Que va faire Macky Sall maintenant?





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le journaliste ivoirien AVS



C’est sans doute le plus dur. Se trouver à un carrefour sans aucune indication et avoir à choisir entre trois voies : celle de la gauche, de la droite et du milieu qui va tout droit. Le président sénégalais Macky Sall est à un carrefour depuis quelque mois et il lui faut choisir. Que va-t-il faire ? où va-t-il aller ? tout droit ? à droite ou à gauche ou bien faire demi-tour ?

Une chose est sûre et même certaine. Nous qui sommes assis devant nos écrans radars (ce qu’il n’a pas au carrefour) voyons clairement et distinctement la voie la meilleure, la moins mauvaise et la pire. On sait qu’aller tout droit est plus rapide que tout sauf que c’est aller dans le mur en béton dressé devant et que même une bombe américaine de dernière génération ne pourra détruire. Par contre, les voies qui mènent à gauche ou à droite sont longues et difficiles mais évitent le mur en béton. Que faire alors ?

Simple. Faire faire un demi-tour à son véhicule et rebrousser chemin. Il bénéficiera ici de tous les avantages. Il connaît le chemin, maîtrise les dos d’âne, les sens interdits et n’aura pas à se torturer les méninges s’il parvient à un carrefour. Parce qu’ici, il y a toutes sortes de panneaux qui lui indiquent la voie qui mène à sa destination finale.

Les événements tragiques que vit le Sénégal auraient pu être vus comme dépassant l’entendement humain si, depuis 2021 et loin derrière 2012, ce pays naguère stable n’avait pas fait le malheureux choix de faire la course avec les Républiques bananières. Au point qu’aujourd’hui, le Sénégal est taxé de République « arachidière ».

 

Si l’on observe bien, le fruit défendu que certains tiennent à manger s’appelle « troisième mandat ». C’est lui qui fait le malheur du Sénégal et ses enfants. Combien de fois va-t-on expliquer que les Constitutions ne veulent pas qu’un élu à la tête du pays s’asseye trois fois de suite dans le fauteuil qui lui est réservé ? Les peuples et leurs Constitutions disent que quand un individu s’est assis une fois (5 ans), deux fois (10 ans), il ramasse ses bagages et s’en va comme sont partis Issouffou du Niger et Buhari du Nigeria.

Répétons. Même si l’individu en question procède, chemin faisant, à la révision de la Constitution, le terme ne pas « s’asseoir plus de deux fois dans le fauteuil » n’est pas révisé. Le peuple sénégalais est imprégné de cette disposition constitutionnelle que tente de froisser son président. Il est si amer avec lui qu’il se souvient qu’en 2012, il était dans la rue avec Macky Sall, luttant et offrant sa poitrine afin de faire reculer Abdoulaye Wade, qui se trouvait être le mentor de Sall et qui voulait marcher sur le peuple.

Les propos que tenaient l’opposant Sall pour galvaniser les populations résonnent encore aujourd’hui dans les oreilles des jeunes et vieux qui battent le pavé afin de sauvegarder la démocratie dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, spécialiste des troisièmes mandats. Rappel. En 2012, lors d’une manifestation populaire, devant les caméras du monde, il déclare : « Tant que le président sortant Abdoulaye Wade persiste dans sa volonté de vouloir (sic) briguer un troisième mandat, bien entendu, le pays sera bloqué ». Le 13 mars de cette même année, il tweete : « Lorsque l’essentiel est en danger, s’opposer est un devoir ».

Pour les Sénégalais qui bravent les intempéries et les armes des forces de l’ordre en arpentant les rues, « l’essentiel (la Constitution, la volonté du peuple) est en danger » et « s’opposer devient un devoir ». Parce que le président sortant Macky Sall persiste dans sa volonté de briguer un troisième mandat. Sa stratégie et sa tactique sont connues de tous. Il procède toujours, en s’appuyant sur la justice, par l’élimination du ou des adversaires les plus craints. Ainsi de Karim Wade et de Khalifa Ababacar Sall, condamnés à la prison ferme avant le scrutin présidentiel de 2019.

En cherchant par tous les moyens (une décision de justice fort contestable) à envoyer son principal opposant derrière les barreaux pour espérer en jouir abondamment en 2024, il ne fait que donner un sens à l’adage qui conseille de ne pas changer une équipe ou un plan qui gagne. Sauf que le moment et la cible sont mal choisis car ils dévoilent son plan secret et réveillent par la même occasion son peuple qui n’en peut plus de subir de telles injustices.  

Le mercredi 31 mai 2023, le chef de l’Etat sénégalais lançait le dialogue national censé ramener la paix dans le pays. Dans son allocution, il s’est offusqué de ce que l’opposition veuille l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2024 pour un troisième mandat. Alors que l’opinion n’a de cesse de l’inviter à déclarer qu’il ne sera pas candidat à cette élection, il a plutôt jeté de l’huile sur le feu : « Si les gens ne veulent pas que je fasse un autre mandat, ils doivent me le demander gentiment car nul ne peut me forcer ».

Dans cette déclaration, il y a un peu de tout. D’abord, Macky montre clairement à son peuple qu’il se prépare effectivement à se placer sur le starting-block avec les autres candidats. Ensuite le président sénégalais n’est nullement préoccupé par la Constitution qui limite les mandats à deux. Il se croit dans ses droits et estime que pardon doit lui être demandé pour qu’il accepte gentiment de se retirer. Parce que, selon lui, nul ne peut le forcer, la Constitution y comprise. Toutefois, c’est pour nous une porte qu’il entrouvre, un signal qu’il envoie aux hommes et femmes de bonne foi afin qu’ils engagent des discussions secrètes avec lui.

Fera-t-il demi-tour pour rebrousser chemin ? s’entêtera-t-il à aller dans le mur de béton ? prendra-t-il la voie de la gauche ou de la droite ? Notre souhait est que ce papier ou son résumé lui arrive dans le creux de l’oreille et qu’il prenne la sage décision de rebrousser chemin. C’est à ce prix que le président Sall sortira son pays de la souillure dans laquelle il l’a plongé. Ainsi l’Afrique vaincra cette sale maladie qu’est le 3ème mandat.

Abdoulaye Villard Sanogo

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