En Afrique, sur 214 tentatives de coups d’état, 106 ont réussi et 108 ratés, indiquent les données d’une étude menée par Jonathan Powell de l’Université de Floride centrale et Clayton Thyne de l’université de Kentucky, aux États-Unis et rendues publique en 2021.
Si le Soudan a connu le plus grand nombre de coups d’Etat et de tentatives de prise de pouvoir s'élevant à 17 dont six ont réussi, le Burkina Faso quant à lui, bat le triste record des putschs réussis avec neuf coups. Un seul a été raté.
Chronique d’un pays abonné aux coups de forces
Le Burkina Faso a fait les frais d’un autre coup d’Etat, qui a renversé le président de transition, le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba qui, lui-même, a pris la tête du pays par un coup de force mettant fin aux fonctions du président Rock Marc Christian Kaboré, le 24 janvier 2022.
En huit petit mois, le pays des hommes intègres a subi deux coups d’Etat. Mais pour qui connait l’histoire du Burkina Faso, les coups d’Etat ne sont pas des faits nouveaux.
De 1958, date de son accession à la souveraineté, jusqu’à l’année 2022, soit en 64 ans d’indépendance, le Burkina Faso a connu neuf coup d’Etats.
Tout part en janvier 1966 lorsque le président élu, Maurice Yaméogo, est contraint par les militaires de démissionner suite à des troubles populaires de grande ampleur et ce, après que le gouvernement a annoncé un nouveau budget d'austérité, coupant massivement les salaires des employés du secteur public et augmentant les impôts. Il est remplacé par le Lieutenant-colonel Sangoulé Lamizana. C’est le début d’une longue épopée de coups d’état réussis et manqués que va enregistrer la République de Haute Volta, devenue Burkina Faso, à partir de 1984.
La situation économique de la Haute-Volta, exacerbée par des sécheresses, demeure difficile, forçant le recours à l'aide internationale. Le gouvernement fait aussi face à la contestation du mouvement ouvrier. En 1980, les professeurs entament une grève qui dure deux mois. Plusieurs autres secteurs du pays sont également affectés, notamment les hôpitaux. Le 12 novembre de la même année, une motion de non-confiance est votée à l'endroit du président Lamizana.
Le 25 novembre 1980, il est renversé par un coup d'État effectué par des militaires réunis au sein du Comité militaire de redressement pour le progrès national (CMRPN) dirigé par le colonel Saye Zerbo, son ex-ministre des Affaires étrangères qui devient le chef de l'État.
Deux ans plus tard, soit le 7 novembre 1982, le commandant Jean-Baptiste Ouédraogo, à la tête du Conseil de salut du peuple (CSP) renverse à son tour, le président Saye Zerbo. Le capitaine Thomas Sankara qui a joué un rôle important lors de ce putsch est nommé Premier ministre le 10 janvier 1983.
En juin 1983, le Premier ministre Thomas Sankara est arrêté, car il est soupçonné de comploter avec la Libye dans le but de renverser le gouvernement de Ouedraogo. Moins de deux mois plus tard, soit dans la nuit du 4 au 5 août 1983, Thomas Sankara renverse Jean Baptiste Ouédraogo et instaure une "révolution démocratique et populaire". Un coup d'Etat dirigé par son frère d'armes, le capitaine Blaise Compaoré.
En 1987, des divergences sur la manière de conduire la « révolution » opposent Sankara et Compaoré. Ce dernier, par un coup de force prend le pouvoir. Thomas Sankara et 12 de ses collaborateurs vont être tués.
Après 27 ans de pouvoir, le 31 octobre 2014, Blaise Compaoré est « chassé par la rue » pour avoir voulu modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir.
Le 18 novembre 2014, Michel Kafando prête serment en tant que président par intérim. Moins d’un an, il sera arrêté par les forces spéciales.
Le 18 septembre 2015, le général Gilbert Diendéré est nommé président par le Conseil national pour la démocratie (CND) auteur du coup d’Etat.
A l’issue de l’élection présidentielle de décembre 2015, Rock Marc Christian Kaboré est élu, président de la République, puis réélu en 2020.
Ce dernier sera malheureusement évincé du pouvoir, le 24 janvier 2022, par le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, alors commandant de la 3e région militaire, la plus grande du pays, remonté contre la gestion de la crise sécuritaire à laquelle est confronté le pays.
Le 30 septembre, moins de neuf mois après ce putsch, c’est le Lieutenant-colonel Damiba qui est déposé par le capitaine Ibrahim Traoré.
En somme, ce sont Maurice Yaméogo - Sangoulé Lamizana – Saye Zerbi – Thomas Sankara – Blaise Compaoré – Michel Kafando – Gilbert Diendéré – Rock Marc Christian Kaboré et Paul Henri Sandaogo Damiba qui ont été évincés tour à tour par un coup d’Etat, soit neuf présidents qui ont été chassés du pouvoir. Un triste record.
Lambert KOUAME