Mon courrier à Monsieur le président de la République





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Au cours de votre interview télévisée du 6 août dernier, vous avez souhaité que l’on vous écrive pour vous signaler tout manque d’eau dans toute localité de plus de 1000 habitants.

Monsieur le président de la République,

 Mon courrier ne sera pas forcément déposé auprès de vos services, car je garde l’espoir qu’à travers ces colonnes, son contenu vous parviendra.

D’abord, je voudrais vous souffler que l’objectif de cette interview a échappé à peu de téléspectateurs. Très vite, l’orientation des premières questions posées par l’interviewer, notre talentueux confrère et aîné Brou Aka Pascal, nous a édifiés sur le caractère très institutionnel de cet entretien télévisé.

Nous avons compris que pour vous adresser à la Nation à l’occasion du 59e anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, vous avez préféré cet échange télévisé à bâton rompu pour répondre avec plus de précisions aux critiques des Ivoiriens, converties en questions. Car la solennité de l’adresse à la Nation sous sa forme habituelle, ne vous aurait pas permis, comme vous le souhaitiez visiblement, de vous défendre longuement sur des sujets brûlants de de l’actualité tels que la récente rencontre Bédié-Gbagbo en Belgique, rencontre que vous auriez tenté de saboter, selon le confrère Jeune Afrique.

En outre, vous avez profité des questions préparées par le journaliste, pour rappeler aux Ivoiriens que vous pensez pouvoir faire acte de candidature en 2020 pour un troisième mandat présidentiel consécutif. L’une des questions sur une mystérieuse rumeur relative à une probable modification de la constitution, vous a aussi donné l’opportunité d’annoncer des changements que vous prévoyez de faire dans le texte adopté par référendum en 2016.  

Vous avez répété votre autosatisfaction concernant la croissance économique. Dans une longue parenthèse que vous n’auriez pu ouvrir dans un discours linéaire, vous avez répondu à la   grogne récurrente des populations sur le faible impact de cette croissance sur leur quotidien. Vous avez alors affirmé que le revenu des Ivoiriens a augmenté de 40% depuis votre arrivée à la tête du pays. Ce chiffre continue d’ailleurs d’animer la polémique. Beaucoup de vos concitoyens trouvent qu’il est simplement imaginaire.

Venons-en maintenant à votre surprenant appel à vous écrire sur les problèmes d’eau, appel à l’origine de notre lettre. Là aussi, nous avons vu une réplique à une offensive de Guillaume Soro, l’ex-PAN devenu votre adversaire politique. 

En effet, sa tournée dans la région du Hambol en avril-mai dernier, a mis à nu la misère de milliers de citoyens encore privés d’eau potable. Il a offert des pompes et des écoles à plusieurs villages qui n’en disposaient pas. Quelques jours après son passage, vos émissaires ont parcouru les mêmes contrées pour « effacer ses traces ». Dans la foulée, une vaste opération d’adduction d’eau est subitement sortie des tiroirs du gouvernement. Mais face à Brou Aka Pascal, vous êtes apparu convaincu que le manque d’eau subsiste dans différentes régions du pays, et que la galère vécue par les victimes pourrait être exploitée à nouveau par vos adversaires politiques. Vous avez donc demandé, comme s’il n’existait plus de collectivités décentralisées censées connaître et résoudre ces problèmes, que l’on vous écrive directement pour vous les signaler. Au lieu de me rassurer, cet appel m’inquiète, et j’en suis sûr, il inquiète d’autres Ivoiriens.

Nous y avons vu un aveu d’impuissance d’un chef d’Etat qui réalise sur le tard, l’immensité d’une soif d’eau que presque dix ans de pluie de milliards n’ont pu étancher. Et le comble, cette triste réalité touche aussi bien des villages, des campements, que des agglomérations. Un cas parmi tant d’autres, c’est celui de Sagbé. 

Au moment où vous parcourez ces lignes, les milliers d’habitants de ce quartier situé à cinq minutes de voiture de la mairie d’Abobo, n’ont pas d’eau dans leurs robinets. Au mois de mars dernier, ils révélaient à notre équipe de reportage que le liquide précieux n’a jamais coulé chez eux depuis plusieurs années. Malgré cela, les chefs de famille reçoivent des factures qu’ils s’efforcent de payer « pour ne pas perdre » leur abonnement.

Dans l’espoir d’une suite favorable, et en attendant de vous montrer d’autres cas dans des prochains courriers, nous assurons, monsieur le Président de la République, de tout notre respect et notre considération dus à votre rang. 

  

Cissé Sindou      

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