Sidiki Bakaba a été honoré à l’édition 2020 du Festival des Ecrans noirs qui s’est déroulée du samedi 31 octobre au samedi 7 novembre au Palais Polyvalent des Sports de Yaoundé.
Il y est arrivé, comme un chef, d’un pas assuré et brille du charisme de ceux que plus rien n’ébranle, avec un chapeau de cowboy et des lunettes aux couleurs du Festival.
Cet honneur lui a été fait à cause de sa longue et riche carrière de cinéaste et d’homme de culture. En effet, acteur, scénariste et réalisateur, le Franco-Ivoirien âgé de 72 ans est l’un des plus prolifiques de sa génération.
Tout commence en effet pour "Bakabousse" (comme l’appelle Gérard Essomba, un autre géant du cinéma africain) par une passion indicible pour le théâtre et un amour presqu’irrationnel pour la langue française. Sans doute est-il influencé par de belles voies telles Douta Seck, Bachir Touré, Toto Bissainthe… Mais, il est hors de question pour ce fils et petit-fils de marabouts, de déclarer sa flamme pour les planches. N’eût-été alors l’intervention énergique d’un oncle maternelle, comme l’a fait pour Samba Diallo, la Grande Royale, Sidiki Bakaba ne serait pas allé poursuivre ses études secondaires à Abidjan où il peut enfin donner libre cours à sa passion.
Déjà en 1962, quand, à l’âge de 13 ans, le jeune ambitieux entre à l’école d’art dramatique d’Abidjan où il fait ses premiers pas dans "Un nommé Judas" de Louis Sapin. Depuis lors, le féru d’équitation et de trapèze n’est jamais redescendu de son nuage.
Ainsi, de "Visages de femmes" de Désiré Ecaré en 1972 à "Yafa" (le pardon) de Christian Lara en 2018, Sidiki Bakaba a contribué, à différents niveaux, à la production de près de 25 œuvres cinématographiques, décrochant au passage autant, sinon plus de distinctions. A son l’actif, il y a des rôles remarqués dans "Bako, l’autre rive" de Jacques Champreux en 1977, dans "Le professionnel" de Georges Lautner en 1981 où il partage même l’affiche avec Jean Paul Belmondo, ou encore dans "Les guérisseurs" qu’il réalise en 1988.
Grâce à son talent et sa capacité à se réinventer, l’acteur incarne à l’écran depuis 1972 plusieurs personnages. Il peut ainsi jouer un commissaire dans "Roues libres" (2002), ou un intellectuel acculturé dans "L’aventure ambiguë", projeté pendant le Festival. C’est sans doute un autre hommage à l’immortel Manu Dibango qui a composé la musique du film et avec qui il avait une relation spéciale. Du reste, il est difficile de ne pas relever les similitudes entre le héros de l’œuvre de Cheick Hamidou Kane, Samba Diallo, et Sidiki Bakaba qui l’incarne à l’écran.
Pour dire le moins qu’on puisse dire, Sidiki Bakaba est un personnage pluriel car après avoir joué et réalisé plusieurs chefs d’œuvre, il transmet sa passion et son savoir-faire à la jeune génération.
Aussi, depuis 1972 de fait, l’ancien étudiant de l’Institut national des arts d’Abidjan y enseigne l’expression corporelle. Mais il le fait également à Paris où il s’est exilé avec son épouse depuis la crise post-électorale de 2010 en Côte d’Ivoire.
Avant cet exil, Sidiki Bakaba a dirigé de 2000 à 2011 le Palais de la Culture d’Abidjan, où il a créé l’Actor Studio. De sa voix charismatique, il a d’ailleurs donné un aperçu de son expertise lors d’un Master class aux Ecrans Noirs 2020. Pour le reste, le monument et la mémoire du cinéma africain est de nouveau à l’affiche d’un film. Avec Belmondo l’influenceur dont la première est prévue le 10 novembre 2020 sur Paris Première, Sidiki Bakaba entre encore plus au Panthéon du cinéma français, africain et mondial.
Solange ARALAMON