Attécoubé : Le préfet d’Abidjan agressé





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Le préfet d’Abidjan, Vincent Toh Bi Iris,  a été victime d’agression, à Attécoubé,  lors des manifestations qui s’y sont déroulées, il y a quelques jours. Il a reçu une pierre à l’œil. 
On se souvient que les populations avaient manifesté pour protester contre l’insécurité dans leur cité. Les forces de l’ordre étaient intervenues pour les disperser à coup de gaz lacrymogènes. 
Pressecotedivoire.ci vous propose l’intégralité du récit du préfet d’Abidjan lui-même. 

RÉSEAUX SOCIAUX ET ADMINISTRATION 

Lors des événements à Attécoubé le lundi passé et face à la dégradation de la situation, il m’a paru nécessaire d’arriver personnellement sur le terrain, afin de coordonner les actions pour un retour au calme, en ma qualité de premier responsable administratif du Département d’Abidjan et de ses 13 Communes. Il n’était plus possible de gérer la situation à partir des bureaux de la Préfecture d’Abidjan.
Une fois sur place, j’ai fait installer un PC de crise. 
Mais la marée de jeunes était déchaînée et violente. Dans de telles situations, les forces de l’ordre effectuent leur protocole de gestion démocratique des foules pour lequel elles ont été très bien formées. 
J’avais à mes côtés les responsables de Police et de Gendarmerie les plus expérimentés du pays. 
Cependant, la foule de jeunes avançait de façon compacte et agitée. Toute intervention ou toute bousculade auraient eu des conséquences incontrôlables.
J’ai donc pris la décision difficile mais nécessaire de descendre dans la rue, de faire face et de parler aux jeunes en colère, malgré les risques. 
Dans la foulée, un jeune surexcité m’a jeté une pierre sur l’œil droit qui est resté tuméfié. 
Je n’ai aucun penchant pour l’héroïsme célébré à titre posthume. Mais la situation était critique. Un responsable administratif qui fuit n’est pas dans sa bonne vocation.
J’ai donc engagé le dialogue et ai demandé aux jeunes dans le brouhaha de constituer une délégation de 50 personnes avec qui je pourrais discuter. 
J’ai reçu les jeunes quelques minutes plus tard à la Mairie d’Attécoubé. Je leur ai donné des gages pour la résolution de certains des problèmes qui relèvent de ma compétence administrative. En contrepartie, je leur ai demandé de retourner dans les rues pour calmer leurs amis. 
Au bout de 2 heures, le calme est revenu. Les forces de sécurité m’ont ensuite accompagné à pied à travers les rues pour parler aux populations et nous assurer que les poches de violence avaient disparu.
Je fais ce témoignage pour signaler l’importance des réseaux dans la gestion administrative, car j’ai demandé aux jeunes de s’adresser à leurs amis par les réseaux sociaux, ce qu’ils ont fait.
Les réseaux sociaux sont devenus un outil de gestion administrative important.  
Il n’y a aucune administration publique dont l’objectif général ne soit pas de façon immédiate, lointaine ou proche, discrète ou ouverte, officielle ou officieuse la population. 
Il faut donc s’ouvrir à cette population par tous les moyens de communication.
Si nos populations lettrées ou non ne s’informent que par ce canal, c’est par ce canal que nous devons savoir ce qui les préoccupe et aussi leur communiquer les actions et décisions gouvernementales.
L’expression “réseaux sociaux“  éveille la répugnance de certains, y compris dans ma proximité professionnelle. C’est bien dommage. 
Nous passerons à côté de la plaque si nous n’allons pas au rythme de l’évolution de nos populations.  
Comment pourrais-je gérer Abidjan, l’une des populations les plus digitalement et électroniquement actives du monde si je ne vais pas à leur rencontre sur les réseaux sociaux et si je me contente de mon douillet bureau ?
Les temps ont changé. Notre mode d’administration des communautés doit aussi évoluer beaucoup plus vite. Les réseaux sociaux sont devenus l’arbre à palabres du village, la place publique où se communiquent les décisions, mais où se forgent également les opinions sur la vie de la communauté. 
À l’échelle de l’urbanisation de nos villes et de la démographie galopante, Facebook est devenu le griot ou encore le crieur public qui relaie les messages strictement utiles à la communauté.
Faute d’utiliser intelligemment ces médias, nous nous laisserons dépasser par ceux-là même pour qui nous sommes à nos postes respectifs.
Étaler sa vie privée sur les réseaux sociaux est un choix de vie de certains et il faut respecter la “démocratisation“ de leur vie intime. C’est leur droit que leur confèrent la Constitution et les Lois de la République de Côte d’Ivoire. Il faut les laisser jouir de leurs droits.
Mais tenir les populations informées de la vie publique par les réseaux sociaux, c’est les impliquer dans ce qui les concerne et provoquer de fait ce que les Anglophones appellent “the ownership process“, c’est-à-dire une appropriation collective par la population des initiatives publiques.
Inversement, les populations doivent utiliser ces réseaux sociaux, entre autres, non comme un outil de propagande déstabilisatrice ou de perturbation de la vie sociale, mais plutôt comme un moyen d’échange avec les décideurs.
Utilisons donc les réseaux sociaux avec un peu plus de responsabilité et de courage de part et d’autre de la frontière Administration/Population.

 

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