Après avoir annoncé sa non candidature pour un 3e mandat, que perd le Président Ouattara à renoncer à une modification de la Constitution qui risque d’agiter la fin de son dernier mandat ?
« A huit mois de la fin de son 2e mandat, Alassane Ouattara s’est retiré un gros bagage de la tête, mais il en reste un autre ». Cette caricature trouvée par des Abidjanais illustre bien l’actualité politique ivoirienne. Une actualité dominée depuis le 5 mars par la déclaration de non candidature à la présidentielle d’octobre 2020, prononcée par le chef de l’Etat sortant devant le Congrès à Yamoussoukro.
Pour bien d’observateurs, il s’agit d’un non évènement vu que la Constitution n’autorisait guère le Président sortant à briguer un troisième mandat après deux successifs.
Cependant une chose est indéniable, cette annonce soulage. Elle soulage tous les démocrates qui étaient prêts à se dresser demain contre une 3e candidature qui aurait été imposée par Ouattara au mépris de la loi fondamentale. La répression de ces protestations aurait sans doute provoqué de nouveaux dégâts humain et matériel, et certainement des tensions supplémentaires à la veille de la future présidentielle.
Cette annonce soulage également ces partisans de Ouattara qui étaient les moins bruyants mais les plus nombreux, et qui souhaitaient dans leur for intérieur que leur mentor entre positivement dans l’histoire en se retirant du pouvoir la tête haute après deux mandats dont ils sont fiers.
Mais cette annonce est surtout un soulagement pour Alassane Ouattara lui-même. Lui qui était visiblement partagé entre la tentation de forcer cette candidature demandée par les opportunistes de son camp, et le vœu intime de prendre sa retraite pour l’arrivée aux affaires d’une nouvelle génération. Cette décision finale lui aura donc permis de se libérer en quelque sorte de la prison dans laquelle l’avaient enfermé ses mauvais conseillers.
Quelques jours après sa déclaration, il a certainement réalisé qu’il peut se retirer un jour du pouvoir sans qu’aucun cataclysme ne lui arrive ou n’arrive à la Côte d’Ivoire. Mieux, les félicitations même hypocrites qu’il reçoit ici et là en rajoutent à son soulagement.
Toutefois, le contexte et l’ambiance autour de cette annonce tuent sa sincérité. Très vite, l’opposition a compris que le chef de l’Exécutif a choisi ce moment précis pour que l’effet de surprise crée une sorte de nuage et d’éphorie nationale qui détournent les attentions de la très controversée reforme constitutionnelle dont le projet est sur la table des parlementaires depuis une semaine à Yamoussoukro.
Aussi bien dans sa forme que dans le fond, cette modification de la loi nationale est contestée par l’opposition. Elle a donc décelé une malice dans le coup d’éclat du 5 mars, et donne de la voix.
On peut citer des sorties comme celles de Mamadou Koulibaly le leader de Lider qui a dénoncé un « coup d’Etat constitutionnel », ou celle de Guillaume Soro, l’ancien président de l’Assemblée nationale qui voit dans ce projet de réforme un moyen de léguer le pouvoir d’Etat au sein d’un clan, le Rhdp. Depuis son exil européen, dans un discours largement suivi sur les réseaux sociaux, le premier candidat sérieux déclaré à la présidentielle prochaine a appelé « toutes les forces démocratiques", ainsi que « tout le peuple de Côte d'Ivoire » pour une « union sacrée face au péril qui menace nos libertés et notre Nation ».
On le voit, après les velléités de candidature de Ouattara pour un 3e mandat, ce projet de révision constitutionnelle par voie parlementaire constitue une autre menace sur le déroulement apaisé de la présidentielle d’octobre, un danger pour la stabilité nationale.
Si le chef de l’Etat tient vraiment à entrer dans l’histoire par la grande porte, il devrait laisser en l’état cette Constitution issue d’une profonde modification opérée par lui-même en 2016, et permettrait ainsi à la Côte d’Ivoire qu’il aime tant, de faire l’économie d’une autre crise inutile.
Cissé Sindou