Impact de l'autoroute de Dabou : des infrastructures modernes, mais à quel prix pour les populations ?





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L'autoroute de Dabou vise à améliorer la connectivité entre les grandes villes du pays et à stimuler le développement économique de la région



Abidjan, capitale économique de la Côte d'Ivoire, connaît depuis plusieurs années un essor économique et urbain impressionnant, marqué par la construction de nouvelles infrastructures routières. Parmi ces projets, l’autoroute de Dabou, inaugurée fin 2023, est censée désengorger les routes, améliorer la mobilité des populations et soutenir la croissance économique de la région. Mais si certains vantent ses bienfaits, d’autres estiment que cette infrastructure, bien que moderne, apporte avec elle des défis économiques importants pour les habitants des zones périphériques.

Un projet au service de la mobilité et de l'économie

Le projet de l’autoroute de Dabou, long de 19 kilomètres, relie désormais Abidjan à Dabou, en passant par les communes de Yopougon et Songon. Il avait pour objectifs d’améliorer la circulation, de réduire le temps de trajet entre Abidjan et ses banlieues, et d’offrir une meilleure accessibilité aux zones périphériques. L’Etat ivoirien, avec l’aide de la Banque Africaine de Développement (BAD), a investi près de 66 milliards de FCFA dans ce projet, qui a été conçu pour désengorger la sortie ouest d’Abidjan. Auparavant, le trajet entre Abidjan et Dabou pouvait durer jusqu’à deux heures ; aujourd’hui, grâce à l'autoroute, il ne prend plus que 30 minutes.

Les bénéfices : gains de temps et plus de sécurité

L'une des principales promesses de l’autoroute a été de réduire les embouteillages. Le projet a réussi à répondre à cette problématique en permettant une circulation fluide, en particulier aux heures de pointe. En outre, les travaux ont également permis d’améliorer la sécurité des usagers grâce à l’installation d'éclairage public, de passerelles pour piétons et de protections le long des voies.

Un habitant de Yopougon déclare : « Avant, il fallait presque deux heures pour arriver à Dabou. Maintenant, c’est moins de 30 minutes ! C’est un soulagement pour nous, surtout quand on doit voyager pour des affaires ou voir la famille. »

Des coûts de transport et de logement en hausse : une réalité préoccupante

Cependant, ce gain en mobilité s’accompagne de certaines conséquences économiques difficiles à ignorer. En effet, si l’infrastructure a amélioré la fluidité du trafic, elle a également engendré une hausse significative des coûts de transport et des loyers dans les zones touchées.

Les transporteurs de Gbaka, ces minibus qui assurent la liaison entre Abidjan et Dabou, ont rapidement augmenté leurs tarifs. Le prix du trajet, qui était auparavant de 500 FCFA, a grimpé à 800 FCFA, voire 1000 FCFA. Ce changement n’est pas passé inaperçu, et de nombreux habitants ont exprimé leur mécontentement. « Comment expliquer une telle augmentation ? On nous a dit que l'autoroute allait rendre notre vie plus facile, mais les transporteurs en profitent pour augmenter les prix sans raison valable », déplore un habitant de Dabou.

Les taxis communaux, appelés Woro-Woro, ont également réagi en augmentant leurs tarifs. De 100 FCFA pour un trajet entre Gesco et le Marché Bagnon, le prix est passé à 300 FCFA. Une autre conséquence de la construction de cette autoroute semble être la hausse des loyers. À Songon, un quartier autrefois abordable, les prix des logements ont considérablement augmenté, ce qui pousse certains habitants à remettre en question la viabilité de leur installation dans la zone. Un résident témoigne : « Les loyers sont devenus presque aussi chers qu’à Abidjan. Une maison de deux pièces se loue désormais à 80 000 FCFA, et c’est de plus en plus difficile pour les familles avec des revenus modestes. »

Les autorités appelées à une régulation urgente

Une question se pose désormais : comment concilier les avantages apportés par l’infrastructure avec les effets collatéraux négatifs sur le pouvoir d’achat des populations ? Si la Côte d'Ivoire œuvre pour une modernisation de ses infrastructures, il est crucial que les autorités veillent à ce que ces améliorations n’entraînent pas un alourdissement des charges économiques des citoyens.

Les hausses de prix des transports et des loyers risquent de décourager les populations de s’installer dans ces nouvelles zones, et ainsi de contrarier l’objectif initial du projet, qui était de décongestionner Abidjan et de promouvoir une croissance équilibrée entre la capitale et ses banlieues.

Une fonctionnaire, habitant d’Abidjan, soulève un point pertinent : « Si je dois payer plus pour le transport et le logement, pourquoi aller vivre à Dabou ou Songon ? Je préfère rester à Abidjan, même si cela signifie vivre dans des conditions plus difficiles. »

Un projet à réévaluer pour un développement durable

L’autoroute de Dabou, dans son ensemble, est un atout incontestable pour le développement économique de la Côte d'Ivoire. Elle facilite la mobilité et réduit la congestion, contribuant ainsi à la compétitivité de la ville d'Abidjan. Toutefois, il est impératif que les autorités prennent en compte les répercussions économiques de ces infrastructures sur le quotidien des populations locales. Des mesures pour réguler les hausses des tarifs de transport et des loyers s’avèrent nécessaires afin que les bénéfices de ce projet profitent réellement à tous les Ivoiriens, et non à une poignée d’acteurs économiques.

Les citoyens espèrent que les pouvoirs publics prendront les mesures nécessaires pour limiter les augmentations abusives, afin de garantir une meilleure qualité de vie à tous les habitants de ces zones, tout en préservant l’esprit du projet de développement d’Abidjan et de ses périphéries.

Gaël ZOZORO

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