A la faveur de la visite de compassion du Groupement des éditeurs de presse de Côte d'Ivoire, suite au crash manqué dont il a été victime, samedi 25 février 2023, le président de l'Assemblée national, Adama Bictogo, a raconté, dans les détails, comment des personnalités et lui ont échappé à la mort. « L’hélicoptère est tombé. Ce n’était pas un atterrissage», révèle-t-il.
On a quitté Mankono sous une pluie fine. Au bout de quelques minutes, le pilote est venu vers moi pour me dire qu’on ne peut plus atterrir à Abidjan, ça va être difficile. Mais qu’on peut atterrir à Yamoussoukro. Je lui ai dit qu’à cela ne tienne, nous allons prendre les dispositions pour faire venir les différents véhicules. Dix minutes après, il revient vers nous pour dire que même à Yamoussoukro, ce n’est plus tenable. Je regarde ma sœur et je regarde mon jeune frère le ministre du Budget. Et la ministre Kandia me dit : « Mais, il y a le soleil, il n’y a pas de vent. Quel problème il a pour qu’on ne puisse plus arriver à Yamoussoukro ? ». Mais je ne pose pas la question au pilote parce que j’ai compris qu’il y avait un problème. En lui posant la question, j’avais une obligation de retour. Donc je leur dis : « N’ayez pas peur, l’hélicoptère peut atterrir partout. Donc, soyons rassurés ». Ça, c’est la responsabilité quand on est chef de délégation. Mais en le disant, je savais au plus profond de moi qu’on s’exposait. Et puis les minutes qui ont suivi, l’hélicoptère a commencé à tanguer. Là, maintenant, il était difficile de dire quelque chose pour rassurer. Ce n’était plus possible. Puisque c’était factuel, on le vivait en direct. Je me suis plutôt concentré pour voir où on allait atterrir ou tomber parce qu’il perdait de l’altitude. J'ai regardé par le hublot et je me suis dit : « Mais il ne va pas aller s’écraser sur cette maison ». Je voyais qu’il était à côté de la maison en dessous, en tout cas, on ne volait pas très haut. Et, à un moment donné, je pense qu’il ne pouvait plus tenir, soit on allait dans la forêt, soit sur les maisons ou dans la cour de quelqu’un. En une fraction de seconde, on n’a même pas eu le temps de réfléchir, l’hélicoptère est tombé. Ce n’était pas un atterrissage. On est tombé en traversant les câbles électriques. On est tombé avec une violence terrible. En tombant, nous pensions que c’en était fini pour nous. C’est même le choc qui nous a réveillés. Parce qu’on ne savait plus où on était. Notre chance est qu’il tombe dans du sable. La maison étant en construction, il y avait donc du sable. La tête de l’hélicoptère est entrée dedans. Ça a amorti le choc. Le moteur est sorti par le plancher. En ce moment, le lieutenant mécanicien nous a dit : « Sortez, ça va exploser ».
C’est le choc qui fait que l’arrière se casse. Imaginez deux tonnes de fuel, plus l’hélicoptère lui-même. Ça fait quatre tonnes.
Quand il y a eu le choc, on est resté assis, même pour enlever les ceintures, on avait des difficultés. C’est le Lieutenant qui nous répète : « Sautez, ça va exploser ». C’est là que nous sautons tous. Notre chance est que le bouchon du réservoir ne s’est pas ouvert (…) Même en sautant, on pouvait mourir parce que l’hélice continuait de tourner. L’instinct de survie fait qu’on n’est plus prudent.
Mais c’est dans la cour de quelqu’un que nous sommes tombés. S’il y avait des enfants qui jouaient là, on les aurait écrasés. Dieu merci, les enfants jouaient juste à côté de la maison.
C’est une erreur technique. C’était juste un problème mécanique. Donc le pilote ne pouvait plus contrôler. On est devant vous ce soir avec beaucoup de joie, mais d’humilité. Nous étions en train de rentrer avec un engin privé et Dieu nous a ramené pour nous montrer qui nous sommes. Il fallait nous voir dans la double cabine des gendarmes, on avait l’impression qu’on avait la dernière Mercedes. On était heureux même de se retrouver dans cette double cabine. Mais c’est Dieu qui te montre qu’il peut te mettre haut et te mettre bas. Et qu’il est le maître des temps.
On ne dira pas qu’on a vu la mort. Mais là où nous sommes arrivés… Aucun de nous ne se souvient des dernières secondes (…) je suis aujourd’hui convaincu que, pendant les derniers instants, même sur ton lit d’hôpital, tu ne vois plus les vivants.
Propos recueillis par Modeste KONE