Guillaume Soro doit se mordre les doigts devant une grande ironie de l’histoire qui s’observe actuellement en Côte d’Ivoire.
L’actualité ivoirienne est marquée par le retour en fanfare sur la scène politique nationale, de ceux qui ont été les adversaires du RHDP lors de la crise postélectorale de 2010-2011. Tandis que Guillaume Soro, l’un des meneurs de la bataille pour l’installation effective d’Alassane Ouattara au pouvoir, est écarté car contraint à l’exil par le régime de Ouattara. Des détracteurs de l’ancien président de l’Assemblée nationale viendront dire ici que les poursuites judiciaires dont lui et plusieurs de ses proches font l’objet n’ont rien en commun avec la crise de 2010, et qu’ils méritent leur sort actuel pour avoir, comme cela se raconte dans des ‘’grins’’ pro-Ouattara, « voulu tuer » ou « renverser » le régime en place. Nous ne nous attarderons pas sur ce débat qui sans doute, sera tranché un jour par l’histoire.
Il s’agit pour nous ici de relever un constat de la situation des différents acteurs de la crise postélectorale, constat suffisamment injuste et ironique pour être relevé.
En effet, les faits qui se produisent depuis quelques mois, et qui pourraient être qualifiés d’épilogue de cette crise postélectorale, placent Guillaume Soro dans une position ingrate que peu de personnes auraient imaginée au moment où cet ancien partenaire d’Alassane Ouattara mettait en péril sa vie et celles de plusieurs de ses compagnons des ex-Forces nouvelles pour que le candidat du RHDP, déclaré vainqueur par la CEI et reconnu par la communauté internationale, puisse occuper le fauteuil présidentiel que refusait de lui céder le perdant Laurent Gbagbo.
Cette lutte menée courageusement par l’ancien Premier ministre et ministre de la Défense aussi bien sur le plan diplomatique que sur le front militaire, lui valent une grande haine et des rancœurs ineffaçables chez certains partisans de Gbagbo. Pourtant, en plus d’être encore aujourd’hui la cible de ces extrémistes du camp du rival d’Alassane Ouattara, l’ancien député de Ferké est doublement persécuté par le régime du même Ouattara. Pour avoir seulement voulu exercer son droit légitime de briguer la magistrature suprême de la Côte d’Ivoire, ce régime a déployé toute une machine institutionnelle contre lui. Résultat, pendant que les portes de la liberté s’ouvrent grandement aux adversaires d’hier du Rhdp, adversaires que le pouvoir actuel, et nombreux de ses partisans considèrent comme les seuls fautifs des milliers de morts de la crise postélectorale, lui Guillaume Soro, chantre et artisan du respect du verdict des urnes en faveur d’Alassane Ouattara en 2011, est combattu sans retenue par le pouvoir du même Ouattara.
Ainsi, le 23 juin 2021, soit à peine une semaine après le retour de Laurent Gbagbo à Abidjan, Guillaume Soro, contraint à l’exil depuis 2019, écopait d’une peine de prison à vie prononcée par le tribunal criminel d’Abidjan au terme d’un procès politique. Plusieurs de ses proches dont Koné Kamaraté Souleymane dit Soul To Soul, Affoussiata Bamba, Moussa Touré, ont été condamnés à 20 ans de prison ferme. En outre, Générations et Peuples Solidaires (GPS) le mouvement fondé et présidé par l’ancien leader estudiantin, a été déclaré dissout par le juge.
Quelques semaines après ce verdict particulièrement sévère contre celui dont le combat lui a d’abord permis d’être candidat pour la toute première fois à une élection en Côte d’Ivoire, puis d’accéder à la tête de l’Etat, le Président Ouattara choisit d’accueillir avec honneurs, accolades et rigolades, l’adversaire qu’il a eu en commun avec son ‘’fils’’ Soro. Un adversaire d’ailleurs déclaré non coupable et acquitté par la CPI, et visiblement absous de sa condamnation à 20 ans de prison par la justice ivoirienne pour « braquage » de la BCEAO. Quant à son ancien ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé, également acquitté par la CPI, il devrait bientôt recevoir son passeport établi par Abidjan afin de regagner la Côte d’Ivoire sans être inquiété.
Le 29 juillet 2021, l’on apprenait aussi la levée du mandat d’arrêt de la CPI contre Simone Gbagbo. L’ex-Première dame, elle aussi sortie de prison depuis trois ans, et déjà dans les bonnes grâces du pourvoir Rhdp, peut désormais voyager librement à travers le monde entier. Pendant ce temps, Guillaume Soro, le « sauveur » de Ouattara reste, lui, sous le coup d’une peine de prison à vie, et contraint à l’exil avec des fidèles. Une véritable ironie de l’histoire !
Cissé Sindou