L’ex première dame de Côte d’Ivoire, Simone Gbagbo, par ailleurs, présidente d’honneur du mouvement des générations capables (MGC) et plusieurs autres formations politiques et organisations de la société civile ont au sortir d’une réunion, relevé quatre points essentiels qui selon eux devraient faire l’objet de discussion au cours du dialogue politique qui reprend, jeudi.
Il s’agit selon eux de l’environnement sécuritaire, de la rédaction et de l’adoption d’une nouvelle constitution, de l’élaboration d’un système électoral consensuel et du défi de la réconciliation nationale.
L’environnement sécuritaire
La trop grande insécurité qui prévaut à l’intérieur et aux frontières de notre pays est à tout point de vue incompatible avec une vie nationale paisible.
Les conflits fonciers sont nombreux et récurrents dans le pays. Les déguerpissements de populations dont certaines ont des titres de propriété, impliquent parfois l’État lui-même ― le cas le plus récent de Koumassi est emblématique. Les conséquences néfastes de ces conflits (troubles sociaux, précarité des populations déguerpies et / ou dépossédées de leurs biens,
violences, menaces de mort, etc.) montrent bien que la question foncière est une bombe à retardement. Il s’agit d’un problème crucial, d’intérêt national.
Par ailleurs, le phénomène des enfants dit « en conflit avec la loi », communément appelés « microbes », est un fléau social qui ne se limite plus à Abidjan. Il s’est étendu à la plupart des villes de la Côte d’Ivoire. Ce fléau qui est une conséquence directe de la rébellion de 2002 est devenu une arme politique redoutable. L’on a vu ces « microbes » agir comme une milice supplétive des forces régaliennes durant la « crise du troisième mandat de Monsieur Alassane Ouattara ». L’on voit actuellement comment cet esprit de « microbe » gangrène l’Etat ivoirien
En outre, les « dozos » qui forment une caste de chasseurs traditionnels dont l’aire culturelle d’activité était bien circonscrite dans le nord, se font toujours voir dans les centres urbains et ruraux de toutes les régions du pays.
L’orpaillage clandestin, les conflits agriculteurs-éleveurs et le terrorisme constituent également des fléaux à caractère sous régional, voire international, qui menacent la vie de notre Nation.
Tous ces problèmes aussi graves que complexes font de la sécurité nationale une préoccupation majeure. Elle requiert, pour être solutionnée, la contribution de toutes les forces vives de la Nation.
La rédaction et l’adoption d’une nouvelle constitution
La constitution de 2016 est la source de la crise « du troisième mandat de monsieur Alassane Ouattara » consécutive à l’élection présidentielle de 2020.
En la matière, son interprétation a créé de graves controverses au sein de la communauté des juristes et dans la société ivoirienne. Cette Constitution n’est pas consensuelle puisqu’elle a exacerbé les tensions et divise davantage les populations. Comment une loi fondamentale aussi « confligène », peut-elle garantir la paix sociale que tous recherchent ?
Il est impérieux de se doter d’une autre constitution dont la rédaction bénéficierait de l’expertise et de la sagesse d’une bonne équipe composée de juristes, de politiques, de religieux, d’organisations de la société civile, d’intellectuels, d’hommes d’affaires de chefs coutumiers représentants les quatre (04) grands groupes ethnolinguistiques du pays (Akan, Gour, Mandé et Krou). Le gouvernement prendra les dispositions idoines afin que la nouvelle loi fondamentale soit votée par voie référendaire. Ainsi, cette constitution consensuelle rassemblera les peuples de la Côte d’Ivoire et sera le gage d’un nouveau contrat social.
L’élaboration d’un système électoral consensuel
Le système électoral actuel ne peut pas garantir la paix sociale. Il est une source majeure des conflits électoraux qui occasionnent des crises graves depuis 2010. Il faut donc une réforme profonde de ce système, fondée sur la rédaction d’une nouvelle loi sur la Commission Electorale Indépendante (CEI).
Cette réforme débouchera sur un nouveau consensus électoral. Elle consistera en :
- L’adoption de la nouvelle loi sur la CEI,
- la mise en place d’une nouvelle CEI véritablement indépendante. Cette
CEI ne contiendra aucun représentant des Partis politiques, ni des institutions de l’Etat. Les acteurs de cette CEI auront un statut particulier avec des salaires et des moyens conséquents, toutes choses qui garantissent leur indépendance vis-à-vis des partis et des autorités politiques et administratives. Ces acteurs de la CEI seront recrutés par appel d’offre et en dehors des partis et mouvements politiques. Ils ne seront pas des représentants ni du pouvoir, ni de l’opposition. Les représentants des partis, et mouvements politiques et des organisations de la société civile, se constitueront en structure d’observation de toutes les étapes du processus électoral,
- la recomposition du Conseil Constitutionnel par le changement du mode de désignation de ses membres qui ne devront plus être nommés par le Chef de l’Etat,
- la révision du code électoral,
- la révision après un audit, de la liste électorale,
- l’adoption d’un nouveau découpage électoral juste et équitable, (à partir de critères internationaux, notamment celui du nombre d’habitants par circonscription, les élus étant les représentants des populations),
- la sécurisation des candidats, de leurs représentants et des opérations électorales.
Le défi de la réconciliation nationale
La réconciliation nationale est une exigence pour que le pays retrouve sa quiétude d’antan. S’il est vrai qu’elle est un processus de longue haleine, elle implique des défis urgents à relever pour sa mise en œuvre. Ces défis concernent les mesures courageuses à prendre pour favoriser l’émergence d’un environnement propice au pardon et au « revivre-ensemble ». Ce sont notamment :
- l’adoption d’une loi d’amnistie générale qui permettrait de libérer tous les détenus politiques civils et militaires, de même que ceux qui sont en liberté conditionnelle,
- l’institution d’un observatoire consensuel de la démocratie et de la paix,
- l’adoption d’une loi qui garantisse l’accès des partis et mouvements politiques de l’opposition aux médias d’État,
- la création d’une commission nationale consensuelle dont les missions seront :
· œuvrer au retour sécurisé et à l’insertion sociale de tous des exilés et les déplacés (revoir conséquemment leur accompagnement financier après en avoir discuté et trouvé un accord avec eux),
· réparer les torts causés : rétrocession des biens (plantations, maisons, terrains etc.), dédommagements, rétablissement des emplois, des salaires, des indemnités, remise en état des biens endommagés ou détruits.
· veiller à l’exercice démocratique des libertés publiques.