Ici, nous expliquons le pourquoi du comment des choses





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L’Afrique et la Russie. Faisons le pari. Ils vont finir par y arriver et le processus est irréversible. Les peuples d’Afrique que l’on voit partout se battre ne cherchent qu’une seule chose : aller de l’autre côté de la rive. Depuis près de 70 ans, il leur est impossible d’atteindre les côtes. Parce que leurs voraces partenaires leur disent clairement que, Africains, ils n’ont pas le droit d’en prendre même l’initiative à plus forte raison tenter de se jeter à l’eau. Cette guerre de la traversée de l’eau qu’ils ont enfin décidé de mener sans ménagement, mélange évidemment les plans de leurs « partenaires » qui font des pieds et des mains pour qu’aucun leader n’émerge et serve de modèle.

Voilà qu’un allié leur tend la main pour les aider à faire le pas. Ce que la Russie fait en Afrique n’est rien d’autre que servir de courte échelle à ces peuples d’Afrique afin qu’ils réussissent, enfin, la traversée de l’eau en douceur. Révolutionnaire ! Mais comme dans toutes les révolutions qui n’emportent pas l’adhésion de tous, celle-là, à son tour, est combattue farouchement par d’autres Africains. Certains d’entre eux jurent sur tout qu’ils préfèrent de loin la situation actuelle quand les autres ont tout simplement peur de se noyer pendant la traversée. D’autres encore prophétisent que le nouvel allié fera pire que les anciens. N’est-il pas mieux pour les Africains en lutte de payer le nouveau partenaire après la traversée que de vivre avec un ou des partenaires qui, non seulement vous enfoncent en vous empêchant de faire le pas mais se payent eux-mêmes sur vos têtes ?

Qui mélange serviettes et torchonsOn ne sait plus ce qui arrive au président français Emmanuel Macron. Lundi 28 août 2023, lors de son discours annuel devant la conférence des ambassadeurs à l’Elysée, le jeune président s’est sérieusement inquiété de « l'émergence de (nouvelles) grandes puissances internationales ». Il a alors mis en garde ses frères européens contre « un risque d’affaiblissement de l’Europe et plus particulièrement de notre Europe ». Si ce n’est pas faire la politique de l’autruche, comment peut-on appeler une telle façon de réfléchir et de poser les problèmes ? L’Europe est déjà affaiblie. La grande Europe est dans une décadence sans précédent. Il n’y a plus de couple franco-allemand. L’Allemagne ne veut plus se contenter que d’être le leader européen en matière économique et financière. Elle est en train de disputer franchement le leadership de la première puissance politique européenne à la France. Plus que jamais, le pays d’Adolphe Hitler est sur la voie de se reconstruire militairement. Ce qui, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, n’était pas envisageable à ce point.

Avec cette cassure, les Américains et leurs stratèges auront réussi à « balkaniser » la grande Europe. Elle est coupée de la puissance russe et ne bénéficie plus du pétrole et du gaz de ce pays européen qui lui faisait des prix très bas. Pour la grande satisfaction des Etats-Unis qui ont pris le relai et qui vendent les leurs à des prix hyper élevés provoquant ainsi une inflation difficilement maîtrisable par les Etats.

Et puis il y a le basculement. L’arrogance de l’Europe et de l’Occident, la condescendance et le mépris qui se traduisent par l’humiliation constante des Etats des pays dits du Sud que l’on sanctionne à tout va, ont poussé nombre de pays à choisir d’aller vers d’autres grandes puissances. Depuis que cette course est engagée, c’est la ruée. Et c’est de surprise en surprise que le basculement se fait. Ce basculement que tout le monde a vu venir pourtant, se fait au détriment de l’Occident qui n’a plus que ses yeux pour pleurer comme l’a fait Macron lundi, devant les ambassadeurs français. Le coup est gros et les Européens ne sont près d’amortir le choc puisqu’ils confondent tout : serviettes et torchons.

Niger, la bonne preuveEst-ce la panique provoquée par le basculement du monde qui fait déjanter Macron de la sorte ? Lundi 28 août 2023, profitant de son message annuel aux ambassadeurs français à l’Elysée, il a fait montre encore d’une arrogance à nulle autre pareille vis-à-vis des Nigériens. Il a parlé au peuple nigérien comme s’il s’adressait à ses valets de chambre ou même à des pleutres. Et il s’étonnera demain que l’Europe se dépeuple, se désosse et perde son influence sur et dans ses pré-carrés. Mais bon sang ! Dites-lui que le Niger est un pays comme la France et qu’il a aussi le droit, comme la France, de dire oui ou non, d’aller où il veut, de commercer avec qui il veut, de choisir le ou les dirigeants qui lui vont et d’affirmer sa « nigérienneté ».

« Si la France n'était pas intervenue, si nos militaires n'étaient pas tombés au champ d'honneur en Afrique, si [les opérations militaires] Serval puis Barkhane n'avaient pas été décidées, nous ne parlerions aujourd'hui ni de Mali, ni de Burkina Faso, ni de Niger », a pesté le président français. Combien de fois faut-il répéter que ce genre de discours n’a pour seul but que de mettre de l’huile sur le feu déjà trop grand qui consume les relations franco-africaines ? « Ces États n'existeraient plus aujourd'hui dans leurs limites territoriales ». C’est pourtant l’expression de la solidarité humaine. C’est pourtant un juste retour des choses. Les soldats français qui tombent au front en Afrique ne font même pas le millième de ceux, africains, qui sont tombés pour sauver la France et l’Europe de l’emprise du fascisme hitlérien. En outre, et il faut le dire très clairement, ces soldats français viennent en Afrique pour protéger en tout premier lieu, les nombreux intérêts de leur pays, comme on le savait déjà et ainsi que l’a confirmé devant le peuple français, Emmanuel Macron lui-même.

Entêtement. Les peuples africains engagés dans le basculement peuvent dire merci à Macron pour son entêtement. Car plus il parle, plus il insulte leur intelligence et plus ils s’éloignent de lui. La preuve que plus rien ne peut arrêter le mouvement enclenché, c’est que la France institutionnelle ne veut écouter personne et continue plutôt de raidir sa position contrairement aux stratèges américains qui ont fait freiner des quatre fers leur pays. Quand le président français appelle de tous ses vœux à faire la guerre au Niger et répond aux autorités de ce pays que son ambassadeur restera en poste malgré la demande formulée de son départ, ailleurs, on tempère. « De Washington en passant par d'autres capitales européennes, j'ai entendu des voix, j'ai écouté des journaux […] nous expliquer "n'en faites pas trop, ça devient dangereux" », a souligné Macron avant d’ajouter, sous l’effet de la colère : « On a dit que la France était trop engagée en soutien au président Bazoum […] On ferait quoi si un coup d'État se passait en Bulgarie ou en Roumanie ? », a-t-il lancé. « On aurait dit on va regarder parce qu'ils nous ont proposé un Premier ministre ? ». Comme la colère n’est pas bonne conseillère, il va déraper : « On ne fait pas de double standard ». Qui ne fait pas de double standard ? En tout cas pas la France qui adoube et accompagne le coup d’Etat au Tchad et condamne les coups d’Etat au Mali, Burkina Faso et au Niger.

 Lors de cette adresse aux ambassadeurs, tout ce qui est indicible sur le plan politique, stratégique et diplomatique, tout ce qui dépasse toute expression a été dit et exprimé. Preuve que soit le dirigeant politique n’a pas la bonne information sur l’état d’esprit des Africains vis-à-vis de son pays soit il n’a plus une seule confiance dans la présence de son pays sur le continent africain et il fait le choix de tout casser. Lisons ce qu’il dit à propos du président nigérien déchu :

« Mohamed Bazoum est un homme intègre, démocratiquement élu, courageux… Parce qu'il ne démissionne pas, au péril de sa vie […], on nous explique que la bonne politique serait de le lâcher parce que c'est devenu à la mode, parce qu'en fait il faudrait produire local maintenant, même quand ce sont des putschistes ». Le type de discours parfaitement audible chez les jeunes Africains parce qu’il ne fait que les galvaniser. Il vient confirmer ce qu’ils pensent de Bazoum, considéré comme le parfait allié de la France pour perpétuer le détricotage du Niger.

Appel pressant à une intervention militaire. On le sait. Ce que le président Macron appelle « craintes d'une épidémie de coup d'État en Afrique de l'Ouest » n’est rien d’autre que la crainte exprimée de perdre pied sur ce territoire longtemps administré par son pays et qui l’a nourri en matières premières les plus recherchées. Et, comme ce dirigeant qui se sait perdant dans la guerre qu’il a engagée lui-même, Macron opte pour la politique de la terre brûlée. Pour le jeune dirigeant, il n’y a plus rien d’autre à faire que d’enterrer le Niger qui a osé couper le lien avec la métropole. Pourtant, il le fallait bien un jour ! Dans l’entendement du successeur de François Hollande qui soutient du bout des lèvres le règlement diplomatique de la crise, « le cœur de la réponse » doit être plutôt politique. D’où son appel pressant à tous les chefs d’Etat de la sous-région à prendre leurs responsabilités : « J'appelle tous les États de la région à avoir une politique responsable ». C’est-à-dire, à faire le choix politique de dégager les militaires par la guerre. Sentant sans doute que ses pairs pourraient ne pas comprendre ce qu’il leur demande, il se fait un peu plus clair : « Nous soutenons l'action diplomatique, et quand elle le décidera militaire, de la Cedeao dans une approche de partenariat ».

Ce qui se disait jusque-là dans les allées et couloirs des palais présidentiels de la CEDEAO sur le compte de la France qui pousserait dans le dos Ahmed Bola Tinubu et ses pairs vient d’être déclaré publiquement. La France demande à la CEDEAO, « dans une approche de partenariat », d’aller à l’assaut du peuple du Niger. Et en tant que partenaire privilégié de l’organisation sous-régionale, elle n’hésitera certainement pas à prendre sa part dans le massacre qui s’ensuivra. Reste maintenant à savoir si les dirigeants de la CEDEAO, partisans de la bagarre, suivront le doigt de Paris ou entendront les voix de sagesse de ces Africains d’ici et d’ailleurs et de certaines puissances étrangères qui appellent à ne pas suivre l’ancien colonisateur, la France.

Abdoulaye Villard Sanogo

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