Malgré les pronostics les plus pessimistes, la Côte d’Ivoire a encore la possibilité d’échapper à une crise électorale plus grave.
« Pour la paix, aucun sacrifice n’est de trop », a dit Félix Houphouët Boigny. A moins d’un mois de la fin de son mandat, le chef de l’Etat Alassane Ouattara devrait s’inspirer de cette sagesse du Père fondateur de la nation ivoirienne, et faire le sursaut qui peut éviter à la Côte d’Ivoire des troubles plus tragiques, et une sortie peu honorable à sa personne. Oui, parce que toute la tension actuelle est partie de sa candidature anticonstitutionnelle, c’est lui qui détient la clé de l’apaisement. Il gagnerait alors à saisir la perche que lui tend la communauté internationale, qui lui recommande en chœur de renoncer à cette candidature à problème, et d’ouvrir un dialogue avec l’opposition en vue d’une élection présidentielle transparente, équitable, inclusive et calme. En effet, contrairement à ce qu’il pourrait croire, son salut et le salut du pays sont loin de se trouver dans ce processus électoral que l’on s’efforce de poursuivre. Car, même s’il se tenait-ce dont nous doutons fort- le scrutin prévu le 31 octobre ferait plus de mal que de bien à la Côte d’Ivoire.
D’autant plus qu’aussi puissant qu’il pourrait prétendre, le régime Rhdp ne peut assurer une stabilité dans un pays où une frange si importante de la classe politique unie au sein d’un grand bloc d’opposition, est privée de son droit de concourir au pouvoir d’Etat.
Il ne faut pas l’oublier, les décisions rendues le 14 septembre par le Conseil constitutionnel, dont le parti au pouvoir et son chef sont devenus de farouches défenseurs, ont accru la tension qui existait déjà autour de ce processus électoral non consensuel. Le rejet des candidatures de grandes figures tels Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Mabri Toikeusse, Mamadou Koulibaly, et la validation de celle d’Alassane Ouattara dont l’opposition conteste la légalité, ont accentué la crise pré-électorale. Résultat : la Côte d’Ivoire se retrouve dans une nouvelle impasse créée par un verdict de ses juges constitionnels.
Les fois précédentes, les régimes bénéficiaires de ces décisions sources de graves injustices et de division, ont choisi le raccourci de la force. Mais à chaque fois, ils ont été rattrapés par la force de la majorité. Malheureusement, le dénouement ne se fait jamais sans dégâts humain et matériel. Alassane Ouattara devrait donc jeter un regard lucide dans ces pages tristes de l’histoire, pour comprendre que ni les combattants, les fusils, chars ou missiles dont disposaient ses prédécesseurs dans la même posture, ne leur ont permis de triompher du peuple ivoirien et de la communauté internationale venue à son secours. D’ailleurs, cette communauté internationale, qui a aidé Alassane Ouattara à s’installer au pouvoir après sa victoire dans les urnes en 2010, vient de lui donner un signal fort. Elle affirme clairement au candidat du Rhdp qu’elle ne cautionnera pas une élection présidentielle en Côte d’Ivoire dans les conditions actuelles. Cette bataille-là, Ouattara ne peut pas la gagner. Autant se raviser à temps, pour préserver les acquis des dix années post-crise, et préserver son honneur.
Cissé Sindou