Région du Moronou : les raisons de la débâcle d’Affi N’Guessan (Contribution)





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Véronique Aka, candidate du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) au Conseil régional du Moronou est élue nouvelle présidente de la région, pour cinq ans. Elle a battu Pascal Affi N’Guessan, le président du Front populaire ivoirien (FPI), président sortant, avec 61,32% des suffrages contre 37,23%. Une défaite surprenante d’autant plus que Mathias Ahondjon, le candidat du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), s’est retiré pour soutenir Affi N’Guessan, dans le cadre de l’alliance politique entre les deux formations.

48 heures après le scrutin, les informations glanées auprès des acteurs politiques du territoire et certains militants lèvent le voile sur les dessous de la défaite, au-delà, la débâcle du FPI dans l’ensemble de la région. Car, en plus du Conseil régional, l’ancien parti au pouvoir qui régnait jusque-là sur la capitale du Moronou a perdu aussi la mairie de Bongouanou.

La première remarque à faire et qui saute aux yeux, c’est que l’alliance entre le FPI et le RHDP n’a pas fonctionné du tout et a été un désastre pour le parti de gauche dans le Moronou, en dépit du retrait de la candidature de Mathias Ahondjon. « Le RHDP a fait contre-campagne contre nous. Nous avons des informations qui indiquent que le staff de Ahondjon a motivé ses partisans à voter pour la candidate du PDCI, Véronique Aka », a révélé un responsable FPI, sous le couvert de l’anonymat.

Ce que ce responsable du FPI oublie royalement de dire, c’est que c’est à raison que Ahondjon et son staff ont fait cette contre-campagne. A Arrah, l’ancienne ministre de la Culture, Arlette Badou, qui se trouve être la nièce d’Affi Nguessan et épouse de M. Ahondjon, était candidate à la mairie pour le compte du RHDP. Dans cette ville, le FPI présentait aussi un candidat du nom de Guy César connu sous le pseudonyme de Rougeau. C’est un des proches collaborateurs du président du FPI.

Alors que Ahondjon, sur instruction du président Ouattara, a retiré sa candidature pour soutenir Affi dans les régionales, ce dernier n’a pas voulu faire comme Ouattara en demandant à son poulain de se retirer de la compétition au profit de Mme Ahondjon. Le prétexte trouvé par Affi est que Rougeau est un candidat indépendant. Cette attitude d’Affi n’a pas du tout plu à Ahondjon et son staff qui, selon mes informations, ont passé des « messages nocturnes et souterrains » à leurs électeurs sûrs afin qu’ils votent la candidate du PDCI.

L’autre raison de l’humiliation du FPI dans la zone c’est sans conteste, le changement brutal de la stratégie du parti d’Affi qui s’est jeté dans les bras du RHDP à la suite de sa rupture avec son mentor Laurent Gbagbo. Au regard des résultats de ces élections locales, force est de constater que cette alliance a été fatale à l’ancien parti au pouvoir de 2000 à 2010. L’on explique difficilement que Affi Nguessan qui a toujours gagné seul avec son parti perde lamentablement alors qu’il est en partenariat avec le parti au pouvoir. Si l’on peut mettre le doigt sur la sincérité de Ahondjon et son staff, il est notable aussi que les partisans du président du Conseil régional sortant ne l’ont pas suivi dans sa nouvelle aventure. Ils s’interrogent encore certainement sur ce qu’ils appellent un « revirement opportuniste fait sur un coup de tête juste pour aller dans le sens contraire de la direction de Laurent Gbagbo ». Les deux amis et camarades d’hier étant devenus chien et chat.

C’est que lors de l’élection présidentielle de décembre 2020, Affi Nguessan, porte-parole de l’opposition, avait conduit des opérations de contestation du 3è mandat d’Alassane Ouattara. Ces opérations qui ont été fortement réprimées aussi bien par les partisans du chef de l’Etat sortant que par les forces de l’ordre, avaient fait plusieurs victimes dont de nombreux parents du président du FPI. Certains ont même été jetés en prison. Affi lui-même a subi le même sort. Alors que les parents n’avaient pas encore fini de pleurer leurs enfants partis trop tôt, alors que nos parents n’ont pas encore retrouvé leurs enfants qui croupissent en prison, ils ont été surpris de voir celui pour qui ils ont subi des tortures et des traumatismes s’enlacer avec le bourreau d’hier.

Même s’ils savent, pour certains, que la politique réserve toujours des surprises, cette couleuvre était difficile à avaler pour eux. C’est ce qui explique qu’ils n’aient pas fait, cette fois-ci, l’effort qu’ils ont toujours fait pour aider leur fils quand il se trouvait en difficulté face à l’adversaire. Ce que j’écris est corroboré par un autre fils de la région sur les réseaux sociaux en ces termes : « Dans une localité où la désobéissance civile en 2020 a enregistré plusieurs morts et de nombreux blessés, le rapprochement avec le RHDP n’a pas été bien accueillie ».

Mais le camp d’Affi voit plutôt les choses autrement. Il ne semble pas voir dans cet échec cuisant, ses propres erreurs comme le fait de n’avoir pas fait une vraie campagne de proximité à travers le porte à porte et de n’avoir compté que sur son bilan qui serait positif à tous points de vue et d’avoir négligé la transhumance qui a été enregistrée dans la région. Les informations que j’ai parlent de plusieurs milliers de personnes convoyées des localités voisines et d’Abidjan pour les inscrire sur la liste.

Dans tous les cas, le temps est venu pour Affi et son camp de sortir des petites combines et autres calculs mesquins qui ont fait que beaucoup de militants comme nous ont pris du recul par rapport au parti dans la région et même au plan national. Et puis la question de sa succession doit être posée maintenant. Il devrait songer à passer la main à la tête du FPI devenu moribond par le jeu du temps, je veux dire l’usure du pouvoir.

Jean Hugues Ahoutou

Fils de la région,

Opérateur économique,

Ancien militant FPI des années 90

(Contribution )

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