En un seul tour de scrutin, le peuple sénégalais vient de choisir à sa tête des personnalités que des magistrats préféraient pourtant en prison.
S'il se trouve, par exemple, que Donald Trump est le préféré des Américains pour le prochain mandat présidentiel aux USA, toutes procédures judiciaires qui l'empecheraient éventuellement de participer au jeu électoral pour obtenir les suffrages des électeurs n'auraient pour effet que de créer un malaise inutile dans la société américaine. Car, ces procédures iront à l'encontre de la volonté de la majorité des citoyens pour qui la justice est censée être faite. De même, le Sénégal qui a retrouvé le calme et le soulagement après le scrutin du dimanche dernier, demeurerait en crise si la candidature de Bassirou Diomaye Faye avait été rejetée. Pour rappel, au moment où sa candidature à l'élection présidentielle était examenée par les instances compétentes, l'actuel chef de l'Etat était en prison. Il était en détention préventive après avoir été accusé de diffusion de fausse nouvelle, outrage à magistrat et diffamation envers un corps constitué. Sa candidature avait été validée parce qu'il n'avait pas encore été jugé, et qu'il bénéficiait de la présomption d'innocence. Quant à son mentor Ousmane Sonko, celui-ci avait déjà été jugé et condamné. Mais, des observateurs avertis affirment que l'ancien pouvoir a été pris de court par la popularité de la candidature de Diomaye Faye. Ces observateurs estiment donc que le regime aurait tout fait pour précipiter son jugement, et le faire condamner s'il avait su un seul instant qu'il pouvait battre son candidat Amadou Ba. Cela aurait privé le Pastef, le parti de Sonko, d'une participation à cette élection, et privé 54% d'électeurs sénégalais de leur choix. Nous ne sommes pas en train de prôner ici une non justice dans un pays. Mais, nous pensons que dans une situation qui où la stabilité d'une Nation est menacée, lorsque l'action de la justice peut causer plus de mal que de bien, il faut lui trouver une alternative, aussi discutable que celle-ci puisse être. "Un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès", déclarait dailleurs il y a deux siècles Honoré de Balzac. A notre sens, l'arrangement trouvé dans les urnes au Sénégal sur le sort de Sonko et de Diomaye Faye est plus efficace que l'auraient été toutes décisions de justice. Surtout qu'en l'espèce, les accusations et les jugements ont des relents politiques. Ce qui rend difficile l'appréciation de leur neutralité et de leur objectivité. Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye méritaient-ils la prison ou la liberté ? La majorité des sénégalais viennent de trancher. Mieux, ces décideurs suprêmes, de qui la justice elle-même tire son pouvoir, ont jugé que ces deux personnalités méritaient plus qu'une simple liberté. Ils meritaient de diriger le Sénégal. Ce fût également le cas d'Alassane Ouattara actuel chef de l'Etat ivoirien. C'est que, pendant des décennies, des juges l'ont jugé ineligible. Cela a plongé le pays dans des troubles causant des milliers de morts. Lorsque Laurent Gbagbo alors chef de l'Etat a décidé de l'autoriser à être candidat même à titre exceptionnel, les électeurs ivoiriens lui ont donné 54% de voix dans les urnes, lui confiant les destinées du pays. Là encore, le peuple a tranché et la Côte d'Ivoire a retrouvé la paix. La leçon est donc la suivante, il faut laisser le sort des candidats au peuple au lieu de les écarter par des machinations judiciaires et mettre en danger le pays.
Cissé Sindou