L’ancien président Laurent Gbagbo est candidat à l’élection présidentielle de 2025 en Côte d’Ivoire. Ainsi en a décidé la haute direction de son parti, au cours d’un rassemblement ce week-end, à Abidjan.
Au-delà des scories de cette annonce qui frise la provocation politique, analysons cette candidature sous le prisme de l’allégorie de la caverne de l’intemporel philosophe grec, Platon, dans son essai politico-philosophique ‘‘La République’’. Le livre 7 de cet essai décrit une situation où des hommes, enfermés dans une grotte, vivent dans une illusion totale. Dans cet état, ils ne voient qu’une paroi de cette grotte contre laquelle ils aperçoivent la lueur d’un feu situé derrière eux et les ombres des objets que ce feu projette, ne sont à la réalité, que leurs propres ombres qu’ils prennent pour des choses réelles. Au-delà de la portée philosophique de ce texte, l’on peut comparer ici la caverne de Platon au PPA-CI de Laurent Gbagbo dans lequel ses militants semblent être enfermés dans une bulle avec pour seule réalité tangible que leur propre perception de la réalité politique de leur pays. Voici un parti politique qui est parvenu au pouvoir dans des conditions calamiteuses, selon les propres termes de son premier responsable, qui a eu à gérer le pays pendant dix ans et qui est retombé par la suite dans l’opposition dans les mêmes conditions calamiteuses.
Après la case prison, Laurent Gbagbo est de retour dans son pays depuis bientôt trois ans. Pendant ce temps, son successeur au pouvoir, a pu colmater les brèches de sa gouvernance par approximation et repositionner le pays sur l’échiquier international. C’est au moment où le second miracle ivoirien est en cours de réalisation que les prisonniers de la caverne du PPA-CI qui ne voient pas le développement prodigieux actuellement en cours et qui ne voient que leurs propres perceptions de la politique et du développement, veulent tenter l’aventure d’un hypothétique retour au pouvoir. Dans un projet politique, les ambitions sont certes, légitimes, mais les pro-Gbagbo, comme les prisonniers de la caverne de Platon, doivent se rendre à l’évidence que la vraie réalité, c’est en dehors de leur bulle. Laurent Gbagbo, citoyen ivoirien, est libre de se porter candidat à la magistrature suprême s’il remplit bien sûr les conditions d’éligibilité.
L’appréciation de la réalité extérieure, en dehors de l’opinion qu’on se fait de soi-même (la doxa), est un précieux indicateur qui pourrait permettre d’analyser cette candidature de Laurent Gbagbo. Après les dix années de la Refondation, après les péripéties de la crise post-électorale, suivie du grand schisme intervenu dans son parti politique, avec un bruyant divorce politique et matrimonial, qu’est-ce que Laurent Gbagbo, aujourd’hui très affaibli et diminué, peut-il proposer pour faire mieux qu’Alassane Ouattara ? Exit la rhétorique du panafricanisme et d’un souverainisme débridé, l’on peut avancer qu’à l’état actuel des choses, Laurent Gbagbo ne peut rien proposer de mieux que la gouvernance du RHDP. Ce n’est pas un débat, ce n’est qu’une simple analyse factuelle des choses. L’on ne cessera jamais de le répéter, celui qui viendra après Alassane Ouattara, aura du pain sur la planche. À défaut de pouvoir faire mieux que lui, ce dernier, qu’il soit du RHDP ou d’une autre formation politique, ne doit pas faire régresser le pays.
Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est résolument en marche. Dans un contexte international où toutes les économies sont mises à rude épreuve, Laurent Gbagbo ne peut pas incarner un projet politique novateur pour la Côte d’Ivoire. Mieux vaut donc pour lui de se concentrer sur l’organisation de son parti politique qui est miné par une guerre féroce des clans et qui est dans une incapacité totale d’organiser des assemblées générales pour désigner les premiers responsables de ses structures spécialisées. Gbagbo candidat à une élection, c’est certes, légitime, mais ses partisans doivent sortir de la caverne du PPA-CI pour apprécier les acquis de la gouvernance de Ouattara, afin de mener une vraie réflexion politique dans l’optique d’entrevoir des stratégies de reconquête du pouvoir d’État. Mais tant qu’ils demeureront dans les incantations politiques avec un quasi culte voué à Laurent Gbagbo, ils vivront en tant prisonniers dans l’obscurité de l’illusion de la caverne de leur propre parti politique.
Kra Bernard