Une vue d'un étal de produits dans un supermarché de vivriers de la place
Les grandes surfaces de distribution de denrées alimentaires se multiplient en Côte d’Ivoire depuis un moment. Cet engouement va au-delà des produits importés. Des supermarchés se spécialisent dans la vente de produits vivriers venus fraichement des campagnes ivoiriennes. Pour le bonheur des consommateurs qui ont des produits de qualité à moindre coût et surtout bien conservés.
Dans une étude intitulée « La consommation en Afrique, le marché du XXIème siècle », sur les habitudes de consommation dans huit 8 pays, dont la Côte d’Ivoire, le cabinet Deloitte révélait en 2015, que 60 % des consommateurs étaient portés sur la qualité comme premier facteur dans leur décision d’achat. Mieux, elle indiquait que 63 % à 90 % des consommateurs préféraient des marques locales. Ce qui a favorisé la création de ces enseignes.
Sur les étals bien rangées des magasins Socofrais sis à Treichville Rue des Brasseurs, l’on retrouve des fruits (orange, ananas, prunes, bananes douces, mangues, citrons…), des légumes (graine de palme, carotte, chou, aubergine, piments, etc…), divers poissons frais et fumés, des grenouilles séchées, des épices de la marque Nora (la marque appartient à Socofrais), du curcuma frais, des céréales (du riz noir, du riz local, du riz violet, du mais, du haricot, du mil, …), de la viande (de brousse) ou encore des féculents (Banane, igname, tarot, patate douce, pomme de terre, etc.
« Nous sommes des gens de la brousse. Nous venons de Daloa et Gagnoa et nous avons vu comment les produits vivriers pourrissaient chez les paysans. Et quand bien même ils arrivent souvent à vendre, les parents les cédaient à des prix dérisoires. C’est ainsi que mon père a lancé ces supermarchés exclusivement réservés aux produits qui viennent de nos villages », explique M. Khador Ezzédine, le patron de la société SBV qui porte la marque.
Et depuis le début de cette aventure en 2012, les choses vont crescendo pour les initiateurs. Au point d’avoir aujourd’hui deux autres magasins à Cocody-Angré et à Yopougon et d’employer plus d’une centaine de jeunes ivoiriens.
« Tous nos produits sont locaux. Rien dans notre magasin ne vient de l’extérieur et ça marche. Les populations d’Abidjan préfèrent venir ici », confie M Khador.
Le succès de ce projet a motivé la création de plusieurs supermarchés ‘‘frais et verts’’ dans tout le district d’Abidjan. Comme c’est le cas de « Fruits et Légumes » situé à la Riviéra 3, carrefour 9 kilos. Là aussi, le système est le même : vente de produits vivriers locaux dans un espace bien aménagé et climatisé « pour une meilleure conservation des produits et pour le confort de la clientèle », selon Mme Christelle Ariko, responsable de cette enseigne appartenant à Commerce générale denrées alimentaires (CGDA).
«Tout le marché à porter de main. Le marché vient vers les personnes qui n’ont pas le temps de se rendre dans les marchés traditionnels pour leurs provisions. En plus de trouver les produits sur place, le magasin fait des livraisons » a-t-elle ajouté.
A la question de savoir d’où proviennent ces produits, les différents responsables nous ont confié qu’ils étaient issus des plantations locales. en plus, pour vérifier la qualité, ils travaillent avec Codinorm( Côte d’Ivoire normalisation, la structure en charge de la vérification des produits mis en vente sur le territoire national), qui passe au crible tous les produits.
Selon nos sources, ils recherchent des producteurs capables de leur fournir du vivrier en qualité et en grande quantité. Ils financent également la production de certaines spécialités.
« Les choses se font dans les deux sens. Ils achètent chez plusieurs producteurs. Il y a ceux qu’ils recherchent et ceux qui viennent leur faire des propositions de vente. Avec ces deux catégories, ils paient au prix bord champ fixé par le gouvernement pour chaque campagne. Ils aident également au financement de certaines plantations », nous a révélé Mme Sephora Z, fournisseur de tomates à plusieurs supermarchés.
Le bonheur des consommateurs
La naissance de ces supermarchés du vivriers qui font de la vente en gros, demi-gros et détails, est, selon plusieurs personnes que nous avons interrogé, un soulagement. Surtout pour celles qui n’ont pas le temps de se rendre régulièrement au marché.
« Je ne vais plus à Adjamé pour faire mon marché. J’ai presque tout ici à Socofrais », soutient Sonia, sourire aux lèvres, un samedi matin, à Cocody-Angré. Comme elle, nombreuses sont les familles qui ne jurent plus que par ces enseignes, à voir le nombre de personnes qui se bousculent devant des étals.
« Ces produits nous inspirent confiance. Ils sont bien conditionnés et bien conservés. En plus, les prix sont de loin plus bas que ceux qu’on trouve sur les marchés à ciel ouvert dans nos quartiers », ajoute M Doumbia, venue accompagner son épouse.
Celle-ci dit apprécier le fait que chaque client puisse faire son choix directement sur les étals. Ce qui n'est pas le cas chez les détaillants qui font déjà des tas qu'ils posposent à leur clientèle
«Le concept est excellent et gagnerait à se reproduire dans un grand nombre de communes. et pourquoi pas à l'intérieur du pays. Surtout avec d’autres promoteurs. Ce qui favorisera la saine concurrence pour le bonheur des consommateurs.
La galère des petits détaillants
Pendant que les clients se disent heureux, les marchands, petits détaillants des marchés de quartiers et même des marchés de gros, autrefois pris d'assaut par les populations, eux, dénoncent une concurrence déloyale qui leur est faite par ces grandes surfaces.
«Nos marchés se vident parce que tous nos clients se dirigent désormais vers les supermarchés de vivriers. Je ne sais pas où ils trouvent leurs fournisseurs mais les prix qu’ils font ne nous arrangent pas. Ils détournent nos clients. Si ça continue, nous ne saurons plus comment faire pour nourrir nos familles » se plaint Adjara, vendeuses de vivriers (tomates, oignons et piments), au grand marché de Koumassi.
Elle n’est pas la seule à fustiger cette politique qui, selon Sabine, vendeuse au marché Gouro d’Adjamé, risque à la longue, de vider les marchés des clientes et de compromettre leur commerce.
Au final, l’avènement des supermarchés du vivrier en Côte d’Ivoire se présente comme une aubaine pour les consommateurs. C’est aussi une alternative pour à la vie chère tant décriée. Même s’il est vrai que, selon les vendeuses des marchés de quartiers, ils leur créent un manque à gagner, il faut reconnaître qu’ils résolvent plus de problèmes qu’ils n’en créent. Les prix sont fixes, donc pas de surenchère, les produits sont bien conservés, ce qui évite les mouches et les maladies. Les producteurs de viviers devraient y gagner leur compte si, comme le soutiennent les propriétaires de ces enseignes, ils respectent les prix bord-champ fixés par le gouvernement. Ce qui, par contre, reste à vérifier.
Solange ARALAMON