Connaissez-vous Franck-Walter Steinmeier ? Pour ceux qui ne le sauraient pas, Franck-Walter Steinmeier est le président de la République fédérale d’Allemagne. De toute évidence, il est peu connu à travers le monde. En tout cas, moins qu’Angela Merkel, la Chancelière. La raison est toute simple, le président fédéral d’Allemagne incarne un rôle de représentation de l’Etat allemand avec très peu de pouvoir. Certes, il peut formellement dissoudre l’Assemblée nationale (Bundestag) mais uniquement dans deux cas bien précis : lorsque l’Assemblée nationale n’arrive pas à se mettre d’accord pour désigner un chancelier (une chancelière) ou lorsqu’il ne donne pas sa confiance au chancelier ou à la chancelière. Même s’il n’inaugure pas les chrysanthèmes, son action politique s’y apparente.
La République fédérale d’Allemagne est une démocratie parlementaire. D’où le rôle prépondérant que joue le chancelier (la chancelière) et par ricochet les députés. Tous les quatre ans, les Allemands élisent leurs députés et, par leur intermédiaire, un gouvernement et un chancelier ou une chancelière. Hier, dimanche 26 septembre 2021, les 60,4 millions d’électeurs ont sacrifié à cette coutume en se rendant aux urnes pour élire leurs différents députés. Le parti politique qui sortira vainqueur de ce scrutin législatif et deviendra donc majoritaire au Parlement choisira le chancelier ou la chancelière de la République fédérale d’Allemagne en son sein. Plusieurs candidats sont en lice.
L’intérêt du scrutin législatif du dimanche 26 septembre, c’est qu’il marque formellement et définitivement la fin de l’ère Angela Merkel. Au pouvoir depuis 16 ans, l’un des deux plus longs règnes de l’histoire politique allemande de l’après-guerre (2ème guerre mondiale s’entend) avec Helmut Kohl, la chancelière Angela Merkel a décidé de rendre le tablier alors qu’en vérité, elle demeure encore très populaire dans l’opinion publique et que son bilan économique et politique est globalement positif. Elle a pu faire face à la crise économique mondiale de 2008 et gérer la crise migratoire de 2015 sans oublier sa fermeté assortie au final d’une main tendue via l’Union européenne (UE) dans la crise socio-économique Grecque.
Avec elle, l’Allemagne a solidement conservé sa place de première puissance économique et politique de l’Europe. Angela Merkel aurait pu demeurer encore au pouvoir pendant plusieurs autres mandats d’autant que la Constitution allemande n’établit pas de limitation. Et puis, Angela Merkel n’a que 67 ans comparativement à nos réalités politiques africaines où à 75 ans, 80 ans ou plus, le dirigeant veut demeurer au pouvoir ad vitam aeternam ou reconquérir le saint graal vaille que vaille.
Au nom de l’usure du pouvoir et parce qu’elle sait que nul n’est indispensable, Angela Merkel a remis la clé du pays au peuple allemand afin qu’il se choisisse démocratiquement un nouveau dirigeant. C’est ce qu’il est en train de faire depuis hier. Alors qu’Angela Merkel jouit encore d’une forte estime des Allemands qui l’ont surnommée affectueusement « Mutti » (mère, maman) à cause de sa philosophie politique et sa gouvernance durant ces seize années qui ont été rassurantes et ont incarné une sorte de bienveillance tranquille et sans offense, elle n’a pas voulu demeurer à vie au pouvoir. « Mutti » a décidé de prendre sa retraite politique. Elle l’a annoncée, le lundi 29 octobre 2018, en affirmant qu’elle renonçait à la présidence de son parti, l’Union démocrate-chrétienne (CDU), et que son mandat de chancelière serait le dernier.
Comme il y a eu une vie après le pouvoir, Angela Merkel veut se consacrer à sa famille et à elle-même. Elle veut faire le tour du monde pour visiter les universités qui lui ont décerné les doctorats honoris causa. Docteur en chimie, Mme Merkel envisage de renouer avec le monde universitaire sans y être enseignante ni chercheuse. Celle qui a ces dernières années redonné vie aux relations germano-africaines somnolentes pendant longtemps lance ainsi un message à de nombreux dirigeants du continent africain. Des dirigeants accrochés au pouvoir ou qui modifient les Constitutions pour y demeurer. Ils sont nombreux qui prenaient prétexte de la longévité d’Angela Merkel au pouvoir pour justifier leur boulimie. « Nos dirigeants africains ne sont pas les seuls à s’accrocher au pouvoir, regardez Angela Merkel en Allemagne », soutenaient leurs thuriféraires. Aujourd’hui, nous pouvons leur répondre volontiers : « Angela Merkel s’en va ! Et vos maîtres, quand quitteront-ils le pouvoir pour qu’une nouvelle génération de dirigeants arrivent à la tête de nos pays ? ». Le prétexte Merkel s’est désormais évaporé comme une fumée qui se dissipe dans l’air.
Didier Depry