Adjamé liberté après les déguerpissement
Vendredi 1er novembre. C'est le jour de la Toussaint. Adjamé Liberté reçoit une visite particulière : le « saint déguerpissement » du ministre-gouverneur Bacongo avec ses caterpillars (des engins de démolition bien connus par les populations ivoiriennes) protégés par des cargos de la police. Lorsqu'ils passent, ils laissent derrière eux débris de briques et autres gravats. Et Adjamé Liberté n'a pas échappé à la règle.
Lundi 4 novembre 2024. Trois jours après, le quartier Liberté affiche un nouveau visage. Les habitués de cet endroit sont surpris de voir cet espace, habituellement bondé, soudainement dégagé.
Le changement est palpable dès le groupe scolaire Carine CN pour tout visiteur qui vient d'Abobo. En pleine célébration de la Toussaint, le quartier a subi un déguerpissement massif. Magasins, étals et même certains arbres n’ont pas échappé aux bulldozers déployés par Bacongo. Dans un reportage express, nous nous sommes rendus au cœur de ce « nouveau Adjamé Liberté » pour observer les impacts de cette opération.
Dès le matin, le quartier, connu pour son agitation, affiche un tout autre visage. Les habitants qui descendent des gbakas (mini car), sont abasourdis par ce qu’ils voient. Une femme, complètement ahurie, s’exclame dans un jargon bien ivoirien : « Ahi, donc ils ont cassé ici aussi ! ».
Du collège Carine CN au rond-point de la Liberté, le paysage est méconnaissable. À gauche comme à droite, des magasins et des étals sont détruits. Mais le plus surprenant est la transformation du rond-point de la Liberté. Ici, le « saint déguerpissement » s’est véritablement déchaîné. Comme un exorciste chassant les mauvais esprits, les bulldozers ont tout libéré, y compris les infrastructures publiques.
Les toilettes publiques construites à droite, sont complètement rasées, laissant un vide frappant comme si elles n’avaient jamais existé. Plus étonnant encore, c’est que certains passants continuent à s’arrêter là où ces toilettes se trouvaient, et, malgré la présence des forces de l’ordre, se soulagent comme si de rien n'était.
Les voitures passent sans s’arrêter à feu tricolore, celui-ci étant hors de service. Un peu plus loin, un autre feu tricolore est incliné et l’une des cases, détachée certainement par la brutalité du choc, est suspendue.
Un homme de taille moyenne, vêtu d’un pagne, s’arrête près du feu, les mains sur les hanches, et exprime son désarroi dans un langage familier ivoirien : « Hum, ils ont nettoyé ici hein. Comment les gens-là vont faire maintenant ? Même les feux tricolores n’ont pas été épargnés. La statue du président Félix Houphouët Boigny n’a même pas pu résister, c’est le déguerpissement aussi ? ».
Sur la voie principale, le terre-plein installé par la mairie au centre de la Liberté pour améliorer la visibilité et instaurer un ordre routier, a disparu. Il n'a malheureusement pas échappé à la force destructrice des bulldozers.
L'autre constat est que les conducteurs de tous engins motorisés qui empruntent cette voie, sans aucune garantie de sécurité désormais, roulent de manière désordonnée, créant une situation chaotique pour les piétons.
Quant aux vendeurs à la sauvette, ils occupent toujours les abords des voies, malgré les déguerpissements et les avertissements de la mairie d’Adjamé.
DK