La chefferie traditionnelle du royaume d'Assinie craint d'être spoliée de ses terres
On croyait le débat clos. Mais, en réalité, le feu couvait. Et si l’on n’y prend garde, on pourrait aller vers un litige foncier entre deux royaumes frères et voisins : Essouma et Etuebouet. Cela, parce qu’un opérateur immobilier, la Société ivoirienne de minerais et de pelayaite-Holding (Scimap holding), a décidé de mettre à exécution son projet dénommé Île Bleue.
Le jeudi 6 juin 2024, réunis à la cour royale d’Assinie, les chefs de village ou leurs représentants ont dénoncé la tentative de relancer le projet : « Puisqu’il y a eu un statu quo, nous nous sommes dits que le problème était déjà résolu. Cette semaine, nous avons eu des échos (…) Nous avons appris que malgré notre insistance, le projet "Île Bleue" est encore relancé. Nous avons voulu vous appeler pour dénoncer cet état de fait », a lancé Ernest Kouassi, secrétaire du roi Awlaé Fian Mossou V qui a demandé à l’Etat d’intervenir.
Selon l’intervenant, quand ils avaient dénoncé les agissements de SCIMAP holding, tout s’était arrêté. Mais, depuis la semaine dernière, des témoignages rapportent que cette société est revenue à la charge avec des partenaires asiatiques.
L’origine de l’affaire
C’est le 9 novembre 2022 que le projet Île Bleue a été lancée. Ayant eu vent de cela, nous explique-t-on, les villages de la commune d’Assinie ont saisi par courrier le premier magistrat d’alors, Hippolyte Ebagnitchie, pour lui faire part de leurs préoccupations. « Nous, chefs de villages de la commune d’Assinie-Mafia, venons auprès de vous pour faire une opposition immédiate sur le projet de lotissement et de travaux d’aménagement d’un espace rural d’environ cinq mille (5 000) hectares, dans le cadre de la réalisation du projet dénommé Île Bleue », peut-on lire dans le courrier dont nous avons reçu copie.
A son tour, le maire a adressé un courrier au ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme pour l’informer de ce que l’opérateur immobilier situe le projet dans la sous-préfecture d’Etuebouet alors que huit des villages impactés par le promoteur font partie intégrante du ressort territorial de la commune d’Assinie-Mafia.
« Ni le maire ni le Conseil municipal et encore moins les services techniques de la commune (…) n’ont jamais été contactés par les promoteurs de ce qui semble être un projet clandestin. Pire, suite à des investigations réalisées par nos équipes techniques, il ressort qu’aucun dossier n’existe pour soutenir un tel projet », lit-on dans ce courrier datant du 7 novembre 2022.
Au dire du conférencier, en présence de Nanan Attoumani Ahémou, chef du village d’Assinie-Mafia et premier conseiller du roi, suite à un avis d’enquête de commodo et d’incommodo ouverte à la demande de la société SCIMAT-Holding, par la sous-préfecture d’Etueboué, MM Célestin Kouamé Ahouakan, Pascal Abizi Miezan, Michaël Azanin, Augustin Niamkey Assalé et Louis Avi Kacou avaient fait une opposition. Ils avaient même soutenu que la parcelle litigieuse est la propriété commune de leurs familles. Ajoutant que leurs parcelles sont dans la commune d’Assinie-Mafia et non dans celle d’Etuéboué et ont clairement signifié que cette société immobilière n’est ni propriétaire ni attributaire et encore moins cessionnaire desdites parcelles.
Les chefs de villages ne comprennent pas que ce projet ait été lancé sans une attestation des villages concernés. Ensuite, ils déplorent que des terres qui ont fait l’objet de lotissement par arrêté ministériel soient inclus dans ce projet sans l’avis des propriétaires terriens.
« Aujourd’hui, nous demandons à l’Etat de faire en sorte de surseoir à ce projet sinon nous serons spoliés de nos terres », plaide le royaume d’Assinie.
En 2018, l’érection d'Assinie-Mafia en commune a eu pour conséquence le reversement des villages impactés dans le royaume d’Assine.
Modeste KONE