Lettre à un Premier ministre homme de Dieu : ça ne va pas !





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On dit de vous, monsieur le Premier ministre, que vous êtes un homme qui sait où il va. Soigneux, vous maniez à la perfection le secret maçonnique et la rigueur des protestants. En vous choisissant en ce mois d’octobre 2023 pour diriger son gouvernement, le chef de l’Etat est sans doute tombé sous le charme de cette droiture qui vous caractérise. Un trait de caractère qui, le plus souvent, éloigne malheureusement des préoccupations du grand peuple. Surtout quand on s’appelle Robert Beugré Mambé et qu’on est un habitué des ors de la République.

Alassane Ouattara sait, par empirisme, que le rigorisme protestant a déjà perdu par le passé, un homme d’Etat français, Lionel Jospin. Son gouvernement avait obtenu de très bons résultats mais à l’élection présidentielle qui a marqué la fin de son mandat, un autre homme politique lui a été préféré par les électeurs français. A travers vous, ce n’est pas que le simple fidèle protestant qui a été choisi. C’est un homme de Dieu, prédicateur de l’Eglise méthodiste unie de Côte d’Ivoire (EMUCI). C’est-à-dire un homme de Dieu qui n’hésitera pas à parler de Dieu aux nombreux « Bossonnistes » ivoiriens.

Justement parce que quand ça ne va pas, il faut se confier à Dieu. Et, qui mieux que l’Eglise peut expliquer, persuader et convaincre ? « L’Eglise n’est pas en dehors de la nation. Bien au contraire, l’Eglise est dans la nation, au cœur de la nation et vibre avec la nation. Alors rien de ce qui concerne la vie de la nation ne saurait laisser l’Eglise indifférente », a révélé Mgr Alexis Touably, de l’Eglise catholique de Côte d’Ivoire. Votre tâche ne sera pas des plus aisées. Il vous faudra de la lumière, beaucoup de lumière et une certaine ingéniosité pour amener ceux qui hésitent encore à le suivre à adhérer massivement à son projet.

Le chef de l’Etat tient tellement à son affaire qu’il veut de véritables changements afin que tout le monde ait foi en ce qu’il dit et fait. Parfois, on a plus besoin de foi que de rationalité. La principale recommandation qu’il vous adresse est, du reste, tirée des commandements de Dieu : « Je voudrais demander que vous fassiez preuve d'humilité et de proximité avec les populations afin de mieux les servir ». Sur la voie du redressement et au regard de votre approche de la situation, je ne suis pas sûr que vous ayez fait le meilleur classement des priorités eu égard à la demande expresse de votre patron : proximité avec les populations pour mieux les servir.

Monsieur le Premier ministre, dans la déclinaison des grands points de votre programme gouvernemental, la question de la sécurité alimentaire vient en cinquième position. Or, il ne devrait pas vous échapper que les questions liées au social n’ont pas toujours été bien traitées par le gouvernement de votre prédécesseur. Ce qui pourrait justifier le nombre croissant des « non-croyants » que vous avez le devoir d’aller chercher par votre proximité avec eux. En faisant le choix de reléguer cette question loin derrière, vous risquez fort bien de creuser davantage ce fossé entre les habitués des ors de la République et les oubliés.

Monsieur le Premier ministre, on sait que le très gros retard pris dans la construction du Métro d’Abidjan est l’une des raisons du changement de la tête du gouvernement. Il est donc tout à fait judicieux que vous fassiez de ce projet une priorité. Mais pas quand même dans l’absolu au point de vouloir étouffer les cris de souffrance de cette grande partie de la population qui ne sait plus à Saint se vouer. Monsieur le Premier ministre, ça ne va pas ! Comme vous n’avez pas la chance de vivre au quotidien les difficultés pesantes de vos compatriotes oubliés ou laissés sur le bord de la route, organisez des séances de travail ou des réunions avec les quartiers de la capitale économique. Vous verrez et vous saurez.

Ça ne va pas, n’est pas un slogan politique encore moins un thème de dénigrement d’un gouvernement. Ça ne va pas est bien un cri du cœur devenu le refrain d’une chanson que l’on entend un peu partout dans les familles ivoiriennes. Monsieur le Premier ministre, ça ne va pas tellement que nous n’aurons pas ici le temps d’égrener toutes les souffrances auxquelles nous, vos compatriotes, faisons face au quotidien. Il nous faut aller nous grouiller pour notre pain journalier afin d’espérer être là, demain, et prendre notre part dans la construction sans complexe d’une Côte d’Ivoire nouvelle qui a besoin, pour cela, de voir rassemblés ses fils et filles.

Abdoulaye Villard Sanogo

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