En esquissant ces pas de danse à Aboisso, Tidjane Thiam démontre qu'il demeure proche des réalités ivoiriennes
C’est sa façon de communiquer. Le président du PDCI-RDA qui voit pleuvoir sur lui une salve de critiques relativement à sa longue absence du pays, ce qui aurait distendu sa relation avec les réalités de la Côte d’Ivoire nouvelle, ne va pas chercher midi à quatorze heures pour apporter une réponse cinglante à ses détracteurs. Dans un premier temps, le vendredi 17 novembre 2023, lors du dépôt de sa candidature à la présidence du PDCI au siège du parti, il a surpris tous les militants du vieux parti rassemblés en entonnant en baoulé (langue de sa génitrice) une chanson qui rythmait les marches de la garde républicaine. Pour montrer sans doute que même éloigné du pays pour des raisons de travail, il reste scotché aux réalités du terroir.
Dans un second temps, toujours devant les militants réunis, samedi 21 décembre 2024, cette fois en meeting à Aboisso, dans le sud-est ivoirien, il a encore surpris plus d’un lorsqu’il s’est mis à la danse du zoblazo, danse bien connue dans la région et des Ivoiriens au travers des chansons enlevées du maître-chanteur-danseur Meiway alias Frédéric Ehui. Il ne s’est même pas empêché de répondre favorablement à l’appel des militants qui, à la fin, ont exigé par des cris, que la chanson soit « bissée ». Elle a été remise, au reste à sa demande, et Thiam a montré ses capacités de danseur-amateur. Le président du PDCI fredonnait la chanson même s’il n’avait pas les pas pour et que, ô sacrilège ! il lui manquait le mouchoir blanc à brandir.
C’est la preuve que la meilleure improvisation est celle qui se prépare. C’est aussi la preuve que rattraper au cours d’un rassemblement ce que l’on a perdu en plus de 20 ans n’est pas forcément de l’eau à boire. C’est surtout la preuve que le fauteuil présidentiel est sacré. Et que son caractère inviolable et vénéré fait de lui un domaine inatteignable par le premier venu. Que ce soit Houphouët, Bédié, Gbagbo ou Ouattara, les Ivoiriens et le monde ont vu combien ils ont transpiré, sué jusqu’au sang avant de dompter et posséder cet interdit. Les temps ont changé, les méthodes pour y accéder aussi. Plus question de suer jusqu’au sang pour s’asseoir dans le sacré fauteuil. Chanter à mi-voix des airs tirés du terroir local ou national, esquisser quelques pas de danse, même non maîtrisés, peuvent suffire. Et Thiam qui le sait parce qu’entouré de sachants qui savent ne s’en prive pas.
Tout bien examiné, grâce aux exigences du fauteuil sacré, les hommes et les femmes candidats à sa possession se livrent à un exercice dont ils se seraient éloignés en d’autres temps. Parce que le fauteuil présidentiel n’accepte pas les « Blakoros ». N’y posent leur postérieur que celles et ceux qui ont suivi la voie de l’initiation. Regardons donc le président du PDCI faire son initiation dans le bois sacré !
Abdoulaye Villard Sanogo