Scolarisées ou déscolarisées, de nombreux jeunes filles sont obligées de travailler si elles veulent pouvoir continuer leurs études
La période des vacances représente pour certains élèves un moment de repos et de détente. Pour d'autres, c'est l'occasion de gagner de l'argent afin d'assurer la rentrée scolaire. Ils consacrent donc ces mois à des jobs de vacances. Parmi eux, de nombreuses jeunes filles s'adonnent au travail de filles de ménage. Pourquoi ne font-elles pas comme leurs camarades en consacrant leur temps de repos à des activités ludiques ? Pourquoi doivent-elles trouver de l'argent à la place de leurs parents pour la rentrée scolaire ? Incursion dans le milieu des filles scolarisées qui se transforment en femmes de ménage pendant les vacances scolaires.
Dans notre quête de réponses, nous avons approché certaines d'entre elles. Nous avons mis le cap sur Cocody, précisément à la Riviera Palmeraie, ce mardi 10 septembre 2024. Dans ce quartier, nous rencontrons Estelle, âgée de 19 ans, vêtue d'un tee-shirt et d'un pantalon noir, les cheveux attachés en chignon. Elle est fille de ménage dans l'une des maisons du quartier. Estelle nous explique qu'elle est originaire d'une ville de l'intérieur du pays où elle va à l'école. Son arrivée à Abidjan a pour but d'exercer ce travail de fille de ménage afin de se faire un peu d'argent pour aider ses parents lors de la rentrée scolaire. Elle dévoile qu'elle est payée à 40 000 FCFA par mois.
« J'ai commencé ce travail en juillet 2024. Je suis arrivée ici par l'implication de ma tante. Je surveille des enfants de 2 à 5 ans et je fais également la cuisine. Avec cet argent, je vais aider mes parents pour la rentrée. Cet argent m'aidera à payer mes tenues scolaires, mes fournitures et à avoir un peu d'argent de poche. Cette année, je vais faire la Terminale A2. C'est pour soulager mes parents que je fais ce job, pour ne pas tout leur laisser à charge. Tout va bien ici, j'ai de bons patrons, ils me traitent bien. Je vais bientôt retourner à l'école. Ils ont même acheté certains effets scolaires pour moi. J'ai beaucoup de chance d'être ici », nous confie-t-elle.
Des jobs de vacances pas faciles
À Cocody, SK, âgée de 18 ans, au teint bronzé, porte une camisole et un pagne noué à la hanche. Elle est également aide-ménagère et exerce dans un espace gastronomique en plein air. Selon ses dires, elle aide sa patronne à vendre dès 18h, et ce jusque tard dans la nuit. Elle dit être payée 35 000 FCFA.
« Je viens de l'intérieur du pays. J'ai commencé ici en juin, juste après les examens. J'ai décidé de venir à Abidjan pour gagner un peu d'argent pour la rentrée scolaire. Nous vendons tous les jours à partir de 18h, et nous restons ouverts tant que les clients sont là. Parfois, d'autres clients laissent des pourboires, ce qui m'aide aussi. Je vais en Première A. Vendre ainsi n'est pas facile, mais je m'accroche. Je suis heureuse de pouvoir retourner avec tout l'argent obtenu ici pour aider ma mère. Cela me rend fière de moi », nous dit-elle avec un sourire.
Jointe par téléphone, RE, 20 ans, aide-ménagère à la Riviera 3, partage son expérience : « Cela fait 4 mois que j'ai commencé à travailler ici. Dieu merci, je suis tombée dans une bonne maison, tout le monde est gentil. Je travaille dans de bonnes conditions. Je réside à Abobo, mais je suis venu ici pour gagner de l'argent pour la rentrée. Je vais faire la classe de Seconde. Ici, je suis payée 50 000 FCFA. Je mange et je dors sur place, ce qui fait que je ne paie le transport que les week-ends pour aller voir ma famille. Je surveille deux enfants âgés de 1 et 3 ans. Je m'occupe d'eux et tout se passe bien. À la rentrée, je pourrai aider mes parents et m'offrir ce dont j'ai besoin pour les cours », nous informe-t-elle.
Des projets divers
Charlotte, quant à elle, travaille comme fille de ménage pour aider ses parents à payer les frais liés à la rentrée scolaire pour ses petits frères, puisqu'elle-même n'est pas scolarisée. Cette jeune fille âgée de 22 ans est aide-ménagère dans une famille d'une cité à Bingerville. « Je fais ce métier pour aider mes parents à scolariser mes petits frères. Je suis avec cette famille depuis un an. Le travail n'est pas facile avec des enfants en bas âge, mais je suis obligée de le faire pour avoir de l'argent. Souvent, je me couche tard et je me réveille tôt, ce qui me fatigue. Je suis payée 60 000 FCFA, et parfois, la dame me donne un peu plus. Je suis bien nourrie et mes patrons ne sont pas trop exigeants. Avec cet argent, je vais scolariser mes frères. » Mais cette jeune femme, apparemment très courageuse, nous promet de reprendre elle-même les cours l'année prochaine. « Je reprendrai les cours. J'économise pour cela », nous rassure-t-elle après que nous l'ayons exhortée à poursuivre ses études.
Comme on peut le constater, la vie n'est pas facile pour de nombreuses jeunes filles qui sont obligées de travailler comme filles de ménage pour assurer soit leur scolarité, soit pour aider leurs parents à scolariser leurs frères et sœurs. Certaines ont même arrêté les cours pour s'adonner définitivement à cette activité qui ne rapporte certes pas gros (même pas le SMIG), mais qui est quand même une bouffée d'oxygène. Une situation qui met à mal la politique de scolarisation de la jeune fille tant prônée par les autorités. Vivement qu'une solution soit trouvée pour donner la chance à tout le monde, surtout aux jeunes filles. C'est une urgence, voire un impératif, pour un pays qui aspire au développement.
SF