Le président Henri Konan Bédié a enflammé la toile par une sortie qui pue le tribalisme primaire. Tous les analystes et chroniqueurs politiques, ici et ailleurs, sont unanimes pour condamner sa sortie de route. Il a, en effet, réveillé les vieux démons de la division et de l’ethnicisme dans une société ivoirienne qui peine à recoller les morceaux du tissu social déchiqueté par deux décennies de crise dont lui-même est l’artificier numéro UN. Par la politique qu’il a menée de 1993 à 1999 et qui a provoqué le premier coup d’Etat militaire de l’histoire de la Côte d’Ivoire indépendante, il a donné le coup d’envoi de la haine de l’Ivoirien pour l’Ivoirien.
Que Bédié embouche, de nouveau, le discours de la haine tribale ne devrait plus surprendre. L’être humain, dit-on, n’est pas plus ce qu’il dit que ce qu’il fait. Il est l’accord profond de ce qu’il dit et de ce qu’il fait. Bédié pendant sa période de gouvernance, en tant que président de la République, a posé des actes et tenu des discours qui ont semé la haine dans les cœurs. Quand il a été chassé du pouvoir, il a tenu des discours conciliants et a même indiqué que le concept tribal qu’il a créé était culturel et non politique. Soit. Quand Alassane Ouattara a été élu Président, le discours de Bédié est devenu laudateur, flagorneur. Le président du Pdci-Rda est devenu un homme de paix qui aime les Ivoiriens de toutes les origines, un rassembleur, un modèle, un bon disciple de Félix Houphouët-Boigny. Il était si acceptable et correct qu’Alassane Ouattara a fait pour lui ce qu’il n’a jamais fait pour lui-même : l’immortaliser.
Ainsi, comme Houphouët-Boigny et De Gaulle, le nom de Bédié est gravé en marbre sur le troisième pont d’Abidjan.
Hélas ! Chassez le naturel, il revient au galop. Bédié reste N’Zuéba. Pas donc d’illusion à se faire. L’élément nouveau qui mérite éclairage, ce sont d’après lui, ces cargaisons d’étrangers à qui on délivrerait la nationalité ivoirienne à Abobo et qui restent ou repartent aussitôt dans leur pays après avoir eu leurs papiers. Ainsi donc la nationalité ivoirienne procure à manger aux étrangers qui viennent de toute la sous-région faire leurs papiers et retourner dans leurs pays respectifs. Mieux, quand ils viennent rechercher ce précieux sésame, ils ne vont pas à Daoukro mais à Abobo. Pourquoi uniquement dans cette commune dirigée par Hamed Bakayoko ? Y a anguille sous roche !
Assurément, Bédié n’a pas fini de parler. Il doit indiquer le laboratoire et les noms des personnes qui fabriquent ces documents. Ce sont des accusations sans preuves qui méritent des éclairages. Certainement que les jours à venir, il en dira plus à nos confrères car il est actuellement difficile de suivre le président du Pdci dans son raisonnement. De même, il doit nommer les autorités qui convoient les orpailleurs étrangers armés dans les « paisibles » villages pour ôter la vie aux autochtones. Ce sont là, des accusations pertinentes qui méritent d’être élucidées. Ces sujets évoqués sont plus importants que tout ce qui est en relation avec la préférence nationale vu que dans le propre environnement immédiat de Bédié, les métis et Ivoiriens d’origine étrangères sont nombreux. Certainement qu’ils vont lui poser des questions s’ils en ont le courage.
Malgré tout, il faut savoir raison garder car tout n’est pas « négatif » dans cet ancien-nouveau discours de Bédié. Dans cette Côte d’Ivoire multi-ethnique et multi-raciale, quiconque va faire alliance avec Bedié et ce discours haineux d’arrière-garde a perdu d’avance. Car « ce qui a tué Macloclo va forcément tuer Maclacla ».
Traoré Moussa