« Mieux vaut prévenir que guérir ». Ce vieil adage populaire est, aujourd’hui encore, d’une implacable actualité dans les Etats africains, tant les politiques managériales mises en place sont dénuées de toute vision prospective censée permettre d’anticiper les crises, les difficultés qui surgissent dans l’évolution de toute nation. Les grands managers, dont les théories sont enseignées dans les universités et grandes écoles de renommée mondiale, présentent la capacité d’anticipation comme l’une des clés de la performance des politiques de gestion. Avoir une touche d’avance, prévoir pour éviter l’effet de surprise est une méthode qui a été éprouvée et qui a fait ses preuves en matière de gestion des hommes et des affaires aussi bien publiques que privées. Les Etats africains, à la traine en ce qui concerne la gestion prospective, ne donnent malheureusement pas l’impression qu’ils sont disponibles à s’y mettre. De bricolage en bricolage, ils parviennent tant bien que mal à se sortir du bourbier dans lequel leur amateurisme les plonge, alors ils ne prennent pas le temps de planifier, de gérer avec méthode et rigueur. Habitués à attendre tout de la Providence, nos dirigeants en viennent même à se présenter comme les chantres d’un obscurantisme qui enseigne que Dieu aime tant les Africains qu’ils n’ont pas à faire des efforts pour obtenir ce qu’ils souhaitent. Il faut reconnaître qu’ériger une telle idéologie en mode de gouvernance est tout simplement effarent et dangereux.
Le présent numéro de BETAIL D’AFRIQUE fait un focus sur l’abattage clandestin des animaux dont les produits sont proposés à la consommation en Côte d’Ivoire, dans un système opaque de distribution et de commercialisation. Lors de la rédaction de notre dossier, une constante est apparue dans les entretiens que les personnes ressources consultées nous ont accordés : l’abattage clandestin est un phénomène qui prend de l’ampleur et la lutte pour son éradication s’organise difficilement. Manque de moyens, peur du professionnalisme, recherche effrénée du gain, laxisme des services compétents…sont des raisons avancées pour expliquer la persistance de cette pratique. Cependant, toutes les parties prenantes de la lutte se doivent d’agir maintenant, sans tergiversations. Avec en premières lignes, les autorités gouvernementales et les collectivités locales qui sont garantes de la sécurité sanitaire des populations. Dans un contexte de COVID-19, point n’est besoin d’offrir au virus qui continue de défier l’humanité, un terreau fertile avec une pratique insalubre, surtout qu’on ignore l’état sanitaire et hygiénique de celui qui tue les bêtes, tout comme on ne sait rien des instruments qu’il utilise pour opérer. Agir maintenant, pour empêcher la survenance d’une crise sanitaire et éviter de s’adonner à des décomptes macabres plus tard. Telle doit être la réaction citoyenne des gouvernants, des acteurs de la filière bétail-viande et des consommateurs, face à l’abattage clandestin.
Par Jules BOSSIEHI