Affaire Bacongo : d’importantes précisions





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Ça en vaut la peine. Dire avec exactitude ce que les populations reprochent à Ibrahima Cissé dit Bacongo fera du bien à tous y compris ceux qui colportent de fausses nouvelles. Le déguerpissement des quartiers précaires fait partie du plan directeur du Grand Abidjan. Construire le Grand Abidjan signifie clairement que l’on choisit d’étendre Abidjan au-delà des frontières habituelles. Cela signifie aussi rendre la ville d’Abidjan plus belle, donc plus propre. Et ce n’est pas avec les bidonvilles qui poussent partout et occupent de grands espaces que l’on réussira ce travail d’orfèvre.

L’Etat ivoirien en est si conscient qu’il a signé à Abidjan, le lundi 29 novembre 2021, sous la plume du Premier ministre d’alors Patrick Achi, une « convention entre la Côte d’Ivoire et la France afin d’améliorer les conditions de vie de 300 000 habitants de cinq quartiers restructurés dans trois communes du Grand Abidjan (Yopougon, Abobo et Koumassi) », lit-on sur le site du Premier ministère. Selon le même site, cette convention porte sur la rondelette somme de 32,8 milliards de FCFA.

De l’avis même des deux parties signataires de la convention, il ne s’agit pas de rendre plus miséreux les 300.000 habitants de ces 5 quartiers mais bien d’améliorer leurs conditions de vie en restructurant leurs environnements. Lisons encore d’autres termes de la convention : « La Convention porte sur le financement du projet d’aménagement des quartiers restaurés d’Abidjan (PAQRA). L’objectif est de renforcer l’accès de 300 000 personnes aux services urbains essentiels (l’électricité, l’éclairage public, l’eau potable et le traitement des eaux usées, etc.) ».

Ce n’est pas tout. Cette convention est tellement pleine de bonnes intentions que l’on ne peut pas ne pas les mettre sur la place publique. L’autre objectif et non des moindres de cette convention signée entre Paris et Abidjan est de permettre aux quartiers à restructurer d’avoir accès le plus facilement du monde « aux équipements sociaux collectifs de proximité (scolaires, sportifs et espaces publics), de réduire les risques d’inondation et d’améliorer la salubrité des quartiers ».

Très clairement dit, ce qui est attendu du gouvernement depuis la signature de cette convention en 2021, c’est d’utiliser ces 32,8 milliards de FCFA pour moderniser ces quartiers en y construisant écoles, terrains de jeux, centres de santé, routes bitumées. Evidemment, cette modernisation ne peut se faire avec des constructions anarchiques sur des emprises publiques. Celles-là doivent être rasées pour éviter des inondations et le mal être de ces populations ainsi que le souligne du reste la convention.

Si ce travail devrait nécessiter que l’on rase tout un quartier, il faut, dans ce cas, se référer à la loi nationale. Car le décret du 22 juillet 2014 est sans fioritures dans le cas d’espèce. Lorsque votre zone est déclarée d’utilité publique, c’est que vous êtes bon pour être délogé à tout instant par l’Etat. Sauf qu’avant de procéder à votre déguerpissement, l’Etat vous dédommage. C’est un préalable. Tiens ! Pour le passage des travaux du 4è pont à Adjamé-Boribanan, les populations impactées ont été non seulement dédommagées mais les pouvoirs publics leur ont construit préalablement une nouvelle cité. Celle-ci est même visible dans des vidéos sur les réseaux sociaux.

En 1993, lorsque les populations vivant dans le sous-quartier d’Adjamé appelé « Whashington » devaient être délogées, l’Etat a pris le temps de les en informer, de les dédommager et de leur construire un tout nouveau quartier sur la route d’Alépé : Biabou. Ce qui fait qu’à l’époque, personne n’a crié au scandale vu les précautions prises par le gouvernement du président Bédié. L’on a plutôt dénoncé ceux des habitants qui n’ont pas voulu partir ou qui sont revenus aussitôt.

Justement, l’émoi qui s’est emparé de la population ivoirienne et du monde entier au lendemain du passage des bulldozers du ministre-gouverneur Ibrahima Cissé dans le quartier de Gesco est né précisément de la non prise en compte des textes de la convention signée avec la France et du décret du 22 juillet 2014. Plus grave, le quartier Gesco, selon les documents concoctés depuis 2002 par le ministère de la Construction et de l’Urbanisme, n’est pas un quartier précaire. C’est un quartier bien loti qui contient des ilots, des lots, des espaces verts, des lieux de culte, des aires de jeux, des centres de santé et des écoles. Et ceux qui habitent sur ces lots les ont acquis selon les lois de la République.

Ce que nous disons qui est fondé sur des textes n’écarte pas le fait qu’à la Gesco il puisse y avoir des habitations construites sur « des emprises publiques sans respect des règles d’urbanisme ». Ce qui pourrait « engendrer des problèmes d’assainissement, de mobilité et d’accès aux équipements sociaux de base ». Mais si c’était le cas, l’Etat se doit, ne serait-ce que par humanisme, les prévenir avant de casser leurs domiciles. Parce que ce n’est pas de gaité de cœur que des compatriotes vivent dans des quartiers insalubres. A la limite, ils y sont contraints par la société des méchants.

Quant aux autres qui ont pris pied dans ce quartier avant le décret de juillet 2014, ils sont propriétaires de leurs lots et ledit décret les protège contre toute forme d’abus. Avant toute opération, les pouvoirs publics doivent les dédommager. Ça n’a pas été fait par Bacongo et le gouvernement qui violent ainsi leurs propres textes et même la convention signée avec Paris dont l’objectif est d’améliorer la vie et l’environnement des 5 quartiers sélectionnés.

Tout bien pesé, si le monde entier a été scandalisé par la destruction de Gesco, c’est pour ces raisons. Premièrement, l’opération de démolition du quartier se passe au lendemain du sacre continental des Eléphants footballeurs lors de la CAN 2023. Et puis, le quartier est loti. Il n’est pas précaire. Selon la convention signée par le Premier ministre de l’époque Patrick Achi, Gesco, plutôt que de subir la violence inouïe des bulldozers envoyés nuitamment par le gouvernement de la République, devrait bénéficier de plusieurs avantages des 32,8 milliards de FCFA par le renforcement de ses acquis à travers une restructuration.

Deuxièmement, la démolition s’est faite sans préavis aucun, en pleine année scolaire. C’était humainement impensable. Les victimes n’ont donc pas bénéficié de dédommagement comme prescrit par le décret de juillet 2014. Troisièmement, cette démolition n’a pas fait de tri. Comme s’ils étaient aveuglés par la prise de stupéfiants, les bulldozers ont rasé villas, maisons à étages et, surtout, un groupe scolaire privé qui travaille en étroite collaboration avec l’Etat. C’en était trop !

La société politique, civile, scolaire et universitaire s’est levée comme un seul homme pour dire non à la méthode brutale et d’un autre âge de Bacongo. Preuve qu’elle n’est pas contre le développement. Elle veut juste que le développement urbain s’accompagne d’un peu d’humanisme dans une société où les disparités creusées sont déjà énormes entre les humains.

Heureusement que le message est passé et que dorénavant, les choses se passeront autrement. C’est-à-dire humainement. Reste maintenant à établir le plus rapidement possible, le programme de dédommagement des populations humiliées. Et les 32,8 milliards de FCFA devraient suffire à le faire.

Abdoulaye Villard Sanogo

 

 

 

 

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