La vengeance jusqu’à quand ?





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La récente affaire Yodé et Siro a hélas confirmé la déchirure sociale en Côte d’Ivoire et le désir de vengeance qui sommeille en certains Ivoiriens.

Depuis une vingtaine d’années, deux cycles dangereux caractérisent la vie politique ivoirienne. Le premier, c’est celui de l’instrumentalisation de la justice et des institutions de l’Etat par les tenants du pouvoir pour exclure du jeu électoral leurs adversaires politiques gênants. Cette pratique qui a lourdement endeuillé le pays en 2000, 2002, et récemment d’août à novembre 2020, ne semble pas près d’être abandonnée par nos cyniques dirigeants.

Le second cycle meurtrier, c’est celui de la vendetta. Des membres de certaines communautés ethniques, tribales ou religieuses assimilées à tort ou à raison à des camps politiques, conservent en eux une série de rancœurs et un désir de vengeance qui surgissent à la moindre tension. Nous avons encore fait le constat de cette triste réalité la semaine écoulée à la faveur de l’affaire Yodé et Siro, deux célèbres chanteurs de zouglou, condamnés par le tribunal de première instance d’Abidjan à un an de prison avec sursis et cinq millions Fcfa d’amende chacun. Ils étaient poursuivis en comparution immédiate pour outrage à magistrat, discrédit de l'institution judiciaire et diffusion d'informations mensongères à relent racial et tribal. Le dimanche 30 novembre, pendant un concert dans la commune de Yopougon, ils avaient indexé le procureur de la République Richard Adou, l’accusant de poursuivre uniquement les militants de l’opposition dans le cadre des enquêtes sur les violences électorales de la présidentielle du 31 octobre dernier. « …un mort, c’est un mort. On ne passe pas son temps à chercher les petits baoulés dans les villages pendant que des gens sont ici avec des manchettes bien identifiés… », a chanté Siro. Allusion est faite ici à des jeunes gens qui, depuis le début de la contestation du troisième mandat d’Alassane Ouattara, sur des bases ethniques et tribales, se dressent devant les manifestants anti-3e mandat dans différentes localités,munis de gourdins et d’armes blanches. Ces agresseurs de marcheurs agissent généralement au nez à la barbe des agents des forces de l’ordre qui paraissent parfois impuissants devant leur attitude. Partisans du Rhdp, ils s’attaquent aux protestataires aussi bien pour défendre le pouvoir, que pour venger des sévices que des membres de leur communauté ont pu subir pendant que le RDR était dans l’opposition.

Et, lorsque le duo du zouglou a été convoqué le 2 décembre à la brigade de recherche de la gendarmerie nationale, face à la réaction spontanée d’une partie de l’opinion ayant dénoncé une atteinte à la liberté d’expression, les partisans du pouvoir Ouattara ont eu leur réflexe habituel : citer le passé en affirmant que les régimes précédents ont fait pire. Sur les réseaux sociaux, beaucoup d’entre eux ont par exemple rappelé la mort du comédien Camara Yêrêfê dit H. Fervent partisan du RDR, il a été enlevé à son domicile à Abidjan au début de la rébellion armée contre le pouvoir Gbagbo. Son corps sans vie a été retrouvé quelques heures plus tard dans la rue.

Donc, là où l’on s’attend à ce qu’ils aient au nom de la réconciliation, pardonnédes drames de ce genre pour reconnaitre objectivement les abus similaires qui peuvent être commis par le pouvoir actuel, ces extrémistes du camp Ouattara répondent toujours par le déniet la fuite en avant. Ce qu’ils ont encore fait face à cette intolérance des autorités actuelles à l’égard des deux zougloumen.  Certains ont même rappelé que Tiken Jah Facoly, reggaeman assez critique vis-à-vis des régimes précédents, a été contraint à l’exil à l’époque. En d’autres termes, pour eux, parce qu’il y a eu des abus hier, il peut en avoir aujourd’hui.

Dans cette logique, demain quand le Rhdp ne sera plus au pouvoir, ce sera au tour des victimes d’aujourd’hui d’applaudir ce que subiront ceux qui applaudissent aujourd’hui. Qui aura la grandeur de rompre ces mauvais cycles ?

Cissé Sindou

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