C’est presque sûr. Cheick Tidjane Thiam sera le nouveau président du PDCI-RDA. Le samedi 16 décembre 2023, dans exactement une semaine, les militants du parti fondé par Félix Houphouët-Boigny et ses compagnons se retrouveront pour transformer un Congrès extraordinaire électif en un moment de fête. Et rien d’autre.
C’est que la présidence intérimaire du vieux parti a tout mis en œuvre pour qu’il en soit ainsi. Il lui est impossible voire impensable de mettre en compétition Dieu et ses anges. De là, le consensus qu’elle a conseillé aux différents candidats afin de prendre une seule et même voie.
Sûre de son choix et assurée qu’il conduira le PDCI à bon port, la direction intérimaire n’a pas hésité à indiquer la porte de sortie au candidat qui faisait de la résistance. Ce n’est pas le moment. Exit donc Maurice Kacou Guikahué que tous les spécialistes voyaient comme le candidat à même d’ébranler ou de l’emporter devant tous les autres. Après tout, il n’est qu’un ange, il n’est pas Dieu.
Place nette donc à Dieu. Le Dieu du PDCI. « Thiam est comme un envoyé que Dieu nous a envoyé (sic !) pour chasser Ouattara du pouvoir », explique Jean Likane Yadji, baron du PDCI, député de Gboguhé et directeur de campagne adjoint de Thiam. Mettons-nous d’accord. Un envoyé de Dieu sur terre est Dieu. D’ailleurs, des exégètes de la bible racontent qu’en réalité, Jésus c’est Dieu.
Avoir comme ambition de chasser Ouattara du pouvoir, avouons-le, c’est tout un programme qui ne peut laisser personne indifférent, surtout les militants du parti septuagénaire qui considèrent l’actuel chef de l’Etat comme leur bourreau. S’il n’y avait que ça ! Suivons encore le député Jean Likane, déclinant le programme de son candidat : « Le petit (Thiam) dit, pour que je puisse l’enlever, donnez-moi le PDCI…pour qu’on modifie la liste électorale… Si le petit prend le PDCI, c’est une assurance-vie pour le PDCI. Les ennuis judiciaires que Maurice (Kacou Guikahué) a à cause du PDCI seront résolus en un clin d’œil ».
Si ce n’est pas Dieu, quel humain peut-il arriver à mettre sur pied un tel programme et à réussir certaines de ses activités « en un clin d’œil » ? Le speech du directeur de cabinet adjoint de Cheick Tidjane Thiam est si captivant que les thèmes sont bien choisis pour une cible bien connue. Au reste, d’autres partisans de l’ancien élève du lycée classique d’Abidjan ajoutent à ce que Jean Likane a égrené que la refonte de la CEI aura lieu et le découpage électoral se fera aussi « en clin d’œil ». Des sujets majeurs qui intéressent au plus haut point toute la classe politique ivoirienne de l’opposition qui a du mal à faire accepter ses propositions de transparence électorale au chef de l’Etat.
2024, veille de l’élection présidentielle de 2025, sera une année de travail acharné pour le Dieu du PDCI mais aussi pour la presse, qui aura entre les mains son calepin afin de suivre dans le moindre détail le déroulé du programme de l’ancien patron de Crédit Suisse. Le concerné lui-même devra se battre corps et âme pour arracher à Ouattara quatre choses essentielles, selon ses partisans : la refonte de la CEI, l’audit de la liste électorale, le découpage électoral et la mise à mort des ennuis judiciaires des militants de l’opposition.
Les humains que nous sommes auraient pu conclure, à la lecture de ce programme détaillé, que c’est peine perdue. Mais les partisans de l’assurance-vie du PDCI-RDA nous mettent tout de suite à l’aise en nous rappelant que leur cheval connaît le président français Emmanuel Macron comme le fond de sa poche, tout comme il connaît tous les chefs d’Etat et de gouvernement aussi bien en Afrique qu’en Occident. Ils ajoutent enfin qu’il maîtrise le monde de la finance internationale pour en être un des acteurs majeurs.
On s’en doute bien. Le programme de l’ex-directeur général du BNETD n’est pas sans crainte. Ne serait-ce que pour son caractère révolutionnaire, il croisera forcément le fer avec un autre programme contre-révolutionnaire pour bien marquer que le monde, comme le chien, ne change pas sa façon de s’asseoir. On devra, de ce fait, s’attendre à un gros choc des ambitions d’autant qu’au RHDP, parti au pouvoir, Ouattara que l’ex-ministre de Bédié prévoit d’éjecter du fauteuil présidentiel « en un clin d’œil », est vu par ses militants comme « un envoyé que Dieu a envoyé pour sauver la Côte d’Ivoire ».
Entre ces deux dieux, qui est le Dieu des Ivoiriens ? Qui vivra verra.
Abdoulaye Villard Sanogo