Quand Dieu fait le palabre de Guillaume Soro





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Moralement contraint d’œuvrer au rétablissement des droits civiques de Laurent Gbagbo et de Blé Goudé, Alassane Ouattara sera certainement embarrassé par le cas Soro.

Après les avoir autorisés à rentrer en Côte d’Ivoire et d’y reprendre leurs activités politiques sans être inquiétés malgré les lourdes peines d’emprisonnement (20 ans de prison ferme) auxquelles ils ont été condamnés chacun par la justice ivoirienne, il sera moralement difficile pour Alassane Ouattara de ne rien faire pour le rétablissement des droits civiques de ces deux personnalités, notamment le rétablissement de leurs qualités d’électeur et de personnes éligibles.

Par nécessité de cohérence entre son discours de réconciliation et ses actes, le chef de l’Etat sera dans l’obligation de trouver une voie constitutionnelle pour résoudre cette question. Il le fera aussi sous la pression de certains de ses homologues africains qui restent attentifs à tout ce qui concerne l’ancien Président acquitté par la CPI. Ils  expliqueront à Ouattara combien il est gênant de priver Gbagbo de ses droits élémentaires alors qu’il a été blanchi par la justice internationale et gracié par lui.

Un autre facteur moral sera l’histoire. On se souvient qu’après avoir été recalé à l’élection présidentielle de 2000 et à l’élection législative de la même année, il fallut une décision exceptionnelle de l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo pour que Alassane Ouattara soit admis pour la première fois comme candidat à une élection en Côte d’Ivoire en 2010.

Ce sont autant de raisons, sans oublier les risques de troubles liés à l’exclusion de Gbagbo (surtout si Ouattara est lui-même candidat pour un 4è mandat) qui pousseront le chef de l’Etat à trouver le moyen de rendre Gbagbo électeur et éligible. Dans la foulée, il le fera aussi pour Charles Blé Goudé qui a bénéficié des mêmes faveurs que son mentor à son retour à Abidjan.

Mais, en faisant voter une loi d’amnistie ou en usant de ses prérogatives constitutionnelles pour permettre à Gbagbo et Blé Goudé de retrouver leurs droits civiques, le président du Rhdp ne pourra pas s’empêcher de penser à une autre personnalité ivoirienne victime de la même radiation : Guillaume Soro. Pas qu’il se prendra subitement de pitié pour le président de GPS que son régime a presque tout essayé depuis 2019 pour l’humilier et continue de tout tenter pour l’anéantir, mais il sera embarrassé en pensant à la réaction que pourrait avoir l’opinion face à une injustice aussi flagrante vis-à-vis de l’ancien président de l’Assemblée nationale.

A commencer par les cadres et militants du Rhdp qui sont de plus en plus nombreux à nous exprimer la gêne qui les anime de voir Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé bénéficier de tant de concessions de la part de Ouattara, tandis que Guillaume Soro qu’ils ont vu risquer sa vie pour que le même Ouattara s’installe dans le fauteuil présidentiel est en exil après avoir été condamné à la prison à vie par la justice.

Même les rares partisans de Ouattara qui croient réellement que Guillaume Soro a voulu effectivement faire un coup d’Etat à Ouattara comme l’a prétendu la justice d’Abidjan, estiment que quoi qu’on lui reproche, il n’est pas et n’a jamais été plus ennemi et plus nocif pour Ouattara et l’ex-RDR que l’auront été Gbagbo et Blé Goudé à qui tout est toléré aujourd’hui.

Hauts cadres comme militants ordinaires du Rhdp qui occupent des postes et qui reconnaissent profiter du combat mené par Guillaume Soro, ont de plus de mal à admettre intimement la situation actuelle de l’ancien SG des ex-Forces Nouvelles. Ils le murmurent discrètement dans leur bureau de peur d’être sanctionnés.

Mais Ouattara entend forcément ces murmures et craint certainement qu’elles s’amplifient en cas de magnanimité à l’égard de Gbagbo et de Blé Goudé sans qu’il en soit de même pour Guillaume Soro. A qui il est exigé préalablement de demander pardon publiquement à Ouattara et de rejoindre le Rhdp pour espérer être autorisé par le régime actuel à regagner son pays sans être inquiété.   

Pourtant, comme elle l’a fait pour Laurent Gbagbo, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples saisie par les avocats de Soro, a rendu en 2020 une décision qui recommande à la CEI qu’il soit permis à Guillaume Soro d’être candidat à l’élection présidentielle. Une décision précédente de la même juridiction reconnue par la Côte d’Ivoire au moment des faits, a demandé que soient suspendues les poursuites contre l’ancien Premier ministre ivoirien.

Les autorités ivoiriennes n’ont pas voulu exécuter ces décisions. Cela ne signifie pas qu’elles ne sont plus valables. Ce sera sûrement une autre source d’embarras pour Ouattara au moment d’être bienveillant à l’égard de Gbagbo et de Blé Goudé. Une situation qui nous conduit à paraphraser un célèbre dicton ivoirien : « c’est Dieu qui fait le palabre de Guillaume Soro ».  

Cissé Sindou

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