Pesage des véhicules de transport de marchandises : Il y a problème sur le site d’Allokoi





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Par un contrat de subdélégation, en date du 04 octobre 2017, le Fonds d’entretien routier (FER) a délégué à la société Afrique Pesage le financement, l’installation, l’exploitation, l’entretien et le renouvellement de station fixes et mobiles de pesage sur le réseau routier ainsi que la gestion de tous les biens affectés ou nécessaire à l’exploitation desdites stations. C’est donc fort de cette mission que cette entreprise veille à l’application du règlement 14 de l’union économique et monétaire ouest-africaine à différentes stations de pesage dont Bonoua, Anyama, Allokoi, Yamoussoukro et Ouangolo.

Allokoi : le site à problème

S’il n’y a pratiquement pas de griefs, si l’on en croit les transporteurs, aux autres stations de pesage, il n’en est pas de même pour celle d’Allokoi. La plupart des usagers rencontrés se plaignent de ce qu’une "véritable mafia" serait en train de s’y développer pour les faire payer plus cher.
Selon un chauffeur d’un véhicule de transport de marchandises inter-Etats, il y a toujours une différence de poids entre les stations de pesage de Bonoua et d’Allokoi. "Quand on finit la pesée à Bonoua, arrivé à Allokoi, on nous accuse toujours d’avoir un surplus de 10 tonnes voire 15 tonnes et plus à Allokoi", révèle-t-il. A titre d’exemple, il a cité un cas qu’il a vécu : "A Bonoua, on a pesé mon camion. J’ai fait moins de 2 h pour rallier la station d’Allokoi. Une fois sur place, on me dit qu’il y a un surplus de poids de 15 tonnes. Comment, un gros camion comme le mien, peut s’arrêter, faire une charge supplémentaire de 15 tonnes et reprendre la route pour arriver à Allokoi en 2 h de temps. C’est impossible". Ce qui, fait-il savoir, peut entraîner des surcoûts de 2 millions FCFA. La solution, révèle notre interlocuteur, c’est de négocier avec les agents sur place, pour payer 100 000 FCFA ou 200 000 FCFA et continuer son chemin.
Son collègue avec qui nous nous sommes entretenus également ne dit pas le contraire. Il préfère même nous expliquer un cas pratique.
"Un jour, la pesée à Bonoua donnait un poids de 74 tonnes. J’ai démarré à 23 h 15 et à 1 h du matin, j’étais au pesage d’Allokoi. Après la pesée de vérification, on m’informe qu’il y a un surplus de 30 tonnes. J’insiste pour leur dire que le problème provient de leur bascule. On me demande de faire une autre pesée. Cette fois, l’ordinateur marque 101 tonnes, soit 3 tonnes en moins. Je conteste toujours. L’affaire remonte au FER. J’exige une autre bascule. Ce qui est fait et on obtient un poids de 95 tonnes. Soit 9 tonnes en moins que la première pesée d’Allokoi. Et pendant tout ce temps, le camion est resté immobilisé pendant 7 jours. Vous voyez le manque à gagner. Mais malgré cela, Afrique Pesage insiste pour dire qu’elle a une bascule unique en son genre. Il est temps que le FER qui lui a confié cette mission y jette un regard. Sinon, ce sont les véhicules de transport de marchandises qu’on tue à petit feu", témoigne-t-il.

Pour Afrique Pesage, la faute est aux transporteurs

De son coté, Afrique Pesage explique que son rôle est de contribuer à la protection des infrastructures routières et favoriser les échanges commerciaux entre la Côte d’Ivoire et les autres Etats. L’entreprise n’a donc pas intérêt à manipuler les chiffres. Car, explique-t-elle, il n’y a que les frais de pesage (2 000 FCFA) qui lui revient, les autres frais revenant à l’Etat à travers le FER. Brou Didier, Directeur administratif et financier, Dosso Vagouma, Directeur des opérations, Djédjé Marcel, statisticien, Koi Roselyne, Directrice technique et informatique et Doh Franck, responsable statistique et perspectives et Soro Souleymane, responsable qualité, avec qui nous avons eu une séance de travail, ont expliqué que le site d’Allokoi est indexé parce qu’il est celui qui a le plus grand flux de véhicules (entre 800 et 900 camions pesés par jour).
"Plusieurs camions qui ont des tickets de pesée, se permettent de charger en route. On parle d’amende lorsque le camion est en surcharge. En plus, il y a des transporteurs qui manipulent leurs véhicules avec l’espoir d’avoir un plus avantage sur le poids toléré. Or, nos installations détectent automatiquement ce genre de choses", ont-ils expliqué.
"Notre activité est complexe et il n’est pas forcément facile d’avoir l’adhésion de transporteurs qui veulent avoir des comportements de mafieux", fait savoir M. Doh. Qui précise : "Ce n’est pas parce que des agents sont véreux que c’est tout Afrique Pesage qui est mauvais. Ce n’est pas aussi parce que certains transporteurs sont des corrupteurs que tous les transporteurs sont mauvais. Tous les syndicats de transporteurs sont des partenaires techniques. Nous demandons donc aux transporteurs de dénoncer les brebis galeuses".

La corruption : le vrai problème

Il a surtout fait remarquer que c’est un système créé par des agents et des chauffeurs de camions. Mais, selon lui, c’est le jour où ils n’arrivent plus à s’entendre que la Direction est saisie.
M. Dosso a reconnu que des agents ont déjà été renvoyés pour des fraudes et que la direction d’Afrique Pesage ne badine pas sur ça. Il a révélé que les efforts se poursuivent pour rendre le système plus efficace. "Nous allons vers l’autonomisation de nos sites", a-t-il fait savoir.
En attendant cette automatisation, Afrique Pesage et les transporteurs se jettent la pierre. Et le site de pesage qui semble posé problème demeure celui d’Allokoi. Le Fonds d’entretien routier (FER), structure étatique, qui a délégué à cette entité privée une partie de ses prérogatives devrait sortir de son mutisme pour y jeter un coup d’œil afin de fixer les responsabilités.

Modeste KONE

 

Encadré : Afrique pesage : assumez !!!

Dans cette affaire où Afrique pesage et les transporteurs de marchandises se jettent la pierre, un seul fléau revient de manière récurrente : la corruption. Afrique pesage ne nie pas qu’il y a, en son sein, des brebis galeuses. Certains ont même été renvoyés. Des responsables de l’entreprise l’ont clairement signifié. Les chauffeurs de camion ne nient pas aussi qu’il leur arrive de graisser la patte à des agents présents sur les sites de pesage afin de continuer leur chemin et éviter des retards de livraison. Ne dit-on pas que le temps c’est de l’argent ? Dans tous les cas, il y a corrupteurs (transporteurs) et il y a corrompus (agents d’Afrique pesage).
S’il est vrai que, sous nos tropiques, les transporteurs n’hésiteront jamais à "mouiller la barbe" à des agents afin de bénéficier de faveurs et par la même occasion accroître leurs bénéfices, il n’est également pas faux qu’un agent véreux se laissera toujours corrompre. A la différence que ce dernier appartient à une entreprise régulièrement constituée et y est salarié. Il rend donc compte à sa hiérarchie. Ce qui n’est pas forcément le cas pour les transporteurs dont beaucoup travaillent dans l’informel.
Dans cette affaire de corruption donc, s’il y a un grand perdant, c’est inéluctablement Afrique Pesage qui doit tout mettre en œuvre pour extirper de ses rangs les brebis galeuses. Car, un contrat de subdélégation n’est pas éternel et peut être rompu à tout moment s’il est démontré que le concessionnaire a du mal à lutter contre un fléau comme la corruption.
Afrique pesage travaille par délégation pour le FER qui est une entreprise qui rend compte à l’administration publique. Et les Etats ne voient que leurs intérêts (qui sont ici les échanges commerciaux avec les autres pays) qu’ils n’accepteront jamais d’être menacés par la faute d’un entrepreneur privé. Fut-il Afrique Pesage. Comme le dit l’adage africain "il faut nettoyer devant chez soi pour avoir raison du scorpion". Espérons que cette entreprise fera sienne cette sagesse africaine.

Modeste KONE

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