Vincent Toh Bi irié '' Hamed Bakayoko, Dj Arafat et l'art ''





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HAMED BAKAYOKO, DJ ARAFAT ET L’ART

"Mr le Préfet, je viens de vous envoyer une vidéo !" , s’écrie mon collaborateur en rentrant dans mon bureau précipitamment. Il est 07h37.

Avec toutes les équipes de sécurité, nous avons passé la nuit à encadrer les funérailles, puis l’enterrement du célébrissime artiste Ivoirien DJ Arafat, décédé dans la nuit du 11 au 12 Août 2019.

J’assurais la coordination administrative et sécuritaire générale de ces obsèques. Peut-être dois-je encore préciser que toutes les activités qui regroupent des milliers de personnes font l’objet d’un encadrement systématique administratif et sécuritaire, quelle que soit leur nature. 

Quelques années plus tôt,  62 personnes ont péri dans des piétinements lors de la célébration du Nouvel An dans le même quartier du Plateau où a lieu justement les hommages à DJ Arafat. 

Des protocoles sécuritaires ont donc été mis en place pour que plus jamais cela ne se reproduise. En tant que Préfet d’Abidjan , je suis responsable de ce protocole. La présence de milliers de jeunes endeuillés sur cet espace fait craindre des débordements sécuritaires. 

Nous sommes donc tous en alerte maximale et travaillons depuis la nuit du décès de l’artiste, jusqu’à ce jour où il doit être enterré. DJ Arafat passionne les foules et surtout les jeunes dont il est l’idole. Au moment des obsèques, nous craignons des actes irraisonnés et dérapages dangereux.

Tous les détails doivent être surveillés avec munitie. Avec mes équipes, je pars au cimetière à 04h du matin pour m’assurer que la tombe qui était en train d’être construite encore la nuit est bien terminée. De là, je pars à IVOSEP à 04h20 où Hamed Bakayoko est avec la famille de l’artiste. 

Nous avions mis en place un dispositif et itinéraire spéciaux pour que le cercueil arrive en quelques minutes au Stade Houphouet-Boigny, sans être obstrués par les fans dont des dizaines de motards en embuscade.

Tout se passe bien comme prévu. L’hommage au stade est fort en émotion. Hamed Bakayoko y est. Cet artiste était son « fils ». Vers 0545, je constate que quelques gradins se vident. Je soupçonne que des jeunes sortent pour affluer vers le cimetière. Je fais appeler Didier Bleou, qui est en train d’assurer une excellente animation. Je lui demande d’user de sa maestria pour que les jeunes restent sur place. Il part directement sur le podium géant et captive l’attention. Après 05h50, Hamed Bakayoko et la famille de DJ Arafat conduisent le cortège vers Williamsville.

Je remonte à mon bureau d’où le PC que je dirige coordonne les actions. Je reçois un coup de fil des responsables de la sécurité sur place dans la zone du cimetière que nous avions totalement isolée. Environ 15.000 jeunes sortis de nulle part sont aux alentours d’Agban. Ce n’est pas gerable. Et la voiture du Ministre d’Etat, celles des membres de la famille et le corbillard sont bloqués dans cette cohue. Mais nos « gars » sont bien formés. Ils réussissent à dégager la voie.

Vers 07h15, l’enterrement est terminé après des péripéties. Je suis en train de rédiger mon rapport quand mon collaborateur rentre dans mon bureau. 

Je télécharge la vidéo et je vois des images choquantes de la profanation du corps de DJ Arafat. Tout le travail effectué depuis 03 semaines s’effondre.

L’affaire est grave. Une certaine image de la Côte d’Ivoire risque de naître de cette macabre affaire, survenue sur le territoire, dont j’ai la charge. J’appelle les Ministres concernés pour leur rendre compte dont Hamed Bakayoko, qui était à l’enterrement. Les événements se déroulent juste après son départ du cimetière.

Hamed Bakayoko connaît la sociologie et la psychologie de cette jeunesse surtout des fans d’Arafat appelés « Chinois ». 

Il avait flairé ces débordements et nous avait fait prendre toutes les mesures anticipatives dont vous avez été témoins. 

Mais au moment du reflux des participants à l’enterrement, quelques dizaines de jeunes se précipitent sur la tombe fraîche, suivie par des dizaines d’autres et puis ...le chaos. 

Hamed Bakayoko est Ministre d’Etat, il a préséance sur les autres Ministres. Il organise l’après-midi une concertation avec les autres Ministres et il est décidé que j’aille sur le plateau du journal pour expliquer les circonstances du désordre et annoncer les poursuites. 

Cet épisode, entre autres, illustre l’intérêt et la passion d’Hamed Bakayoko pour l’Art et pour les Artistes. C’est un Ambassadeur de la culturelle ivoirienne et africaine d’une façon générale. Et les artistes d’ici et d’ailleurs le lui rendent bien. Ils le vénèrent presque. 

Certaines personnes ont vite fait de faire toutes sortes d’interprétations sur sa Passion pour l’Art.

Il y avait certes les arts musicaux. Mais il se passionnait aussi pour la poterie, la peinture et les tableaux des grands peintres ivoiriens, arts plus discrets dont il raffolait.

Je crois que c’est sa sensibilité intérieure qui le rendait réceptif à toutes ces formes d’art .

Mais la partie la plus originale de la relation entre Hamed Bakayoko et l’Art qui m’intéresse à mon niveau de collaboration professionnelle avec lui, c’est l’angle de stratégie administrative de l’Art comme un des  supports de gestion de la stabilité sociale, pour un  Ministre en charge de la Sécurité et de l’Interieur. 

Des artistes et des stars engagés dans la vie de la communauté, qui véhiculent des messages de paix, supportent des initiatives caritatives, contribuent à la vitalité économique de la sphère culturelle, ce sont des acteurs clés à soutenir dans un pays récemment déchiré par des conflits. Et cela, Hamed Bakayoko l’a compris tôt.

Cet aspect de sa vie fera certainement un jour l’objet de mémoires et de thèses ....

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