré en 1990 et qui faisait la fierté du pays, est fermé pour être réhabilité au bout de trois ans. Quatre bonnes années que la SETAO, entreprise de BTP et filiale du groupe Bouygues qui a eu ce contrat de 40,8 milliards de FCFA, réhabilite cet hôpital. Et il n’est pas certain, de l’avis de certains spécialistes, que d’ici quelques mois, l’on siffle la fin des travaux de réhabilitation prévue initialement pour seulement 3 ans.

Le jeudi 21 avril 2022, l’actuel ministre de la Santé, Pierre Dimba, au terme d’une visite du chantier, avait annoncé que les travaux étaient à 65% d’achèvement et espérait vivement qu’avant la fin 2023, les clés du nouvel édifice lui seront remises. Recevra-t-il effectivement lesdites clés ? Pas si sûr. Car il est pratiquement impossible à la SETAO de mettre un an pour finir 35% des travaux restants.

La fermeture du Chu de Yopougon pour réhabilitation, si elle fera du bien après les travaux, crée actuellement beaucoup d’ennuis aux populations du District d’Abidjan et principalement à celles de la commune de Yopougon. Car pour toute urgence, elles sont dans l’obligation de se référer aux hôpitaux qui sont hors de leur périmètre communal. Toute chose qui ne va pas sans leur causer d’énormes désagréments comme les embouteillages, le manque criant de lits et à la fin le désespoir.

Le Chu de Yopougon, c’est au total, selon les chiffres officiels, 450 lits, 26 services et un personnel administratif et soignant de 1500 personnes. Lors de sa visite de terrain rappelée ci-avant, le ministre Pierre Dimba a déclaré qu’en attendant la finition des travaux, des services complémentaires avec des équipements de pointe seront ouverts pour la prise en charge des nombreux patients invités depuis le 1er novembre 2019 à aller voir ailleurs.

Si ces services avaient été ouverts et avaient fonctionné comme il se doit, peut-être qu’ils auraient reçu et traité tonton Etienne. Et tonton Etienne ne serait pas mort dans des conditions atroces.

Abdoulaye Villard Sanogo

 

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